La démarche transversale de la marque employeur
Le secteur public s’approprie de plus en plus le concept de marque employeur, entraînant de nouvelles actions pour les communicants. Mais derrière ce concept parfois réduit aux campagnes de recrutement, se cache une démarche transverse et au long cours. Que recouvre la marque employeur, quelles étapes nécessite sa construction, quel rôle pour les communicants internes et externes ? Et comment les collectivités peuvent en tirer parti ? Posons quelques jalons.
Les communicants présents au Forum de la communication publique à Rennes se sont penchés sur ce sujet de la marque employeur. Un atelier consacré à sa construction a permis de remettre à plat les éléments de ce concept déjà ancien dans le secteur privé, et qui, comme souvent en communication publique, nécessite une approche stratégique et partagée.
Article rédigé à partir des restitutions de Mattéo Roumeau, Zineb Ouchahed, Sarah Khouatmia et Yannick Louis-dit-Sully, étudiants en master de sciences politiques « Communication publique et démocratie participative (CPDP) » à l’université de Lille, suite à l’atelier animé par Bertrand Bellanger, directeur adjoint du développement économique, de l’emploi et du tourisme d’Amiens Métropole, avec Caroline Lopinot, directrice déléguée chez Infopro Digital, et Marie-Claude Cazottes, auteure du livre Management de la marque employeur.
De la communication de recrutement à la démarche globale de marque employeur
La marque employeur est un concept de communication de recrutement qui apparaît au début des années 1990 en Angleterre, repris en France quelques années plus tard. Il prend racine dans un contexte de « guerre des talents » en pleine reprise économique, alors que de nombreuses organisations cherchent à recruter les meilleurs profils dans leur domaine. Il apparaît ainsi nécessaire de rendre son entreprise attrayante en faisant des promesses aux candidats et en les tenant.
À l’origine, ce concept de marque employeur est défini par les Britanniques Simon Barrow, président de People in Business, et Tim Ambler, professeur de marketing à la London Business School, en 1996 comme « l’ensemble des avantages fonctionnels, économiques et psychologiques des emplois que propose une entreprise en tant qu’employeur » (Ambler T. et Barrow S., « The Employer Brand », The Journal of Brand Management, vol. 4, n° 3, 1996, p. 185- 206). Deux termes anglo-saxons apparaissent alors :
- « employer brand » (marque employeur), pour définir le concept à proprement parler ;
- « employer branding » (marketing employeur), pour désigner le processus de gestion de la marque employeur.
Cette définition souligne donc uniquement les avantages qu’une entreprise peut apporter aux candidats qu’elle cherche à recruter. Mais au fil des années, la définition évolue.
En France, Didier Pitelet, président de Guillaume Tell (Publicis), introduit le concept de « marque employeur » en 1998 qu’il décrit comme « la mise en cohérence de toutes les expressions de l’employeur, internes et externes, au nom de sa performance économique » et le dépose à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI).
En 2010, Brett Minchington (Minchington B., Employer Brand Leadership – A Global Perspective, Collective Learning, Australia, 2010) élargit la définition du concept à « l’image d’une organisation où il est agréable de travailler dans l’esprit des employés et des principaux intervenants du marché externe ». L’idée est ici que la marque employeur est importante pour recruter des talents, mais qu’elle l’est également pour les garder sur le plus long terme. On ne se concentre plus uniquement sur le processus de recrutement, et sur les avantages que l’on peut accorder aux candidats, mais également sur son image à long terme. Il faut mettre en accord les images publique et interne de l’entreprise.
Un concept aux composantes multiples
Dès lors, on englobe plusieurs composantes dans la marque employeur :
- L’offre employeur : c’est la définition de la politique de ressources humaines et des valeurs propres au collectif de travail, comme fondations de la démarche de marque employeur.
- L’image interne : il s’agit de la communication et de l’ensemble des actions menées en interne pour incarner et véhiculer la marque employeur : mise en place de dispositifs pour favoriser la qualité de vie au travail des personnels salariés, pratiques managériales, perspectives d’évolution, etc.
- L’image externe : la communication vers l’extérieur et notamment vers les futurs collaborateurs, ainsi que le parcours du candidat dans sa globalité. Elle vise l’attractivité des candidats et la fidélisation des collaborateurs.
« La marque employeur, ce ne sont pas des actions de communication de recrutement au coup par coup de la DRH ou de la dircom », souligne Marie-Claude Cazottes. Mais une démarche globale qui se construit sur le temps long en impliquant la direction générale et le comité de direction. Elle repose sur quatre leviers : l’attractivité, la réputation, l’engagement des salariés et la différenciation.
Une démarche en cinq étapes
Cinq étapes constituent la colonne vertébrale de la construction d'une marque employeur. Cette suite logique doit permettre de ne pas faire d'erreur majeure dans la définition de la marque employeur. Elle permet de passer par toutes les étapes de réflexion nécessaires à la bonne compréhension du dispositif.
1. Le diagnostic
Comment l’entreprise est perçue en externe mais aussi en interne ? Une phase inévitable pour définir les besoins, les attentes et par conséquent la marche à suivre dans la démarche.
2. La définition de la stratégie
Fidéliser les salariés ? Redorer l’image de la structure ? Quelles cibles (jeunes, expérimentés) ? On définira ensuite les objectifs et la stratégie que l'on souhaite mettre en place.
3. La formalisation de la promesse et l'identification des preuves
Quel slogan mettre en avant ? Il s'agit alors de se projeter en identifiant précisément ce qui pourra, ou non, faire notre attractivité. Relever les indices et les avantages déjà présents favorisera largement ce travail puisqu'il sera question de miser sur des atouts préexistants. Une promesse employeur donne la réponse à la question : « What’s in it for me ? » Elle doit être à la fois attractive et différenciante pour séduire les candidats, et réelle, crédible et partagée, pour fidéliser les employés.
4. Le déploiement de la stratégie de contenus
Quels médias ? quel contenu digital ? des vidéos ? La phase pratique se met en place. Elle peut prendre plusieurs formes et va dépendre de la promesse, des atouts et de la définition de la stratégie.
5. La définition des outils de mesure de l'impact
Elle permettra de procéder à une évaluation la plus fidèle possible de la démarche. Il existe de nombreux indicateurs pour mesurer l’impact de sa marque employeur et de la communication autour de celle-ci, comme : le taux d’absentéisme, le nombre de salariés followers de l’entreprise, le nombre de visiteurs sur le site carrière de l’entreprise, etc.
Quatre clés de réussite d’une démarche de marque employeur
- Des salariés et agents ambassadeurs : rien de mieux que des entretiens et des témoignages de salariés satisfaits pour donner envie de faire partie d'une équipe.
- Un ton authentique : le mieux reste l'honnêteté et non la communication mal jouée.
- Le digital et surtout la vidéo : il s'agit souvent du moyen le plus efficace d'attirer l'attention et l'intérêt des cibles.
- Du contenu éditorial enrichi régulier pour capter les candidats en recherche passive.
Le rôle des communicants internes et externes
La démarche de mettre en place et développer sa marque employeur entraîne les mêmes prérogatives qu’une marque classique. Le professionnalisme des communicants externes et internes est alors indispensable pour :
- co-construire et déployer le plan de com du diagnostic au déploiement de la stratégie de contenus, en passant par la définition stratégique et celle de la promesse employeur ;
- s’assurer de la cohérence avec la communication institutionnelle et la culture de l’organisation et ses valeurs pour conserver une cohérence globale aux yeux des publics internes et externes ;
- participer à la mesure et l’évaluation de la démarche (ROI) en établissant un tableau de bord marque employeur.
Des cartes à jouer pour le secteur public
39 % des collectivités peinent à recruter (selon le baromètre Randstad/La Gazette des communes 2019). Le secteur de la communication ne faisant d’ailleurs pas exception. Et les collectivités territoriales n’échappent pas à cette logique : 90,7 % des candidats se renseignent sur leur employeur potentiel avant de postuler à un emploi, et ce principalement via les sites internet et les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’ils perçoivent le marketing RH des collectivités territoriales, à travers une image qui doit refléter la réalité des conditions de travail. Au-delà du service public lui-même, la marque employeur concerne l’attractivité du territoire à tous ses échelons, de la commune à la région, dans l’offre de services et la qualité de vie proposée. On passe donc assez facilement de la marque employeur pour les collectivités territoriales à la notion même de marketing territorial.
Les aspirations des candidats du marché de l’emploi changent. Les critères d’attractivité employeur jugés comme primordiaux dans le choix d’un futur métier par les étudiants et alumni des grandes écoles sont majoritairement : l’intérêt du poste 92 %, l’ambiance et le bien-être au travail 84 %, la correspondance avec les valeurs 72 %. La question du sens devient centrale alors que 46 % des salariés estiment « inutile » le travail qu’ils effectuent selon un sondage OpinionWay pour Elevo en décembre 2021. Et ce qui fait sens selon le baromètre « Talents : ce qu'ils attendent de leur emploi » chez les étudiants comme chez les alumni, c’est avant tout « œuvrer pour l’intérêt général. La projection de cette notion qui fait sens dans les collectivités territoriales est une réalité. Et elles peuvent aujourd'hui se targuer de jouer sur d’autres atouts : territorialité et proximité locale, possibilité d’évolution de carrière, bien-être au travail ».
Des marques employeur pour les services publics et pour la fonction publique territoriale
Des atouts qu’intègrent la marque employeur des services publics lancée par le ministère de la Transformation et de la Fonction publique le 7 février 2022 à travers la plateforme « Choisir le service public » et la campagne de communication déclinée notamment en vidéo. Le site donne accès à la campagne mais aussi à des témoignages d’agents publics en vidéo. Ils rassemblent les liens vers les offres d’emploi et de stages, les campagnes de recrutement, des contenus d’information sur les métiers, concours, opportunités et carrières des trois fonctions publiques – hospitalière, d’État, et territoriale.
Un secteur local qui réfléchit à se doter d’une marque employeur spécifique. Rédigé par le président du Conseil supérieur de la FPT (CSFPT), par le président de l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT) et par Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration (IGA), le rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale présente 27 propositions pour renforcer l’attractivité de la FPT. Parmi celles-ci, les auteurs proposent de construire une « marque employeur territorial » unique.
L’attractivité d’une collectivité pour la qualité de son territoire ne conduit pas forcément – même si cela peut y contribuer – à l’attractivité de la fonction publique territoriale sur ce territoire, indique le rapport. Il est donc nécessaire de mieux articuler l’attractivité du territoire et l’intérêt de rejoindre la collectivité en tant qu’agent public. Si de nombreuses marques « collectivités » ont été élaborées, on dénombre encore trop peu de marques « employeur ». Le rapport préconise donc de communiquer sur une marque « service public », déclinée sur les métiers de la territoriale, et d'informer davantage sur les métiers de la fonction publique territoriale.
Lancement d’une enquête sur les marques employeur des collectivités locales
Faire un état des lieux de la marque employeur au sein des collectivités territoriales. C’est l’objectif de l’enquête lancée cette semaine par le réseau Cap’Com en partenariat avec l’institut d’études Occurrence. Responsable de la communication ou responsable de la com interne de votre collectivité, vous pouvez y participer, d'ici au 18 mars, que vous soyez directement à la manœuvre ou juste un observateur sensible à la problématique de la marque employeur.