Laïcité, une campagne qui a du mal à s’afficher
La campagne d’affichage du ministère de l’Éducation nationale crée un débat sur le sens de la laïcité.
Comment sensibiliser les scolaires aux principes de la laïcité ? Le ministère de l’Éducation nationale s’y essaie au travers d’une série d’affiches fort contestée. Sa campagne « C’est ça la laïcité » est déployée tout le mois de septembre sur internet et sur les réseaux sociaux, en affichage urbain, et doit être placardée dans les écoles et les établissements scolaires. Elle présente une série de huit affiches qui s’adressent en priorité aux élèves et, plus largement, dans sa déclinaison pédagogique, à la communauté éducative.
Pour le ministère, « cette campagne vise à montrer que la laïcité n’est pas qu’un principe qui fonde notre contrat social, mais qu’elle s’inscrit dans le quotidien des élèves en leur permettant de vivre libres, égaux et unis quelles que soient leurs convictions ».
Mais la campagne gouvernementale a immédiatement fait débat dans le monde enseignant, sur les réseaux sociaux et au sein des communicants publics.
Dès la présentation des affiches, le jeudi 26 août, les réactions sont nombreuses sur Twitter, où les internautes pointent le lien entre la couleur de peau, les prénoms des enfants et la religion. « Depuis quand des prénoms laissent présager d'une croyance ou non-croyance personnelle ? », « Ton prénom reflète ta religion : c'est donc ça la laïcité du gouvernement », « La campagne du ministère sur la laïcité est bourrée de clichés racistes et passe complètement à côté de ce qu'est la laïcité ». Les principaux syndicats enseignants dénoncent aussi ces affiches qui « ne parlent pas de laïcité mais plutôt d’intégration, de multiculturalisme et de vivre-ensemble. Cette confusion des termes a des conséquences ».
Alors que, pour le ministère, le message vise à « parler de la laïcité dans ses aspects les plus fédérateurs », les affiches « entretiennent une lourde ambiguïté : implicitement est diffusée l'idée que la laïcité concernerait en premier lieu les personnes issues de l'immigration », explique la Vigie de la laïcité, association créée par les responsables de l'Observatoire de la laïcité récemment supprimé par le gouvernement.
Au regard de la Charte de la laïcité, élaborée en 2013 à l'intention des personnels, des élèves et de l'ensemble des membres de la communauté éducative, il semble bien que la campagne actuelle du ministère crée la confusion sur le sens de ce qu'est la laïcité. Sur ces huit affiches, les fondements de la laïcité, la liberté de conscience, la neutralité de l'État et l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction, laissent la place, derrière un a priori jovial et tolérant, à un message qui ramène les élèves à leur identité.
Cette polémique rappelle aux communicants publics que les campagnes citoyennes sont toujours difficiles à concevoir et particulièrement désavouées dès lors qu’elles souhaitent d’abord porter un message politique.