Une procédure interne pour protéger les agents lanceurs d’alerte
Une procédure interne à chaque collectivité publique doit permettre le recueil et le traitement des signalements en garantissant la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte et des informations recueillies. Elle doit être connue de tous les agents.
« Un lanceur d’alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, révèle ou signale un état de fait mettant en lumière des comportements illicites ou dangereux qui constituent une menace pour l'intérêt général. » C’est ainsi qu’Amnesty International présente les lanceurs d’alerte. Contre-pouvoir indispensable au bon fonctionnement démocratique, en révélant des faits illégaux ou des risques de crise, les lanceurs d'alerte pointent les lacunes du législateur, l'échec de la régulation ou encore la défaillance des contrôles. « Mais ce sont des personnes à protéger », rappelle l’ONG, car, si elles sont volontiers saluées par l’opinion publique, l’impact que leurs révélations ont sur leur vie personnelle et professionnelle, sur leur sécurité voire leur liberté, est souvent négligé.
C’est la loi du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, sur la transparence et la lutte contre la corruption, qui a mis en place un statut du lanceur d’alerte. La loi du 21 mars 2022 a amélioré leur protection. Et aujourd’hui, le décret d’application de la loi, publié le 4 octobre dernier, fixe les modalités d’une procédure interne qui s’impose aux administrations de l’État et aux collectivités locales pour recueillir et traiter des signalements que pourrait faire un lanceur d’alerte. Une loi et un décret qui font suite à la directive européenne sur la protection des personnes.
À partir d’une certaine taille de collectivité, une procédure interne de recueil des signalements doit être définie et communiquée aux agents. Seules sont dispensées :
- celles employant moins de 50 agents,
- les villes de moins de 10 000 habitants,
- les établissements intercommunaux ne comprenant aucune commune supérieure à 10 000 habitants.
Un signalement porté par un agent
Un lanceur d’alerte est un agent (fonctionnaire ou contractuel) qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des faits constitutifs d’une infraction. Des faits constituant une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, ou représentant une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation du droit européen, de la loi ou du règlement, ou d'un engagement international ratifié.
Maison des lanceurs d’alerte
Association loi 1901, la Maison des lanceurs d’alerte (MLA) a été fondée par une vingtaine d’ONG et de syndicats. Elle offre un accompagnement juridique, technique, psychologique ou médiatique à toute personne, avant ou après l’alerte.
Le signalement peut porter sur des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou sur des faits pouvant être qualifiés de conflit d'intérêts. Rappelons que le conflit d'intérêts est une situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions par un agent public.
Le lanceur d‘alerte doit avoir eu connaissance des faits dans l'exercice de ses fonctions. Si les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles, le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.
Les élus craignent des dérives qui porteraient préjudice aux services publics
Au regard de leur métier, les communicants publics ne sont pas indifférents à cette protection donnée aux lanceurs d’alerte. Une situation que les communicants publics peuvent rencontrer. L'éthique est au cœur de leur métier qui combine mission d’information et mission de service public. Dans le domaine de l’information, le communicant public doit veiller au respect de certains principes comme la dignité des personnes, la véracité des informations, l’équité et l’impartialité des contenus. Et doit s’interdire des dérives vers l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, la manipulation, la censure. Dans sa pratique professionnelle au sein d’une collectivité publique, le communicant sait aussi qu’il doit veiller à la déontologie du service public et au respect de la frontière entre l’action de la collectivité et l’action politique de ses élus. De plus, situé au croisement d’acteurs économiques, politiques et sociaux, il doit veiller aux conflits d’intérêts.
Sans contester le bien-fondé de la protection des lanceurs d’alerte, les représentants des élus locaux ont critiqué ces obligations nouvelles. Ils ont alerté sur la sur-transposition des directives européennes et l’inflation normative. Les représentants des élus qui siègent au Conseil national d’évaluation des normes, qui a été consulté sur le projet de décret, ont aussi souligné que cette procédure pourrait être source de dérives susceptibles de porter préjudice au fonctionnement des services publics et de la fonction publique. Ils craignent que les élus locaux deviennent les cibles privilégiées de dénonciations non fondées émanant de citoyens contestataires. Cette crainte explique que les représentants des élus ont tous voté contre ce projet de décret. Mais, pour le Conseil national d’évaluation des normes, « les entités recevant le signalement auront, certes, une charge organisationnelle plus importante, mais ne seront pas davantage exposées ».
La procédure interne de recueil des signalements
Aujourd’hui, administrations et collectivités locales doivent donc prévoir un canal de réception des signalements. La procédure à mettre en place doit permettre aux membres du personnel d'adresser un signalement par écrit ou par oral. Les signalements effectués oralement doivent être consignés, avec le consentement de leur auteur. Le canal de réception des signalements doit permettre de transmettre tout élément, quels que soient sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement.
Deux impératifs sont à respecter :
- l'intégrité et la confidentialité des informations recueillies, de l’identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné, doivent être garanties ;
- l'accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés est prohibé.
Le recueil des signalements par une autorité externe
La loi prévoit que tout lanceur d'alerte peut aussi adresser un signalement à une autorité externe, soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement. La procédure est semblable à celle d’un signalement interne.
Le décret fournit en annexe une liste des autorités habilitées à recueillir un signalement, classées par thématiques. Le lanceur d’alerte doit, par exemple, s’adresser à l'Agence française anticorruption (AFA), pour un signalement concernant les marchés publics, et pour les atteintes à la probité ; à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à l'Autorité de la concurrence pour les pratiques anticoncurrentielles ; à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) pour la protection de l'environnement ; ou encore auprès du Défenseur des droits pour les questions de droits et de libertés.
Atteinte à la santé publique ou à l'environnement
Le ministère de la Transition écologique a mis en place une procédure en ligne pour signaler une menace ou une atteinte à la santé publique ou à l'environnement. Un formulaire permet de faire un signalement auprès de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (cnDAspe).