Première campagne gouvernementale contre l'inceste : « taper dans l'estomac »
Dans une campagne choc contre l’inceste, le Gouvernement souhaite faire prendre conscience au grand public de l'ampleur des violences sexuelles subies chaque année par 160 000 enfants en France.
« J’ai souhaité une campagne en mode "sécurité routière" pour taper dans l’estomac de nos concitoyens, frapper les esprits et les consciences », confiait début septembre 2023 Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'Enfance sur le plateau de Quotidien. « C’est aussi la première fois que le Gouvernement utilise le mot "inceste" dans une campagne et c’est primordial ; sinon comment lutter contre l’innommable ? »
« C’est notre petit secret »
Le spot de la campagne met en scène une fillette dans l’incapacité de poser des mots sur ce qui lui arrive. C’est une voix intérieure qui parle de son secret. À l'issue de la vidéo, il est rappelé qu’en France, toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle. Et qu’au moindre doute, il est capital de composer le 119, numéro national d’appel d’urgence gratuit et confidentiel.
« Ce fléau nous concerne tous, parents, proches ou professionnels. L’objectif est de susciter l’attention et la responsabilité de tous », a martelé Charlotte Caubel sur les plateaux TV, à la radio et sur les réseaux sociaux.
Être à la hauteur de la promesse
La rhétorique guerrière de la secrétaire d'État, notamment quand elle fait allusion à la sécurité routière n’a rien d’anodin. Chacun se souvient des spots « coups de poings » sur ce thème ou plus récemment de la campagne « Je gère » (prostitution des mineurs). Ces campagnes à très fort enjeu, fonctionnent sur le même modèle : toucher d’abord aux tripes la population, pour susciter davantage d’attention et surtout d’engagement. Côté public, reste à savoir si la sidération sera suivie d’une démarche rationnelle et responsable. Et côté victimes… si la promesse de soutien sera bien à la hauteur des attentes.
Éclairer les angles morts
Une semaine avant le lancement de la campagne, Charlotte Caubel était présente sur tous les plateaux télé et radio, le plus souvent accompagnée d’artistes concernés par le sujet, notamment Muriel Robin (téléfilm "Les yeux grands fermés", le 2 octobre sur TF1), Emmanuelle Béart (documentaire "Un silence si bruyant", le 24 septembre sur M6) ou Lætitia Casta (film « Le consentement » au cinéma le 11 octobre). Pas de hasard de choix, ni de calendrier. En amont la secrétaire d’État a aussi multiplié les posts sur les réseaux sociaux en direction des professionnels de la protection de l’enfance, courroies essentielles pour que l’information fasse tache d’huile. Et plutôt surprenant… avec le risque assumé de réponses parfois cinglantes. Le buzz est créé. Et les angles morts moins nombreux.
Une campagne multicanale
Depuis mi-septembre, la campagne a démarré par l’affichage (papier, animé et digital) et la diffusion du spot dans 4 000 salles de cinéma. À la télévision, il est vu pour la première fois à la mi-temps d'un match de la Coupe du monde de rugby (France-Namibie le 21 septembre) touchant ainsi près de 15 millions de téléspectateurs, avant d’être massivement diffusé sur toutes les chaînes jusqu’à début novembre. Transports et centres commerciaux ne sont pas oubliés. S’ajoutent de nombreux contenus thématiques, portés par des experts sur les réseaux sociaux.
Depuis l’adoption de la loi Billon (âge de non-consentement fixé à 15 ans) et la création de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE ), le Gouvernement semble déterminé à agir. Pour rappel, il y avait eu une tentative sur le même thème en 2002 ("Se taire, c'est laisser faire"), mais l’utilisation du terme "inceste" était restée tabou. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, #Metooinceste, la multiplication des podcasts sur l’inceste, les révélations de personnalités connues…, la parole s’est libérée et la communication horizontale est allée beaucoup plus vite que la communication verticale.