L’édito de l'élu : des solutions pour le rendre plus attractif
Des titres abscons, des photos de l’élu inchangées depuis des années, des sujets banals et une mise en page peu engageante. L’édito reste le parent pauvre de la plupart des publications territoriales. Pourtant, passé au tamis des principes de base de la rédaction journalistique et de l’habillage rédactionnel, cet espace privilégié d’expression politique peut devenir plus attractif pour les lecteurs-citoyens, nous explique notre spécialiste de la presse territoriale Didier Rigaud. Une amélioration à faire en pensant aux municipales de 2020 !
Dans les études de lectorat, très souvent l’éditorial est la rubrique attirant le moins de lectrices et de lecteurs. C’est le premier constat émis par Didier Rigaud, consultant et maître de conférence associé à l’Université Bordeaux Montaigne, lors de son intervention sur le sujet aux Rencontres nationales de la presse et des médias territoriaux le 26 juin 2018. Cause ou conséquence, « la mise en page de l’éditorial semble répondre à un certain formalisme même pour des publications disposant d’une ligne éditoriale et/ou d’un graphisme original » acte-t-il dans la foulée. Fin observateur des publications des collectivités depuis 20 ans à travers le prix de la presse territoriale qu’il a créé et qu'il organise chaque année avec Cap’Com, son analyse d’un corpus constitué des publications candidates en 2018 est sans appel : « sur 120 publications, 4 éditos étaient assez originaux ».
Interpeller les élus sur le message
« L’éditorial est un moment privilégié dans la lecture du journal. C’est là que s’engage, sur un point d’actualité ou sur une idée, la direction du journal, c’est-à-dire l’équipe municipale et le maire. Il est rarement informatif et doit au contraire manifester l’opinion de son auteur. Il peut être une profession de foi. En tout cas, son contenu doit être fort, dans une formulation et un style accessibles au plus grand nombre », rappelle Didier Rigaud citant Christian Julienne (La presse municipale, éditions Berger-Levrault, 1990). « En ce sens, les communicants peuvent interpeller leurs élus sur le message qu’ils souhaitent faire passer dans l’édito plutôt que de céder aux sujets marronniers qui banalisent l’exercice. Et puis, l’éditorial n’est pas obligatoire ! ». Mieux vaut le supprimer que de publier un texte à tout prix, rédigé à la va-vite et souvent creux.
Penser au titre
« Sur ce point, faites le test infaillible du titre : si vous n’arrivez pas à en trouver un, c’est à coup sûr l’indice d’une absence de message. » Mais peu d’éditos sont titrés, alors que, comme pour tout autre article, le titre est un élément important qui doit, en principe, tout dire en trois mots et surtout donner envie de lire l’ensemble du texte. « On peut par exemple utiliser l’interrogation pour interpeller le lecteur », propose Didier Rigaud qui rappelle également que rien n’oblige à nommer cette rubrique « édito » ou « éditorial ». En marge de cet intitulé majoritaire, certains tentent des alternatives : « Communiqué du maire », « Entretien », « Le mot du maire », « Parole à », « Vos questions à » « Porte voix », « Ouvertures »...
« La photo de l’élu : l’élixir de jouvence ! »
Autre élément important : la photo. « Pour l’élu, c’est l’élixir de jouvence ». Il n’est pas si rare que la même photo de l’élu illustre ses éditoriaux durant plusieurs mois, et même parfois pour la durée du mandat. Une répétition qui banalise l’édito. Et les photosi donnent souvent une représentation peu dynamique de l’élu(e) et de sa fonction : plan poitrine ou plan serré, pas de mouvement, une prise de vue dans un bureau, rarement en extérieur. « Une photo mettant en situation l’élu en fonction du thème de l’édito inciterait plus à entrer dans la lecture de l’éditorial. », conseille Didier Rigaud. Il souligne également l’intérêt de faire figurer une illustration en complément de celle de l’élu pour permettre au lecteur de mieux comprendre quel est le sujet traité. Notamment avec la légende qui peut apporter une information en complément du texte. « Moins de 10 éditos sur 120 publications observées proposent une photo en situation légendée », Une tendance à inverser quand on sait que les légendes sont lues par deux fois plus de gens en moyenne que le corps des textes.
Du rythme !
Peu d’éditos utilisent les principes de base du journalisme ou de la mise en page pour structurer leur texte et apporter des temps de respiration.
20 % des éditos des 120 publications étudiées commencent par une lettrine constate par exemple Didier Rigaud. Pourtant ce panneau de direction qui indique ou commence le texte augmente le taux de lecture de 13 % (cf. David Ogilvy Confessions of an Advertising Man, Southbank Publishing, 1963)
Autre constat : à peine 10 % des éditos contiennent des intertitres. Placés à intervalle régulier dans l’article, ils doivent doit donner au lecteur qui parcourt rapidement un article, l’envie d’entreprendre une lecture plus approfondie. De la même manière l’exergue - cette phrase courte et percutante, imprimée en plus gros caractères et positionnées hors du texte - permet de capter l’attention du lecteur. Parfois les exergues disposés en fin de texte avant la signature utilisent une typo manuscrite pour personnaliser la relation. « Tout le monde sait que ce n’est pas le maire qui écrit personnellement. Mais, pour l'élu, cela peut-être intéressant de temps en temps si l’exergue lui tient à cœur »