Faire face aux injonctions contradictoires du numérique
N’avez-vous pas l’impression que nous sommes confrontés à une certaine schizophrénie en ce moment, dans le monde merveilleux du numérique ? Alors que nous sommes incités à toujours davantage développer nos usages digitaux, nous sommes paradoxalement accusés de polluer la planète.
Par Marc Cervennansky.
@cervennansky
Malgré les quelques polémiques éphémères sur la pertinence de son déploiement, la 5G commence à se généraliser. De nouveaux forfaits sont proposés par les opérateurs téléphoniques qui encouragent une consommation toujours plus importante de données. Que ce soit sur nos mobiles ou sur nos appareils domestiques, le streaming se généralise, pour la musique, la vidéo...
Il est vrai qu’il est tellement plus pratique et ludique de zapper parmi une offre incroyable de titres musicaux, de films et de séries en ligne, que de stocker des CD et DVD qui encombrent nos étagères. Tant pis si une vie entière ne suffit pas pour tout regarder et tout écouter.
Nous avons accès à tout, immédiatement et en permanence. Nous frisions déjà le burn-out avec un trop-plein d’informations disponibles, nous risquons désormais un burn-out de l’offre de programmes de divertissements. Toujours plus, toujours plus vite, partout et à tout moment. Est-ce bien raisonnable, messieurs-dames ? Mais bon, je m'égare. Ce n'est pas le sujet ici.
Mais en même temps, nous sommes accusés de contribuer au réchauffement climatique. Eh oui, il en faut des serveurs, pour nous envoyer tous ces flux de données. Imaginez ce qui transite chaque seconde dans les tuyaux pour consommer du YouTube et du Netflix. Imaginez la quantité de serveurs en surchauffe, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour diffuser tous ces contenus. Sans compter tout ce que l’on stocke dans le « cloud ». Le secteur informatique générerait 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit davantage que le secteur aérien !
De la sobriété, je bascule dans l’ivresse
Nous sommes donc face à ces injonctions contradictoires : une incitation à consommer et produire toujours plus de données et une culpabilisation de ces usages en nous invitant à une nouvelle sobriété pour sauver la planète.
Et nous, communicants publics, nous ne sommes pas épargnés par cette double injonction. On commence à nous taper sur l’épaule : « Dis donc ! Ton site web est-il bien éco-responsable ? Tu as bien prévu de mettre en place un dispositif de sobriété numérique ? »
Nous avions déjà du mal à gérer au quotidien l’accessibilité de nos sites web, il faut maintenant veiller à leur sobriété pour diminuer les flux de données polluants.
De la sobriété, je bascule dans l’ivresse quand, en même temps, on me demande de produire plus de vidéos, parce que la vidéo fonctionne bien sur les réseaux sociaux. Ben oui, mais ça consomme aussi du CO2.
D’un côté, nous adoptons des démarches vertueuses comme le classement Responsiweb des sites web, proposé gratuitement par l'Observatoire socialmedia des territoires. Il nous sensibilise à juste titre à la consommation d’énergie des serveurs qui hébergent nos sites internet. Et, de l’autre côté, nous n’avons jamais autant publié de vidéos sur YouTube, Facebook, Instagram… et la tendance ne semble pas s’inverser.
Que devons-nous en conclure ? Après les campagnes de greenwashing, il y a quelques années, des plus gros pollueurs de la planète, le secteur public va-t-il emboîter le pas en se donnant bonne conscience ? Faut-il balayer d’un revers de la main ces injonctions de sobriété, simples mesures symboliques qui nous dédouanent de changements nécessaires et plus radicaux ?
Quoi qu’il en soit, cette prise de conscience de l’impact de nos actions quotidiennes ne peut être que salutaire. Elle nous interroge sur nos pratiques. Et même si nous les comparons à la légende du colibri qui apporte une goutte d’eau pour éteindre un incendie de forêt, nous aussi, « nous aurons fait notre part ».
Et si je vous proposais une petite vidéo pour vous convaincre ? En tout cas, n’oubliez pas de supprimer ce mail après lecture, ce sont 10 g de CO2 économisés !
Illustration : Petr Magera Unsplash.