Cibler sa communication : facile à dire, pas facile à faire ?
« La communication doit se préoccuper du récepteur au moins autant que du message et du média. » C’est une des conclusions du dernier Baromètre de la communication locale, paru il y a quelques mois. « Avec les datas, les CRM et l’intelligence artificielle, on dispose aujourd’hui de technologies éprouvées que les communicants publics gagneraient à apprivoiser pour s’adresser à chaque citoyen avec des messages personnalisés », affirme Christian de La Guéronnière, directeur de l’agence Epiceum et un des auteurs de ce Baromètre. Le ciblage en communication publique, on en parle beaucoup, mais on le pratique peu. Pourquoi ?
Les Français l'expriment à travers différents sondages et enquêtes : ils font face à une fatigue informationnelle, une saturation de sollicitations, de pushs, d’informations en continu, de nouvelles qui exploitent leurs peurs et leur anxiété… Ajoutez à cela la défiance sans cesse grandissante vis-à-vis de la parole des élus, y compris au niveau local, il devient de plus en plus difficile d’être visible et audible.
Fatalité, ou juste impression de parler dans le vide parce qu’en voulant parler à tout le monde, on ne s’adresse en réalité à personne ? Certes la communication publique se veut généraliste et elle doit toucher tout le monde, sans discrimination. Mais paradoxalement, les actions de communication gagneraient à être ciblées pour s’adapter aux différents profils et besoins des citoyens. S’adresser aux bonnes personnes au bon moment, c’est leur adresser des messages qui vont les concerner davantage et potentiellement les intéresser.
Les outils et les méthodes existent depuis longtemps. Et pourtant ils sont encore assez peu employés. Par manque de culture, de formation ou par défiance vis-à-vis de techniques de ciblage principalement à visée publicitaire ? Sans doute un peu de tout cela. Mais aussi et surtout parce que ça n’est souvent pas la commande des élus. Combien de fois avons-nous entendu : « Allez, mettez-moi ça dans le journal, la newsletter et les réseaux sociaux. » L’impression que le travail est terminé quand on a simplement diffusé largement l’information sans se poser plus de questions sur l'efficacité de la campagne.
Plutôt bien pensés et faciles à prendre en main
Les réseaux sociaux, de fait, ont introduit la communication ciblée. Chaque réseau a son public, ses codes, des formats de publication spécifiques. Mais la tendance est souvent de faire du copier-coller du même message sur tous les réseaux où la collectivité est présente. Les préconisations du community manager, qui pourtant connaît bien ses communautés, ne sont pas toujours prises en compte. Par manque de temps, manque de clarté dans les objectifs ou par manque de réflexion préalable.
Les outils publicitaires proposés par les réseaux sociaux sont plutôt bien pensés et faciles à prendre en main : zone géographique, tranches d’âge, centres d’intérêt… Un moyen de toucher un public plus large que nos abonnés, qui ne sont pas exposés naturellement à toutes nos publications en raison des algorithmes utilisés par les plateformes.
Il est temps de peut-être enfin oublier l’aspect pseudo-gratuit des réseaux sociaux et de les considérer pour ce qu’ils sont : des canaux de diffusion et d’échanges qui, pour certains sujets, nécessitent qu’on y consacre un budget. Ces dépenses sont aujourd’hui compétitives au regard des sommes habituellement engagées dans des achats d’espaces traditionnels, dont souvent on mesure mal les retombées réelles.
Hormis « l’oubli », volontaire ou pas, de certains, de ne pas cibler leur communication publique, d’autres pourtant s’opposent à la nécessité de segmenter la communication. Dans son ouvrage Pourquoi on ne se comprend pas, Éric Dacheux, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Clermont-Auvergne, affirme que « cibler, c’est refuser de reconnaître la singularité d’autrui pour tenter de le rendre conforme à ses propres représentations, à ses propres intérêts ». La question du ciblage par rapport à la singularité est posée : le ciblage conforterait la propagation de stéréotypes et de préjugés, renforçant ainsi nos idées préconçues sur nos publics, leurs attentes ou plutôt nos attentes. Un sujet de débat pour le prochain Forum de Cap’Com ?
Photo de Rémy Gieling sur Unsplash.