30 ans de com publique vus par Jeanne Rebuffat
À l'occasion des 30 ans du Forum Cap'Com, Jeanne Rebuffat, directrice de la communication et du marketing de la nouvelle agglomération du Grand Paris Sud, revient sur son parcours, construit dans plusieurs villes et agglomérations au sud de Paris. Elle évoque sa passion pour les rencontres, les échanges, mais aussi la diversité de sa fonction. Pour elle, l’une des clés de la communication des prochaines années sera celle de l’évaluation.
Jeanne Rebuffat a suivi une formation initiale à Sciences Po Paris, puis au CELSA en formation continue. À 53 ans, son parcours est multiple. Elle a commencé aux éditions Autrement où elle a créé la cellule information et communication, puis a rejoint la mairie d’Argenteuil (directrice des relations publiques), la mairie d’Ivry-Sur-Seine (directrice de la communication), la ville nouvelle de Sénart (directrice de la communication). Elle est actuellement directrice de la communication et du marketing de la nouvelle agglomération du Grand Paris Sud, fusion de 4 agglomérations dont celle de Sénart et de la ville de Grigny. Elle a publié plusieurs articles dans la Lettre du cadre territorial, co-signés avec Franck Plasse, sur la démocratie numérique et l’organisation d’un service communication. Elle aime aussi le jardinage !
Cette interview est issue d'une série d'entretiens de communicants publics "30 ans de com publique vus par..." menés à l'occasion de la 30e édition du Forum Cap'Com par Pierre Geistel, ancien chargé de communication, et par Philippe Lancelle, directeur du tourisme de la région Bourgogne Franche-Comté, tous deux membres du comité de pilotage de Cap'Com.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans la communication publique ? Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
Au départ, je n’étais pas partie pour travailler dans la com’. Je m’étais orientée vers les sciences politiques et spécialisée en finances publiques. Pendant mes études, on a créé avec d’autres étudiants un journal et c’est comme ça que cela a commencé.
Mon top 5 de ce que j’adore dans ce métier : rencontrer les acteurs du territoire (découvrir leurs initiatives et impulser avec eux des dynamiques de partenariat), échanger avec les habitants (leur expliquer les actions, les entendre, se confronter à eux), imaginer les dispositifs qui répondent aux problématiques et avoir le sentiment de travailler pour l’intérêt généra. J’aime aussi la très grand richesse des dossiers et des missions car aucune journée ne se ressemble. Et enfin, j’adore le travail de conception quand, à plusieurs, il faut se dépasser pour être le plus innovant possible.
La communication publique a beaucoup évolué depuis 30 ans. Quels sont les principaux changements qui, pour vous, ont marqué le métier au cours de ces années ?
Si je regarde le métier, ses fonctions, outils, actions, la reconnaissance de notre profession, le périmètre d’action… celui-ci a beaucoup changé, à tous niveaux. Je citerai 2 changements que je trouve très enrichissants.
Le digital a changé la relation avec nos différents publics et nous a imposé une dynamique de participation, de mise en place de processus d’écoute et de partenariat.
Avec le digital, on est passés à l’instantanéité et l’omniprésence de la communication : ça change tout quand on sait que la moitié de la communication sur une collectivité ne vient plus des services communication eux-mêmes mais des habitants, des acteurs du territoire, d’autres services... Cela a changé la relation qu’on a avec les différents publics et nous a imposé, et tant mieux, une dynamique de participation, de mise en place de processus d’écoute et de partenariat.
Autre changement, la montée en puissance du marketing territorial, et plus seulement dans les grandes collectivités, dans son approche à la fois macro et très locale sur les enjeux passionnants d’identité de territoire. Cela nous permet de travailler différemment, de façon extrêmement transversale, en liaison étroite avec les acteurs du territoire. Et cela change notre relation avec les autres directions qu’on entraîne dans cette dynamique.
Dans les 10 prochaines années, quels sont pour vous les défis auxquels la communication publique risque d'être confrontée ?
La communication est pour moi un service public avant-tout. Nous travaillons pour l’intérêt général, utilisons des fonds publics et devons rendre des comptes… ce que nous faisons encore peu. L’évaluation de nos actions reste sommaire et pourtant la loi l’a rendue obligatoire. Je pense que cela évolue et que nous allons de plus en plus professionnaliser et systématiser l’évaluation de nos actions. La question de la notation de nos services par les habitants, comme cela commence à se faire je crois, va se poser de plus en plus.
Le rôle de médiation entre une collectivité et ses publics va devenir majeur dans nos métiers.
Je pense également que le rôle de médiation, de relation entre une collectivité et ses publics, si elle existe bien aujourd’hui dans nos métiers, va devenir majeur et va changer dans sa forme. C’est dans la logique de la montée en puissance du numérique et surtout du bidgata. Si je prends l’exemple des sites internet, ces derniers se transforment progressivement en plateformes de données dynamiques. Les chatbot vont bousculer la structure même de nos sites, qui vont devenir des outils dont la première fonction sera la relation et l’interface entre la structure et les publics.
Dans l’exercice de vos fonctions dans le domaine de la communication publique, quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Le travail avec le réseau des responsables communication des 8 villes de l’ex-agglomération de Sénart autour de la question des logos : ensemble on a imaginé pour chaque ville des logos compatibles avec le territoire, ce qui nous a permis de mettre en avant et de revendiquer la cohérence du territoire. Chaque ville a joué le jeu en transformant son logo, ce dont je suis assez fière, quand on connaît les enjeux autour du logo d’une ville. D’une façon générale, le travail avec ce réseau a été très riche et je travaille à mettre en place dans la nouvelle agglomération cette même dynamique de réseau et d’échanges, mais à 24 villes désormais.
Et le moins bon ?
Difficile d’en trouver ! J’ai souvent tenté des actions dans lesquelles je me suis beaucoup investie. Certaines n’ont pas toujours été des réussites ou n’ont pu se réaliser. On peut même parler de quelques échecs… Mais pour moi, ce n’est pas forcément un mauvais souvenir !
Si vous aviez à conseiller un étudiant qui veut se lancer dans la com publique, que lui recommanderiez-vous et pourquoi ?
Je lui conseillerais d’occuper plusieurs fonctions avant de se fixer, car la communication est un travail d’équipe et c’est important d’avoir la vision de ses différents métiers, ses facettes. Commencer par l’événementiel est très formateur : on travaille avec des contraintes fortes, la nécessité de créativité et de rigueur sont omniprésentes, il y a généralement des outils de com’ à la clef et enfin, on se confronte au public. C’est une très bonne école.
Communicant public, ce n’est pas un métier qu’on fait en restant dans son bureau.
Je lui donnerais aussi comme conseil - que je ne m’applique pas assez – d’aller à la rencontre des services, des associations et des entreprises, de découvrir le territoire avec ses propres yeux, de se forger son propre territoire. Ce n’est pas un métier qu’on fait en restant dans son bureau.