Pages de com : « La ville pas chiante » d'Ariella Masboungi et Antoine Petitjean
Quelle idée simple et attirante. On dirait un slogan. Faire un livre sur « la ville pas chiante », à la fois facile à lire et à feuilleter, qui propose de sortir des cadres de l’urbanisme et de l’architecture planifiés, pour interroger la fabrique urbaine et remettre au centre ce qui fait l’intérêt d’une ville : son attrait, sa diversité, son agrément. Bref, son côté sympa, quoi.
Chroniqué par Erwan Lecœur, sociologue.
La ville chiante, on voit à peu près. Qui n’a ressenti l’ennui de ces quartiers modernes et monotones, où rien ne se passe, où l’atmosphère est tendue, désagréable ? Qui n’a cherché des recettes pour donner à l’espace urbain aménagé un air d’inattendu et de tranquillité, mêlant du surprenant et du rassurant ? Et, en ces temps de crise covid, où le confinement a encore plombé les liens sociaux, on a bien senti l’utilité d’espaces agréables, l’urgence de retisser des liens et des lieux de croisement, d’échanges, d’étonnements partagés. Et au-delà, on sait que d’autres crises demandent aussi de penser hors des cadres pour « répondre à l’urgence d’une ville plus mixte, moins routière, plus créative ».
L’idée d’un tel essai intégrant une trentaine d’entretiens est née au sein du Club Ville Aménagement, où l’architecte urbaniste Ariella Masboungi a proposé de plancher sur le thème « faire la ville pas chiante ». Une idée devenue livre, composé avec son collègue Antoine Petitjean, lui aussi architecte et urbaniste. Tous deux ont nourri leur propos de multiples rencontres, dont Patrick Bouchain, Christian de Portzamparc, des projets de Chemotov, Manuela Carmena, Andreas Krüger, Philippe Close (et beaucoup d’autres…). Une collection d’acteurs de premier plan, qui font part de leur envie de sortir des ornières, des schémas génériques, des règles, de l’attendu et du conventionnel, pour permettre l’éclosion d’une ville qui « n’a pas honte de parler de plaisir urbain et de bien-être collectif ».
Pour aller vers cette « ville non générique », les auteurs dressent dix « défis » pour dessiner les grandes lignes d’une méthode qui permettrait, à la fois, de penser à partir du paysage et avec le territoire, de s’adapter aux lieux, de faire une ville plus permissive, solidaire, transitoire et tactique, qui favorise la santé et offre du bien-être, permet des « accidents heureux », retrouve des rez-de-chaussée vivants, laisse place aux activités productives locales, tout en laissant ouverte la suite de son évolution… La ville pas chiante, comme le note Patrick Bouchain, dans sa préface, qui parle « du plaisir d’habiter, de porter attention aux autres dans un temps long pour permettre à tous de repartir du bon pied ! ». Tout un programme.
Et après avoir parcouru les 200 pages d’exemples, d’idées, de propositions, de photos et de textes courts et incisifs qui composent l’ouvrage, on se prend à en vouloir encore plus. C’est que le pari est réussi. La Ville pas chiante, c’est un livre « pas chiant ». Le slogan a tenu sa promesse.
La Ville pas chiante. Alternatives à la ville générique
Ariella Masboungi et Antoine Petitjean
Éditions du Moniteur
30 juin 2021
17 x 24 cm – 208 pages
9782281144956
24 €