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La com de la com

Publié le : 7 février 2019 à 10:52
Dernière mise à jour : 8 février 2019 à 14:01
Par Anne Revol

Expliquer, convaincre, voire légitimer, une gageure pour le service communication qui doit travailler en transversalité avec tous les acteurs de la collectivité. Une nécessité pour faire comprendre son rôle et créer des ponts pour fluidifier les relations internes, pour en améliorer l’efficience. Voyons comment certains communicants font la com de la com dans leur collectivité.

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« J’aurais plutôt mis du bleu là ! » « En matière de communication, plus que dans les autres domaines, informatique, urbanisme, affaires sociales… tous les acteurs se sentent compétents. Tous ont des a priori sur le graphisme, les couleurs, l’esthétique, au détriment de l’impact réel recherché. Il faut donc expliquer et convaincre... » soulignait Jean-René Martel, ancien dircom de la ville du Havre dans une interview accordée à l’occasion des 30 ans du Forum Cap'Com.

Même si en trois décennies, professionnalisation et mise en réseau à l’appui, le regard sur la communication publique a progressé, il faut encore faire la com de la com. Car le service communication a parfois encore du mal à affirmer son positionnement, sa légitimité et à expliciter son activité. Deux communicants de collectivités de tailles différentes, la communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien et Brest métropole, sont venus présenter au Forum Cap'Com de décembre 2018, leurs outils et leur méthode pour faire comprendre le rôle et l'organisation de la com et améliorer les relations avec les autres services.

Routine, pédagogie, méthode, les clefs pour mieux travailler avec les autres services

Julie Payen, directrice de la communication de la communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien s’est attelée à la tâche avec son équipe (une graphiste, une chargée de diffusion, et un community manager et chargé de relations presse) dans une collectivité toute récente. Fruit de la fusion en 2014 de trois communautés de communes, cette nouvelle intercommunalité a intégré de nouvelles compétences au fil des années, a vu ses services se structurer, et le service communication se renforcer à partir de 2015. Le service est confronté régulièrement à des remarques ou des demandes du genre : « Tu peux me faire une affiche. La date, le contenu, le lieu de l'événement : aucune idée. Pourquoi c’est important ? », « T'envoyer le contenu pour le 2 décembre ? Ok je t’envoie un pdf avec 130 annexes le 27 décembre c’est bon ? » Autant d’échanges qui ont poussé l’équipe à structurer un plan pour présenter le service communication aux autres en envisageant plusieurs axes : faire preuve de pédagogie (des pratiques et des outils de communication, des manières de fonctionner avec différents prestataires), prendre en compte les enjeux de management, et positionner le service au sein des différents pôles de la collectivité.

Le service communication a donc conçu un schéma du circuit de réalisation d’un outil et/ou d’une action de communication. Ce processus de 50 jours prend pour point de départ la demande envoyée par les services sur une boîte mail générique partagée par l’ensemble de l'équipe com. Le schéma explique les différentes étapes, les besoins, les contraintes et les délais du service communication. Il incite les agents des services demandeurs à se questionner sur l’objectif, la cible, le message de leur action de communication, et à faire valider les demandes auprès de leur chef de service, leur chef de pôles. Le schéma fait également œuvre de pédagogie en précisant ce que signifie le mot brief, pas forcément connu de tous. Il est complété par un tableau avec les différents outils et leurs utilisations ainsi qu’une fiche de suivi pour évaluer ce qui a fonctionné ou pas.

« Il faut réussir à définir nos différentes missions auprès des services, repositionner nos outils et rappeler leur rôle, élaborer des fiches de suivi et des agendas », explique Julie Payen. Pédagogie et méthode donc, mais aussi routine, une nécessité selon la dircom, un « garde-feu » dans la mise en place des différentes actions de communication. Son service s’astreint ainsi chaque lundi matin en réunion de service, à remplir l’agenda en faisant le point sur l’avancée de chaque projet, mais aussi à bien formuler les demandes auprès des services en les relançant et à leur de faire des retours précis.

Un guide de communication par cible et support

Pour aider les services à mieux communiquer, le service communication Université de Cergy Pontoise les invite à déterminer leur cible selon le type de support ou de prestation. Son guide de la communication, disponible en intégralité (37 pages) au format pdf ou par fiche sur son site internet, précise par cible et par support les objectifs, le processus et les contacts.

Affirmer le positionnement stratégique de la com

« À Brest métropole, nous nous sommes posé la question de comment la direction de la communication était perçue par les autres », explique Vincent Nuyts, directeur de la communication et du marketing territorial de la métropole brestoise « Très souvent, nous sommes considérés comme des artistes de la collectivité, car les agents nous présentent des papiers, des documents et ils nous demandent si l’on peut les rendre plus beaux, plus séduisants, et si possible de ne pas changer le contenu »

Sa direction de la communication commune à la ville et à la métropole de Brest compte 25 personnes. Elle s'inscrit depuis plusieurs années dans une dynamique d’évolution, avec pour objectif de passer d’un positionnement de prestataire de service à un positionnement plus stratégique. Une évolution mal appréhendée en interne « Il est rare qu’on vienne voir la direction de la com pour de la stratégie, souvent plutôt pour des outils. » Pour le dircom, plus la fonction de communication sera partagée dans l’ensemble de la structure, plus elle sera confortée au niveau stratégique. « Si on ne partage que la technicité, on restera uniquement des fabricants d’outils ».

Le service dispose déjà de fiches action qui jouent le rôle pédagogique mais restent souvent mal remplies, et ne disent rien ni des missions, ni du fonctionnement de la direction de la com. L’équipe se lance dans la conception d’un mode d’emploi avec comme objectifs de mieux expliquer le rôle et les missions de la communication et du marketing territorial (conseil et accompagnement stratégique), de clarifier les processus (entre la direction, les services, les élus), de définir les missions et les responsabilités de chacun, et de formaliser les différentes étapes (de conception et de validation) ainsi que les outils à mettre à disposition.

Le document de 20 pages s’articule autour de 3 grandes parties : une partie "Missions et organisation" qui précise les missions et les responsabilités, propose un organigramme et une présentation des différents métiers ainsi que des exemples de réalisations récentes et la présentation des outils permanents, une partie "Procédure de mise en oeuvre d’actions de communication". Et une dernière partie sur les "Tendances dans le domaine de la communication publique et les orientations choisies" qui met en lumière le professionnalisme de la direction com.

Ce mode d’emploi, dont le premier exemplaire date de de 2015 a été diffusé auprès de tous les élus, des directeurs des cabinets (une des cibles prioritaires), et de toutes les directions (à l’occasion de la rencontre annuelle). Il est mis à disposition sur intranet, dans un onglet “Comment bien communiquer”. Avant sa diffusion, le document a d’abord été soumis au plus haut niveau administratif - directeur général des services et directeur de cabinet -, à la Commission des Présidents de Commission, instance de validation politique au sein de la métropole et en Bureau Municipal de la ville de Brest pour acter politiquement l’existence de ce mode d’emploi et le cadrage qui en découle. Une validation au plus haut niveau qui contribue à valoriser la fonction communication au sein de l’organisation.

Des moyens d'introspection et de management pour le service com

La conception du mode d’emploi de Brest été entièrement effectuée en interne pendant trois semaines en mai 2015 par l'équipe de la direction de la communication. « Au sein même de la direction, cela nous permis de partager une vision commune d’action, de prendre conscience du rôle que l’on pourrait avoir dans un processus, de légitimer la position de la communication, d’ouvrir le débat avec les autres directions et de formaliser la responsabilité de chacun. » explique Vincent Nuyts.

Pour la communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien aussi ce travail de "com de la com" a donné l'occasion à l’équipe de repositionner les outils de communication et de reconstruire leur environnement de communication. « Ce travail nous a permis de redéfinir les différentes missions du service, de poser la stratégie de communication, d'identifier qui a été chargé de la conception et de la diffusion des messages, ou de s’occuper de la relation presse, donc de le présenter aux agents », précise Julie Payen.

Julie Payen et Vincent Nuyts sont venus partager leur expérience de "com de la com" au Forum Cap'Com 2018

Des outils « "garde-fou" qui ne font pas tout

Pour le dircom brestois, le mode d’emploi n’est pas une fin en soi, c’est un élément parmi d’autres. « Cela a plutôt été perçu, comme une aide pour mieux dialoguer, pour être plus efficace ensemble, parce qu'on partage quand même des dispositifs communs. Je pense que chacun doit trouver son propre outil pour faire ça, mais l’important c’est de créer une interaction, de l’échange. » « Même si nous sommes une petite équipe, pas toujours disponible , ajoute Julie Payen, cela permet de dialoguer, de désamorcer un certain nombre de choses. »

Schéma ou mode d’emploi, les outils développés dans ces deux collectivités servent souvent de garde-fou dans les échanges entre la com et les autres services : « Même si on continue à avoir des demandes mal formulées, on peut rappeler l’existence du mode d’emploi qui est bien utile pour parfois expliquer qu’on ne peut pas répondre à telle ou telle demande », ajoute vincent Nuyts. Dans l’Ouest Rhodanien, les agents ne veulent parfois pas suivre le circuit proposé par la com. « Le premier réflexe était défensif sur le mode "de toute façon, on ne tiendra jamais les délais" », explique Julie Payen. « Ça a été un vrai travail, pour ré-expliquerr et ne pas prendre de posture défensive non plus. Donc, on répète de nouveau, on sait que l'on va être confronté à ça. La petite victoire personnelle était de voir le schéma dans le bureau de certains de mes collègues », se réjouit la dircom. « Le document "méthode de fonctionnement de la dircom" valorise la fonction communication au sein de l’organisation quand il est validé au plus haut niveau. Pas de baguette magique pourtant, il faut répéter le message sans cesse », complète Vincent Nuyts. Vingt fois sur le métier de communicant, remettez votre ouvrage...

Bonus

La com de la com s’attaque à des clichés qui ont la dent dure. Marc thébault les a compilé dans un "bingo de la com" (librement inspiré de la version "com privée" à voir ici) publié dans notre newsletter en 2015 mais qui est toujours d’actualité !