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La communication naturelle d’un maire au grand air de La Matanie

Publié le : 28 mai 2025 à 07:40
Dernière mise à jour : 28 mai 2025 à 14:43
Par Yves Charmont

Il applique une méthode de conduite de projet issue de sa culture d’ingénieur dans l’industrie, et il en fait un atout majeur, allant recueillir l’avis de tous, « sur le plancher », avant de s’appuyer sur une équipe pour communiquer une nouvelle dynamique de territoire. Nous avons rencontré Eddy Métivier, maire de Matane, sur les rives du Saint-Laurent, au Québec.

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Eddy Métivier a travaillé dans de grands établissements comme directeur d'ingénierie et d'entretien pendant trente au Québec. Il a monté un plan d'affaires pour l’aéroport de Matane. Un projet présenté au gouvernement du Québec qui s'en est inspiré pour créer un programme pour les aéroports du Québec, autant municipaux qu’internationaux. Cinq ans après, il s'est retrouvé maire. Il nous explique comment il se sert de son expérience d'industriel dans ses fonctions d'élu et ses échanges avec les communicants.

Point commun : Comment avez-vous appréhendé la fonction de maire ?
Eddy Métivier :
En 2017, j'ai fait la course au niveau de conseiller municipal. Et j'ai pu amener ma façon de voir les choses, et en même temps comprendre le milieu politique, les enjeux, au niveau des lois et des codes. J’ai découvert combien on a les mains liées. Légalement, il y a plein de contraintes, qui sont correctes, mais qui demandent beaucoup de patience. Moi, avec mon background d'ingénierie, je suis capable d’expliquer aux gens, de vulgariser. Et je dois justement faire comprendre nos contraintes, parce que les élus « ne l'ont pas trop facile ». Beaucoup d’entre nous, récemment, démissionnent suite à la pression au niveau citoyen.

Point commun : Ici aussi des élus jettent l'éponge parce que c'est devenu compliqué, parce que c'est une fonction où l’on est exposé. Et vous pensez que la communication est alors un remède ?
Eddy Métivier :
C'est un élément essentiel, la communication, la parole, comme l'écoute, dans nos vies trépidantes et modernes. On a besoin d'une équipe des plus solides autour du maire. Tout ça, ça va plus vite, et ensemble, ça va plus loin. Il faut, pour un maire, qu'il y ait une belle synergie avec l'équipe de communication et toute l'équipe municipale.

Cap'Com au congrès annuel de l'ACMQ

Le colloque 2025 de l’ACMQ – l’Association des communicateurs municipaux du Québec – se déroule actuellement à Victoriaville (du 28 au 30 mai). Il a pour fil rouge : « Fièrement durable ». Pour nos collègues québécois, au-delà de la protection de l’environnement, le développement durable c’est la gestion du territoire, la qualité de vie, une économie responsable, des infrastructures résilientes, la réduction des inégalités, l’accessibilité et bien plus. Ce sont des citoyennes et citoyens soucieux de leur milieu de vie et des communications pour les informer et les engager. Didier Rigaud-Dubaa, membre du conseil coopératif, y représente Cap’Com.

J'ai beau savoir des choses et avoir un dessein, qui va comprendre mon design [projet], qui va l'entretenir ?

Point commun : Vous parlez là d'un dialogue, d'une écoute, d'une entente à l'échelle de votre équipe ?
Eddy Métivier :
Oui, cela appartient un peu à chacun. Moi, de mon côté, avec mes trente ans d’expérience dans les industries, les usines, pour le genre de travail que je faisais comme ingénieur de projet, ma force était d'aller construire « sur le plancher ». Je me disais : « J'ai beau savoir des choses et avoir un dessein, qui va comprendre mon design [projet], qui va l'entretenir, qui va faire en sorte que ça fonctionne comme je l'aurais souhaité ? » Ce sont les mécaniciens, les opérateurs, les électriciens, ce sont ces gens-là qui vont être les premiers concernés. Au plus tôt que je les faisais intervenir dans la conception, le design. Et ils me disaient : « Eddy, c'est la première fois qu'on vient me voir, qu'on vient nous demander notre avis. » De fait j'avais une belle adhésion de ces gens-là dans mes projets. Depuis que je suis entré en politique, avant de prendre des décisions, j'aime bien comprendre, « faire le tour de la maison », puis trouver les éléments pour m'aider à prendre une décision éclairée, alliée avec des faits, des données objectives (plutôt que des perceptions subjectives). C'est peut-être dû à mon côté cartésien d'ingénieur. Mais, par contre, mon côté musicien m'apporte un équilibre avec la possibilité de l'improvisation !

La communication m'aide à désamorcer la perception d’un maire qui serait « en haut dans son bureau » et qui ne serait pas accessible.

C'est un peu cette école-là, cette pensée-là, que je mets en application à la ville. J'aime consulter les gens autour de moi. Mais pour aller chercher « sur le plancher » plus largement, des pompiers aux opérateurs de charrue, c’est là que l'équipe de communication est bonne. Cela m'aide à désamorcer la perception d’un maire qui serait « en haut dans son bureau » et qui ne serait pas accessible. L'accessibilité, c'est un enjeu important.

Point commun : Cette communication n’est pas là pour vous mettre en valeur.
Eddy Métivier :
Oui, exactement. Il peut y avoir une communication autour de vous, en tant que personne politique, en tant que maire, qui est une communication qui a aussi un intérêt général. Car un élu, c’est aussi un porte-parole, un représentant. Mais on informe également avec le département des communications. On fait de la pédagogie. On travaille pour l'ensemble de la collectivité. C'est correct.
Après, il y a des projets, on va parler du ruralisme notamment, où là, la communication consiste aussi à aller chercher, à informer, à donner de la capacité d'agir aux citoyens. On a fait ce qu'on appelle le budget participatif. Pour deux ans, on met un demi-million sur la table, pour que les citoyens puissent développer des projets. Les gens apportent leurs idées, participent aux évaluations, aux estimations avec nos équipes de travail. Et suite à ça, la population va venir voter pour les projets qui les intéressent. On en est à notre 8e édition.

Point commun : Comment est-ce que vous vous appuyez sur les outils de la mise en relation, les consultations, les présentations, les votes en ligne ?
Eddy Métivier :
Tout le monde, ici en région, n’est pas familier ou à l'aise avec les médias informatiques. Les médias écrits, on les conserve toujours, en parallèle avec les pages Facebook ou les sites internet, pour arriver à créer cet engouement-là au niveau, entre autres, du budget participatif.

Point commun : Vous êtes vous-même un communicateur, êtes-vous présent sur le web ?
Eddy Métivier :
Il y en a des meilleurs que moi. Je ne suis pas assez assidu sur Facebook. C'est un des points que le maire devrait améliorer, pour travailler un peu sa visibilité ! Mais ici, être maire de la ville-centre, c'est un travail à temps plein qui est très exigeant. Il faut avoir du temps. Ma priorité c'est plus mon devoir envers les citoyens : que la ville fonctionne, que les équipes travaillent, que ça marche et, sinon, rechercher des solutions quand il y a des enjeux. Je délaisse un peu le côté médias sociaux.

Point commun : Alors comment s’organise cette fonction communication à la ville de Matane ?
Eddy Métivier :
Je travaille beaucoup avec la directrice générale ou son adjoint pour avoir un aperçu, puis cela se passe au niveau d’Anne ou d’Alice qui forment l'équipe de communication. Mon collègue de l’intercommunalité (la MRC), Gérald Beaulieu, préfet [président] de La Matanie, fait la même chose avec Kim. Et bien souvent, il y a une synergie entre la ville-centre et la MRC. Ça aussi c'est quelque chose que l'on développe, moi et Gérald, au niveau des relations entre collectivités.
Je travaille beaucoup avec mes agents en communication. Mais si j'ai quoi que ce soit de spécifique à leur demander qui pourrait être une surcharge de travail, à ce moment-là je vais passer par le directeur général des services, pour ne pas interférer dans la bonne marche de l’administration. Mais par contre, je vais aller voir les employés pour parler avec eux, les consulter, avoir un feeling, avoir leur avis. Pour moi, c'est important.

Point commun : On comprend qu’il y a de grands enjeux ici, industriels, économiques, sociétaux, d'aménagement du territoire. Comment est-ce que la communication peut vous aider dans l'accomplissement de vos projets ?
Eddy Métivier :
C'est essentiellement pour arriver à les vulgariser, à les expliquer aux citoyens pour qu'ils les saisissent à la hauteur de leur compréhension. Quand on parle par exemple d’image de marque, il faut savoir que cela a été tout un défi ici à Matane (nous avons traversé une crise sévère avec l’arrêt de l’activité des crevettiers). Et les gens, tout ce qu'ils voyaient, c’était le logo. Alors que l'image de marque c'est une nouvelle façon de faire, de démontrer notre dynamisme. C'est un point de rencontre pour arriver à travailler en équipe, pour atteindre des objectifs nouveaux. À l’échelle des régions, des territoires, il faut vraiment se relever les manches pour arriver à démontrer que nous avons des atouts. Et nous avons des entreprises qui veulent s'établir chez nous ! Il y a une entreprise allemande qui va s'installer chez nous, ce qui représentera 240 employés. Les médias du secteur de Montréal, des grands centres, me demandaient : « Comment vous allez faire pour attirer autant d’employés chez vous ? » Je leur ai répondu : « Mais oui, c'est sûr qu'il y aura des nouveaux arrivants. Vous savez, en région, on est à cinq minutes de tout. » C’est à opposer avec l'heure et demie que tu as à faire le matin ou en soirée pour le transport quand tu es dans le trafic d’une métropole, au lieu de le passer avec ta famille, ceux que tu aimes (ou à faire tes loisirs). Tu peux même venir déjeuner chez toi.

Aujourd’hui, les gens viennent en région améliorer leur qualité de vie. C'est sur cet enjeu-là que nous communiquons.

C'est un enjeu de qualité de vie, un atout que les régions ont. Et ça, depuis la pandémie, ça a éveillé des vocations chez des gens. Et ajoutez à cela que la valeur marchande des résidences en région sont trois à quatre fois moins dispendieuses que celles d'un grand centre. Aujourd’hui, les gens vendent leur maison, se mettent un peu d'argent dans leur propre pension, viennent en région améliorer leur qualité de vie. C'est sur cet enjeu-là que nous communiquons. C’est un atout majeur que nous avons au niveau des régions, mais il faut le publiciser. C'est là que nos communicatrices sont des atouts, car elles poussent le maire ou le préfet [président de l'interco] à passer des messages d'attractivité.

Et ici les collectivités investissent dans de nouveaux outils. Nous avons la chance d’avoir un port en eaux profondes et des ressources naturelles. Mais il y a aussi la douceur de vivre de notre territoire ! On est par exemple vraiment fiers du projet du marché public « halles » de La Matanie. Il nous a fallu convaincre les municipalités alentour. C’est une manière de soutenir nos producteurs locaux, les produits du terroir, pour arriver à stimuler l’économie circulaire, mais aussi attirer des visiteurs. On a pignon sur rue sur la rue 132, qui est touristiquement achalandée. Les touristes n'auraient pas fait un détour vers le centre sportif, notre aréna, qui servait pour le marché public auparavant. Mais là, les gens vont dire « Waouh, c'est vraiment beau, waouh, il y a du monde, on va s'arrêter ! » Ils vont voir la rivière Matane, ils vont se promener le long de la promenade des capitaines, le long de la rivière, le parc des îles (pour lequel la ville de Matane a eu deux prix récemment)…

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