Changer son logo : une opération périlleuse pour les collectivités ?
La révélation d'un nouveau logo donne régulièrement lieu à des controverses, de mauvaises interprétations ou encore à un simple rejet de principe parce « qu’il n’est pas beau ». Ces dernières semaines plusieurs cas témoignent de la complexité de cet exercice pour les communicants publics.
Par Damien Pfister, directeur de la communication de la ville de Villeparisis, membre du Comité de pilotage de Cap'Com.
Changer le logo (et de préférence créer une identité visuelle) est un exercice plus complexe qu’il n’y paraît. Il doit répondre à un processus de création spécifique afin de refléter des valeurs et des engagements dans une « illustration » sur le long terme. Pour une collectivité, l’exercice est d’autant plus ardu, car ce symbole de l'institution doit parler à toutes et tous et encore plus aux habitants du territoire qui la composent… et « appartenir » à tout le monde… Autant dire d’ores et déjà que satisfaire 100 % de ses habitants est mission impossible. Il doit surtout faire consensus, et notre rôle de communicants est de faire preuve de pédagogie, de pugnacité et de professionnalisme dans certains cas, plus que dans d'autres.
Des logos qui font débat
Ainsi, début juillet 2024, la ville de Concarneau, en Bretagne, adopte en conseil municipal le nouveau logo de la ville finistérienne et fait débat : « Une vague sous le R et une voile sous le N ».
« La référence maritime ne saute pas aux yeux. Bien au contraire, cela met en avant deux lettres, symbole du parti politique dont les idées sont contraires aux valeurs de la République » et une pétition est lancée !
Au-delà de la représentation des lettres « RN » qui attisent une actualité dans l’Hexagone, plusieurs questions se posent : s’il n’y avait pas eu cette période d’élections anticipées, cette polémique aurait-elle eu lieu ? L’agence, l'équipe com et les personnes missionnées dans ce dossier auraient-elles dû « voir » cette évidence ? Mettre en valeur les deux lettres est-elle une bonne idée ? Pourquoi ces lettres ? Nous sommes sur un cas de figure standard d’un changement de logo, tout le monde a son avis et toutes les interprétations sont possibles. Eh oui, en communication nous devons tout prévoir mais nous ne pouvons pas tout envisager ! Maintenant, comment doit réagir la ville ? Faire marche arrière ou maintenir son choix ? Les prochaines semaines nous le diront, mais difficile de ne pas faire écho au changement de logo de la Présidence de la République portugaise qui a dû faire marche arrière en mai dernier.
Quelques jours plus tard, nouvelle polémique : « Le CHU de Nantes se dote d’un nouveau logo à 185 000 euros mais ferme 100 lits. » Sans avoir à minimiser le choix entre changer le logo et fermer des lits d’hôpital, le sujet du « coût » de la création d’un logo est souvent polémique.
Oui, changer un logo a un coût, cela demande du temps, de l’énergie, des expertises, des recherches, des vérifications juridiques, des droits intellectuels… qui, selon la taille de l’institution, n’ont pas la même valeur ! Et je ne parle pas des coûts induits sur la papeterie, la signalétique, les véhicules, le site internet… bref, des surcoûts.
Autre expérience, en janvier 2021, la ville de Pamiers (Ariège) change son logo et les arguments en commission sont « On dirait celui des couches Pampers ! », « Pamiers est une ville, pas une marque ! ». Alors, oui, certains logos peuvent se ressembler, et parfois très fortement, mais ces arguments sont-ils valables ?
Pour ma part, sur ce cas de figure j’ai deux réponses : 1. Non, il ne ressemble pas au logo de Pampers ; 2. Bien sûr qu’une ville est une marque (1) !
Anticiper les remarques
À Villeparisis, quand nous avons lancé le projet de changement de logo, nous avons essayé d'anticiper les commentaires des habitants qui seraient contre. Quatre remarques ont été imaginées :
- « C’est moche, c’est ringard » ;
- « On ne touche pas à l’ancien logo » ;
- « C’est l’argent public » ;
- « Ça coûte cher » ;
- ou encore « Ce n’est pas la priorité ».
Et je dois avouer avec du recul que nous avons eu de la chance. En effet, nous avions peur des levées de boucliers et finalement il n'y a eu que très peu de gens mécontents et nous avons pu, à chaque fois avec nos réponses préformatées, répondre à tous les commentaires et questions sur le sujet !
Morale de l’histoire : changer le logo d’une collectivité ou d’une institution ne doit, évidemment, pas être pris à la légère ! Et bien sûr, ce changement doit être accompagné et expliqué. Faire la com de la com n’est pas le plus simple mais c’est indispensable sur des sujets aussi stratégiques que changer de logo ! Enfin, il faut accepter les remarques et les critiques car la communication reste une science humaine qui bouge continuellement selon les contextes sociaux, politiques, environnementaux, humains, et que tout cela reste des indicateurs qui donnent de l’importance au métier de communicant… Car il est toujours utile de le rappeler : « La com est un métier. »
(1) Définition du Petit Robert : « Signe matériel, empreinte sur une chose, servant à la distinguer, à la reconnaître ou servant de repère. »