Le 1er Forum de la communication publique s'ouvrait il y a tout juste 30 ans
Le premier Forum de la communication publique s’ouvrait le 23 juin 1988. Mais de quoi pouvait-il bien parler ?
Parc des expositions de Valence, 10h. En ce jeudi 23 juin 1988, s’ouvre le premier Forum de la communication publique et territoriale. Le « premier salon spécialisé du secteur » écrit le journal Le Monde qui salue cette naissance d’une titre moqueur : « La communication des collectivités locales : le poids des images et le choc des suffrages ».
Ce premier Forum est d’abord un salon d’exposants, pas encore un lieu de débats et de formation. Mais les participants peuvent assister à des tables rondes qui reflètent les préoccupations d’une profession naissante. Les débats en ateliers, reconnaissent-ils « ont eu le mérite de révéler une multiplicité d’approches et de démarches qui traduisent assez fidèlement la complexité et l’hétérogénéité de la communication des collectivités locales ».
La décentralisation, nouveau défi pour la communication publique
Bien évidemment ce sont les changements institutionnels qui préoccupent les nouveaux communicants. Nous sommes peu après les lois de décentralisation et les premières élections régionales de 1986. Phénomène nouveau, la concurrence entre collectivités locales apparaît à cette époque où les grandes villes, les départements et les nouvelles régions rivalisent à coup de grandes campagnes d’autopromotion. Le marketing territorial n’appartient pas encore au vocabulaire de la profession mais la question des identités locales, de la promotion et de la valorisation des collectivités devient centrale.
La participation des citoyens, une mission à maintenir
La première génération de communicants publics avait aussi une ambition : « Informer, faire participer les gens et leur donner le goût de s'implanter dans la vie locale », comme le précisait Anne Lavilonnière, qui fut dircom de Saint-Lô en 1981. « La démocratie au péril de la communication ? », s’interrogeait un grand débat d’un des premiers Forums. « Si une ville progresse, c’est parce qu’elle a su faire des réalisations mais aussi parce que la communication y fonctionne bien. Une communication qui fonctionne sait faire vivre la vie démocratique… », rappelait alors Martial Gabillard, premier adjoint à Rennes.
La presse territoriale, bulletin du maire ou magazine local ?
Souvent recrutés pour créer ou développer le magazine de la collectivité, les communicants publics réfléchissent à la presse territoriale alors en pleine mutation. « Comment situer la presse des collectivités : éviter ou assumer l’institutionnel ? », « Par rapport à l’information des médias traditionnels ? Le magazine : mythe ou solution ? ». La question étant de savoir si la publication devait ou non, devenir « magazine ». La ville de Grenoble venait alors, sur l’impulsion de son maire, Alain Carignon, de faire du journal de la ville un magazine vendu en kiosque. Grenoble Magazine, c’était alors 20 000 exemplaires, 80-100 pages au prix de 5 francs, une équipe de journalistes professionnels, deux éditoriaux assurés par des « plumes » parisiennes et 6 pages politiques dont 4 réservées au maire et la municipalité et 2 à l’opposition. Sa rédactrice en chef, Sylvie Comte, défendait ces choix face à de multiples contestations de concurrence déloyale (presse subventionnée), de manque de lisibilité de la « vraie » source (journal partisan) et de perte de notion de « service public » pour tous… Et un objectif, toujours d’actualité, taraudait les communicants : « le journal est un support sur lequel on peut gagner la confiance des lecteurs, rendre le journal crédible à condition de ne pas faire de propagande ».
La large palette d’outils de communication à maîtriser
Côté nouveaux outils de communication, les sujets étaient aussi variés qu’aujourd’hui. Déjà le numérique était présent dans les débats. « Et si les journaux électroniques étaient un moyen de toucher les jeunes », se demandaient certains communicants. En avance sur la Civic Tech, l’atelier « Outils et moyens de la participation des citoyens » invitait à la découverte de méthodes innovantes. Les progrès techniques bousculaient aussi le métier de journaliste dans les collectivités. D’où des débats et ateliers sur « le photojournalisme » ou « la production audiovisuelle ». Les réseaux d’affichage qui se développaient dans les villes conduisaient une réflexion sur le graphisme et se traduira par doter les services communication de cette compétence. La montée en puissance des collectivités commandait dans le même temps à la naissance de la communication interne.
La relation aux élus, l’éternelle question
« L’élu est-il le créateur ou l’objet de l’information ? ». La politique et le rôle des élus ne sont pas absents de ce premier Forum qui se tient à moins d’un an des élections municipales de 1989. Le paysage politique est déjà en pleine transformation avec l’émergence de deux nouvelles forces politiques, les Verts et le Front national. « Les élections régionales (1986) et cantonales (1983) ont été révélatrices de l’éclatement de bipolarité politique en multipolarité, c’est une tendance de fond », anticipait alors la dircom de Valence, Genéviève Brunet.
30 ans après, le Forum de la communication publique, en décembre prochain à Lyon, abordera bien des questions qui constituaient déjà la trame des premiers forums dans les années 80. Le métier s’est profondément transformé mais les sujets de débats restent similaires. Les transformations institutionnelles, grandes intercommunalités ou nouvelles régions, sont toujours là. Les nouveaux outils de communication, notamment le numérique et les réseaux sociaux, demandent sans cesse à être appréhendés. Et la vie politique, avec les repositionnements récents, constitue toujours un sujet de préoccupation. Seule grande différence, les communicants publics sont aujourd’hui des pros dans un métier qu’ils ont su faire reconnaître.