Je suis un nudge
La fonction communication interne bénéficie d’une latitude d’action assez vertigineuse, tant sur la forme que sur le fond. Champ d’expérimentation de nouveaux supports ou formats, la com interne peut se permettre d’innover car elle sévit dans un cadre plutôt bienveillant, une bulle assez protégée aux contours d’organigramme. Si on se plante, la cible reste amicale, ce qui encourage à prendre des risques et oser.
Par Pauline Moussalli, responsable de la communication interne de la ville de Mulhouse et de Mulhouse Alsace Agglomération.
Une fois qu’on a pris conscience de ce fabuleux terrain de jeu, il faut bien sûr l’utiliser au service de sa collectivité pour favoriser la circulation de l’information, valoriser les femmes et les hommes qui font le service public, et promouvoir les dispositifs améliorant le bien-être au travail. C’est déjà tout un programme !
Et si on pouvait faire plus ?
Chaque communicant·e est également une personne riche de ses expériences, ses convictions, son militantisme parfois, ses goûts et ses couleurs. Sa liberté d’action dans son champ professionnel peut facilement l’amener à pousser des actions correspondant à ses propres centres d’intérêt, en leur donnant une direction correspondant à ses aspirations.
Par exemple, la féministe que je suis va avoir tendance à souvent proposer des actions ou des angles d’attaque mettant sur le devant de la scène l’égalité femmes-hommes, ou écrire en inclusif au risque de se faire caviarder, telle une hydre imperturbable.
L’écologiste en moi va vouloir sauter sur la moindre occasion (une journée mondiale de protection de quelque chose, un événement local…) pour s’en faire l’écho en interne, sans que personne ne me l’ait demandé, telle une influenceuse qui ne dit pas son nom…
J’imagine que si j’étais fana de musique, adepte du jardinage, spécialiste de l’histoire de l’art, dingue de patrimoine, je m’arrangerais pour en faire également mes chevaux de bataille… Serais-je alors un nudge vivant, en mettant en place des coups de pouce discrets pour inciter ses cibles à modifier leur comportement, ou du moins à s’intéresser au sujet ? Incarnerais-je, au fond, la mouche au fond d’un urinoir, le sondage au-dessus d’un mégotier, le passage piéton en 3D ?
Et si on devait faire moins ?
Mais parfois, je doute. Quelle est la limite à s’imposer pour ne pas confondre professionnalisme et militantisme ? Comment savoir si nos préoccupations sont légitimes auprès d’un public qui, finalement, s’il n’est a priori pas hostile, n’a rien demandé ?
Les axes stratégiques de l’administration, les marronniers de la vie d’une organisation agrémentés de nouveautés ponctuelles suffiraient largement à remplir une to-do-list sympa et motivante. Et il resterait le champ privé pour s’exciter sur ses marottes personnelles.
Évidemment, la solution est sûrement de trouver un équilibre, en mettant de l’eau dans son vin de convictions et en appuyant parfois sur pause. Dur dur quand on est passionné·e ! Nudge un jour, nudge toujours ?