120 dircoms publics réagissent aux campagnes de Béziers
Les campagnes outrancières de la ville de Béziers font réagir 120 dircoms publics qui rappellent les valeurs de la profession.
Les campagnes de communication de la ville de Béziers font régulièrement parler d’elles. Trop c’est trop, ont souhaité proclamer plus d’une centaine de dircoms pour qui « ceci n’est pas notre métier ».
« La communication publique est un service public » rappellent les auteurs, reprenant en ouverture du texte la signature du réseau Cap’Com. « Nous ne pouvons cautionner les campagnes de communication publique telles que celle de la mairie de Béziers. Aucune action publique ne justifie le déploiement de messages volontairement provocateurs, promouvant la violence, le rejet, la haine ou l’agressivité ».
Cet appel, lancé par plusieurs communicants, a pris de l’ampleur en décembre et lors du Forum du Havre, et a été relayé par le magazine Brief et sur les réseaux sociaux. Une initiative qui démontre la capacité qu’ont les communicants publics à se mettre en réseau et à s’exprimer collectivement.
La communication publique ne peut pas être assimilée à cette propagande
Certes, les outrances du maire de Béziers facilitent cette mobilisation. Bien évidemment, « la communication publique ne peut pas être assimilée à cette propagande ». Mais le rappeler, c’est surtout exprimer l’éthique du métier. Des valeurs, « de partage des savoirs, de médiation, d’éveil à la citoyenneté » sont à cette occasion réaffirmées.
Lors du Forum Cap’Com de 2014, qui avait mis l’éthique du métier au centre des débats, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie politique à l’Université Paris-Sorbonne, y expliquait que l’éthique est une démarche et un questionnement collectif. Le magazine Brief et la revue Parole publique, dans des tribunes issues de travaux initiés par Cap’Com, donnaient aussi l’occasion de rappeler que « La communication publique dispose d’un corpus de valeurs, celles du service public, autour de notions comme l’intérêt général, la légitimité de l’action publique, la neutralité ou la transparence ». Des valeurs adoptées par les communicants publics en 2002, lors du Forum Cap’Com de Marseille, au travers de la Charte déontologique de la communication publique. Un document qui élabore "un contrat public" de l’exercice du métier.
Les communicants publics ont su définir trois domaines dans lesquels le questionnement éthique s’applique
En travaillant sur l’éthique spécifique de leur métier, au croisement de la communication et du service public, les communicants publics ont su définir trois domaines dans lesquels le questionnement éthique s’applique prioritairement. Des domaines qui aident à comprendre pourquoi condamner les actions du maire de Béziers.
D’abord - et cela semble évident - dans le cadre de la passation des marchés publics de communication. Le droit en la matière est justement là pour garantir quelques règles vertueuses mais les pratiques ne sont pas toujours conformes à l’esprit des textes, notamment lorsque l’attribution d’un marché public est favorisé ou que certaines pratiques doivent être couvertes.
Ensuite dans le domaine de l’information où le communicant public a la responsabilité de ses écrits et de ses actes, comme le réaffirme justement le texte de l’appel. Au regard de ses convictions et de sa conscience professionnelle, il appartient au communicant de veiller au respect de certains principes comme la dignité des personnes, la véracité des informations, l’équité et l’impartialité des contenus. Il doit aussi éviter les dérives comme l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, la manipulation. Ceci suffit à retirer à la communication de Béziers toute référence à la communication publique.
Enfin, dans la pratique quotidienne de son métier, le professionnel doit veiller à la déontologie du service public. Une attention toute particulière doit être réservée au respect de la frontière mouvante entre son action et l’action politique de ses élus. Utilisation des outils de communication à d’autres fins, engagement professionnel au service d’activités politiques personnelles ou partidaires sont autant de dérivés possibles. Là encore, Béziers semble bien loin de la déontologie inhérente au service public.
Oui, comme le proclament les signataires, la communication publique dispose de valeurs qui fondent l’action des communicants publics. Et il n’est jamais inutile de le rappeler.