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Pages de com : « L’exode informationnel » sous la direction de Sébastien Boulonne, Guénaëlle Gault, David Médioni

Publié le : 9 janvier 2025 à 07:18
Dernière mise à jour : 10 janvier 2025 à 17:09
Par Yves Charmont

Passionnante enquête qui constitue la deuxième vague de « Fatigue informationnelle », et qui est portée conjointement par L’ObSoCo, la Fondation Jean-Jaurès et Arte. Deux ans après, le fossé se creuse, il n'y a même pas de suspense. Cette analyse percutante donne le ton de cette année 2025. Elle est facile à lire et à comprendre. Donc, même après les fêtes, vous pourrez y avoir accès. Attention, ce n'est pas bon pour le moral !

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En moins de 30 pages, la messe est dite. « Ils sont des millions à faire leurs bagages, à fuir massivement les conditions difficiles d’un territoire devenu hostile. Non pas une région ou un pays. Mais un écosystème médiatique saturé d’informations répétitives, anxiogènes et conflictuelles. » Les auteurs ont, à travers une série de chiffres et de graphiques éloquents, réussi à démontrer ce qu’ils dénomment le grand exode informationnel des Français. Il s’agit, plus encore qu’en 2022, de décrire une société info-malade. Ce qui correspond tout à fait à ce que nous disions lors de la plénière d’ouverture du Forum 2024 à Lille, en évoquant un espace de l’information et de la communication dysfonctionnel. Mais, au-delà des constats relatifs aux médias et aux réseaux sociaux, cette étude met en lumière un mouvement individuel de retrait, mais cette fois-ci, pas seulement politique, chez les Français. Une somme de changements de comportement vis-à-vis des sources d’information, sous forme d’exode, que les auteurs qualifient, avec un bon sens de la formule, « d’hémorragie silencieuse », ce qui ne peut que nous interpeller.

Et ils passent en revue tous les facteurs d’éloignement, graphiques à l’appui, dans une démonstration implacable. Les pages de cette étude prennent de la gravité lorsqu’elles abordent les questions des dérives, notamment en évoquant, avec un ensemble de réponses sans appel, « une perméabilité non négligeable aux théories du complot ». Ce qui est stupéfiant, c’est que, bien qu’on soit aujourd’hui nourris d’une quantité plus grande que jamais d’informations, d’heures de direct, de débats en tous genres, il y a un nombre croissant de Français à faire sécession pour former et structurer des espaces informationnels de contestation.
L’étude se termine par un quintuple portrait des Français face à cette problématique :

  • les « submergés » : l’information comme fardeau ;
  • les « boulimiques » : l’information comme addiction ;
  • les « défiants » : l’information sous le prisme du scepticisme systématique ;
  • les « traditionnels » : l’information comme rituel maîtrisé ;
  • les « détachés » : l’information à distance.

Une grande défiance à l’égard de la vérité elle-même est en train de se répandre. La vérité existe-t-elle vraiment ? Il serait grand temps de revenir sur cette question qui relativise tout, laissant le champ libre à toutes sortes de récits alternatifs, farfelus, complotistes ou simplement mensongers.

Pour les auteurs, et cette conclusion est à la fois forte et consternante : le désir de véracité suffit à enclencher un processus critique qui vient ensuite fragiliser l’assurance qu’il y aurait des vérités sûres. Ils ajoutent : « En bref : plus de boussole(s) et une quête de la vérité sans fin. Épuisant. » On les suit sur toute la ligne. Il s’agit là du nœud gordien qui devrait tous nous occuper, communicants, scientifiques, journalistes, experts.

L’Exode informationnel sous la direction de Sébastien Boulonne, Guénaëlle Gault et David Médioni
Éditions Fondation Jean-Jaurès
Décembre 2024
28 pages

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