Communiquer la transition par le film
La 10e édition des Deauville Green Awards vient de se tenir, confirmant la vivacité du cinéma et de l’audiovisuel au service des questions de transition socio-environnementale. Cette édition, dont Cap'Com est l'un des partenaires, a mis en lumière la puissance de l’émotion comme vecteur d’une pédagogie à l’échelle de l’individu. Retour sur ce festival et les tendances 2022 du film responsable avec son délégué général, Jonathan Peynet.
Point commun : Pouvez-vous nous présenter le Festival international du film responsable ?
Jonathan Peynet : Cette édition représente 525 films en compétition et 300 festivaliers, avec une centaine de films finalistes projetés. Ce festival s’adresse aux professionnels de l’audiovisuel et du développement durable au niveau international. La moitié des films viennent d’en dehors de l’espace francophone. L’idée, depuis toujours, c’est de connecter les acteurs du développement durable avec les communicants et les créateurs. On le voit avec le Giec et la publication récente de son rapport : les scientifiques ont beaucoup de projets mais pas suffisamment de capacités à communiquer dessus. Ici nous avons les acteurs pour le faire.
L’essence du festival, c’est un pont entre ces deux mondes acteurs/communicants pour permettre à toutes ces personnalités engagées d’avoir un impact ; car il y a urgence ! Et parmi ces acteurs, et je sais que c’est un sujet qui vous intéresse particulièrement, il y a des communicants publics récompensés cette année. J’ai noté la ville de Marseille, la région Normandie, quelques grands opérateurs du service public (comme la Commission nationale du débat public). Nous avons également mobilisé plusieurs ministères ainsi que l’Ademe.
Point commun : Comment travaillez-vous au rayonnement de votre événement ?
Jonathan Peynet : Nous nous appuyons sur un réseau d’acteurs à l’international depuis dix ans. C’est un terreau que l’on cultive. Nous avons ouvert des bureaux à Berlin, à Barcelone et à Paris. Tout au long de l’année, nous passons des coups de fil pour échanger avec ces acteurs, pour qu’ils témoignent de ce qu’ils font en termes de campagnes, de films. Nous pourrions par exemple parler du travail de la Commission européenne, qui a monté une campagne inspirante avec sa direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes. Ils ont réalisé qu’une part croissante de leur budget est finalement consacrée aux conséquences du changement climatique : « Climate connect ».
Point commun : Pourriez-vous nous en dire plus ?
Jonathan Peynet : L’idée de cette campagne est de connecter les jeunes Européens avec d’autres, du reste du monde, pour que chacun s’exprime sur son ressenti. C’est assez innovant. On y voit, sur deux spots, une jeune militante en République dominicaine et une autre au Zimbabwe. Cette communication montre les échanges de jeunes Européens avec eux. Le dialogue s’établit autour des items « Nous sommes impactés », « Comment s’adapter ? », « Comment être résilients ? ». Nous avons noté qu’il y a beaucoup de contenus pédagogiques, mais aussi un chatbot sur leur page Facebook dédiée. L’initiative est intéressante parce qu’on peut parler, le système reconnaît d’où l’on vient, sa langue d’expression, et il est possible d’échanger sur tel ou tel sujet. C’est un dispositif qui marche bien auprès des jeunes. C’est l’expression d’un partenariat fort avec l’Europe et avec la jeunesse du monde entier.
Nos grands prix de cette année sont des films sans concession.
Point commun : Quelles sont les tendances 2022 du film responsable ?
Jonathan Peynet : Il y a plus de transparence et plus d’honnêteté. Il est finalement très difficile de se cacher derrière une politique des petits pas. Et cela se reflète dans le palmarès : nos grands prix de cette année sont des films sans concession.
Point commun : Vis à vis des enjeux climatiques, comment avoir une communication plus percutante ?
Jonathan Peynet : Ce qui transparaît dans tous les débats, ici à Deauville, c’est qu’il y a différentes approches pour différents publics. Concrètement il y a des types de messages pour chaque cible, bien que ces angles soient complémentaires. Nous nous apercevons, finalement, qu’il est vraiment difficile de vouloir parler à tous. J’ai également relevé un vent nouveau lors de discussions avec de jeunes youtubeurs. Il y a là de l’humour, du décalage, mais a contrario des discours plus anxiogènes. Dans le monde des réseaux sociaux – comme pour le reste de la planète audiovisuelle – les narrations permettent de toucher tous sortes de récepteurs. Car nous avons tous notre sensibilité propre, notre bagage culturel et scientifique. Nous sommes donc plus ou moins poreux à certains discours. Le conseil que je donnerais aux communicants sur ces sujets, c’est d’avancer là où on se sent le plus légitime, efficace. On finit par trouver son audience.
C’est une « home » généralisée, une harmonie qui s’installe. Et nous allons arriver à faire bouger les lignes.
Dans le concret, et en langage pro, cela veut dire angler. Jeunes créateurs, entreprises, institutions, chaînes de télé… chacun touche son ou ses publics. Cette année, nous avons également observé aux Deauville Green Awards un maillage transgénérationnel, trans-sectoriel, et on se retrouve au-delà des catégories, des cases. C’est une home généralisée, une harmonie qui s’installe. Et nous allons arriver à faire bouger les lignes. C’est ça l’enjeu : ne pas viser trop large.