Comment concevoir une newsletter pertinente ?
Avec une place de choix retrouvée ces dernières années dans l'écosystème d'information, la newsletter constitue un outil à ne pas sous-estimer en communication publique. Elle se pense désormais comme un produit éditorial. Un média à construire en suivant quelques principes que nous livre Jean Abbiateci, journaliste et fondateur de la newsletter « Bulletin ».
La newsletter est morte, vive la newsletter !
« 2009 : la newsletter est morte. 2021 : la newsletter est hype », souligne Jean Abbiateci en ouverture de son intervention aux 13es Rencontres de la communication numérique. Un renouveau auquel participe cet ancien rédacteur en chef adjoint du Temps et de Heidi News. En juin 2020, il a lancé Bulletin, un mini-magazine « optimiste et curieux » attendu chaque semaine par 40 000 abonnés. Sa newsletter rejoint les nombreuses autres créées depuis quelques années aux côtés de celles lancées régulièrement par les grands titres de presse.
Dans la communication publique, la newsletter n'est pas en reste, en particulier depuis 2020. Elle connaît un regain d’intérêt dans les collectivités pendant la période avec une hausse significative à la fois du nombre d’abonnés (+47 %) et du taux de lecture (+56 %) selon l’étude sur l’impact de la crise sanitaire sur la communication numérique du secteur public réalisée par Cap'Com en septembre 2020. Elle arrive d’ailleurs en tête des nouveaux supports créés pendant le confinement pour maintenir le lien avec les habitants, devant la création de comptes sur les réseaux sociaux.
Face à l’infobésité et à l’abondance des réseaux sociaux, le mail est le nouveau réseau social.
Voilà qui résonne avec les réflexions de Jean Abbiateci : « Face à l’infobésité et à l’abondance des réseaux sociaux, le mail est le nouveau réseau social. Le mail reste un super canal pour atteindre ses lecteurs. Mais il faut les respecter. » Fini la newsletter automatisée et sans identité des années 2000, confirme-t-il. La newsletter doit se réinventer. Comment ?
D’abord en s’appuyant sur les spécificités de ce support : un outil simple, peu compliqué à mettre en œuvre techniquement, qui établit une relation personnelle avec le lecteur, et lui donne un rendez-vous d'information au milieu d'une diffusion en temps réel et en flux. Le format « fini » s'appuie sur la rareté et l'écrit, en comparaison avec un univers médiatique de profusion, et d'images et vidéos.
Ensuite en expérimentant. « Il n’existe pas de formule magique pour faire croître votre liste d’abonnés de 450 % en 7 jours ! Une newsletter, c’est un laboratoire pour tester des idées. »
5 règles pour construire sa newsletter
Pour autant, dans ce labo, le pragmatisme s’entoure de quelques principes qui convergent vers la création d’une newsletter efficace et utile. « La clé : penser sa newsletter comme un véritable produit éditorial », explique Jean Abbiateci, qui partage 5 règles pour y parvenir.
1. Penser le service rendu, la valeur ajoutée de sa newsletter
« Posez-vous la question : qu’attendez-vous de vos lecteurs et qu’attendent-ils de vous ? » En somme, une application de certains fondamentaux de la communication : définir clairement les objectifs et la promesse portée par la newsletter.
« Une bonne newsletter doit apporter un service », insiste Jean Abbiateci, citant en exemple la newsletter d'info locale « HowtoTucson ». Destiné aux nouveaux arrivants de la ville de Tucson en Arizona, ce mini-guide se décompose en 8 numéros envoyés tous les deux jours : mot de bienvenue, météo, alimentation, économie et politique, loisirs et randos, arts et culture, écoles et quartiers, rester en contact.
« Cette newsletter lancée par un média local capte l’attention du lecteur en lui rendant un service. Des call-to-action, renvoyant par exemple vers les réseaux sociaux du média, complètent ces contenus utiles. Accompagnée d’actions de promotion ciblées sur les réseaux, la newsletter permet de créer un premier lien avec ces nouveaux arrivants et de faciliter ensuite la relation du média local avec eux. »
Les différents types de newsletters
Pensées comme de véritables produits éditoriaux, les newsletters se déclinent en plusieurs types qui peuvent inspirer les communicants en fonction de leurs objectifs d'information :
- Les briefings
- Les newsletters de curation
- Les newsletters d’anecdotes
- Les newsletters thématiques
- Les newsletters personnelles
- Les city guides
- Les newsletters pop-up
- Les mini-cours et les challenges
2. Soigner le design
« La newsletter, c’est l’anti-waouh ! » Amenée à être consultée par une diversité de clients de messagerie, elle se conçoit dans un format contraignant : elle ne doit pas être trop longue, ni trop lourde. Voilà qui amène le journaliste à différencier beauté et design en prenant l’exemple de « Playbook » de Politico, « une newsletter avant tout très bien designée ».
Soigner le design d'une newsletter vise avant tout à maximiser sa lisibilité :
- en adaptant une structure simple et claire ;
- en mettant en œuvre les bonnes pratiques en matière de typographie, hiérarchie, rythme et identité.
3. Trouver le bon ton, écrire juste et clair
« Le secret d’une bonne newsletter : de l’info et de l’esprit », synthétise Jean Abbiateci. Elle doit adopter un positionnement unique qui se traduit sur le fond par la réflexion autour des 4P, ces grandes catégories de services rendus au lecteur comme nous l’expliquait déjà Cyrille Frank, directeur de l'ESJ Pro :
- pensée : en quoi le contenu me fait comprendre le monde et moi-même d’un point de vue intellectuel ;
- pratique : en quoi l’information que je lis m’aide dans ma vie concrète, de manière opérationnelle ;
- plaisir : en quoi il me divertit, me fait plaisir, m’informe sur mes passions ;
- partage : les contenus, quand ils sont bons et à un niveau suffisant, nous aident à nous socialiser. On va partager une information utile ou drôle avec ses amis, sa famille.
Sur la forme, c’est l’adoption d’un ton original qui apportera cette touche d’esprit. Sans pour autant se perdre en conjectures. Il faut faire court, rappelle le journaliste, qui renvoie vers le concept de « smart brevity » ou concision intelligente.
4. Soigner sa visibilité et sa stratégie
Aussi bien positionnée, designée et rédigée soit-elle, pour être lue, une newsletter doit être connue. Plusieurs actions renforcent la visibilité du support au sein de l'écosystème médiatique :
- la création d'une landing page efficace : la page d’inscription pour les abonnés doit énoncer clairement la promesse et la preuve sociale ;
- la mise en place d'un maillage stratégique avec ses réseaux sociaux ;
- le soin accordé au partage de sa newsletter.
Sans oublier le respect du RGPD !
5. Construire sa newsletter dans le temps et avec ses lecteurs
« Une bonne newsletter se construit dans le temps et avec l'avis des lecteurs. » Pour faire évoluer leur média, les communicants peuvent s'appuyer sur les statistiques. Des données d’audience à utiliser « comme un outil de pilotage, pas comme une guillotine », précise Jean Abbiateci.
Quels indicateurs statistiques suivre pour sa newsletter ?
Deux données permettent principalement de suivre la performance de ce support :
- le taux d’ouverture de la newsletter : entre 25 % et 30 %, c’est un bon taux, précise Jean Abbiateci. À l’inverse, en dessous de 10-15 %, un diagnostic s’impose ;
- le taux de clic : particulièrement important si la newsletter doit ramener le lecteur sur un site web.
Il incite également à interroger régulièrement les lecteurs. Fort de leurs avis, « n’hésitez pas à innover, à faire évoluer votre format. La newsletter est un formidable laboratoire ». Et les démarches expérimentales ou exemplaires en matière de newsletters abondent aujourd’hui : il faut se mettre en veille tous azimuts, s’abonner à des newsletters de tout domaine : public, privé, médiatique, associatif, communautaire, influenceur.