« Bonne rentrée », éloge de la banalité
Souhaiter une « bonne rentrée » reste encore et toujours un exercice crucial pour le communicant. Un de ces marronniers qui, avec la « bonne année » et le camembert du budget annuel, tournent plus souvent à l’aigre qu’au trait de génie.
Par Pierre Geistel, ancien chargé de communication de la région Nord-Pas-de-Calais.
Alors comment éviter les banalités d’usage ? Ne lisez pas ce que je n’ai pas écrit : on peut faire très bon usage des généralités ! Parce qu’on perçoit le plus souvent la valeur des choses, l’eau courante ou le pain quotidien, lorsqu’ils font défaut. Il en va de même du calendrier… quand on oublie d’en célébrer les étapes.
Les formules toutes faites, revues et corrigées par votre imagination, rassurent en ce qu’elles disent, mine de rien, la considération accordée à la vie de nos semblables. L’éphéméride rythme l’année et la durée d’un mandat. Chaque événement compose un rite de passage et charpente un peu de notre avenir commun.
« Bonne année » et « bonne rentrée » relèvent ainsi de la quête de notre Graal contemporain, ce bien vivre ensemble dont l’absence se fait plus cruelle à la lecture de faits aussi divers que les réseaux sont sociaux : attentats, assassinats, violences faites aux femmes…
La liste est loin d’être exhaustive et nous rêvons de relations apaisées, de plus d’humanité dans nos organisations sociales, de douceur dans un monde de brutes… Ne rayez pas la ou les mentions inutiles, ajoutez plutôt vos propres soifs…
Cela posé, la question reste la même : comment étonner, piquer la curiosité, amuser à l’occasion, avec une « bonne rentrée » ?
Et si la bonne idée consistait à ne pas rentrer ? D’accord, une élucubration de ce calibre ne s’applique pas à la communication publique. Pour tout vous dire, il s’agit d’une décision personnelle.
Oui, je range la boîte à jus de crâne, la plume, le clavier et les crayons de couleur. Plus de rentrée au Comité de pilotage de Cap’Com ni de retour à nos trimestriels remue-méninges dans la capitale ou sur la toile.
Nous avons acté cette résolution entre adultes consentants, après une discussion ouverte et amicale, comme toujours, entre Yves et moi.
La motivation s’étiolait, lentement mais inexorablement, face aux techniques et aux nouvelles générations de communicants. Pourquoi ne pas l’avouer ? L’actualité, les façons de la raconter, de l’expliquer et de l’interpréter m’inquiètent. Que vaut le poids des mots face aux traînées de poudre que sèment certains réseaux à longueur de journées ?
Que pèse la parole publique face à la désinformation permanente ? Il ne se dit sans doute pas plus de bêtises ni ne se manifeste plus de mauvaise foi qu’avant. Elles se propagent plus vite et toute rectification aura toujours un temps de retard ! Communicants, mes frères, vous avez du pain sur la planche !
« T’es plus dans le coup, papa », chantions-nous avec Sheila dans les années 1960 : c’est ainsi, le « place aux jeunes » n’est pas un concept nouveau ! La différence tient dans ce que nos parents sortaient de la Seconde Guerre mondiale ou/et de la guerre d’Algérie : on ne les qualifiait pas de « boomers » !
La pandémie aura fait le reste et m’a, au bout du bilan, décidé à vous écrire dans un passé merveilleusement composé depuis le Forum de Dijon, depuis 2005, si ma mémoire tient la route.
Alors oui, le réseau Cap’Com va me manquer. Moins que les femmes et les hommes que j’ai pu y croiser et, surtout, celles et ceux avec qui j’ai pu nouer des liens privilégiés pour ne pas dire d’amitié : au Forum, et plus encore au Comité de pilotage, il n’est pas donné à tout le monde de refaire le monde !
C’est un privilège que j’ai partagé avec un certain nombre d’entre vous. Je ne citerai personne pour ne pas en oublier quelques-uns, et ce sera une de mes dernières banalités !
Avec « bonne rentrée » ! Vous exercez le plus passionnant des métiers, prenez-en soin comme de vous !