Le 33e Forum des retrouvailles…
… et des trouvailles, avec un concentré d’expériences et d’échanges sur trois jours en Bretagne les 7, 8 et 9 décembre 2021. Le grand rendez-vous de la compublique a tenu ses promesses en apportant une grande bouffée d’air (marin) à une profession qui en avait bien besoin.
Deux ans nous séparaient de l’édition de Bordeaux et les sujets n’ont donc pas manqué. Le premier d’entre eux : « Comment ça va ? » Au-delà de la question de circonstance – au demeurant fort utilisée par des participants heureux de se revoir, tout simplement –, c’est une demande plus large qui s’apparente aux échanges au sein d’un équipage qui vient de traverser une longue tempête. On s’enquiert autant de l’état de santé, du moral, que de l’état de la machine, du vaisseau, des commandes, des relations, de la trajectoire… Et si les réponses ne sont pas toutes évidentes, les participants en ont collectivement apporté une en posant leurs valises à Rennes et en relançant ensemble le Forum, en rythme, amorçant un mouvement qui n’a pas faibli. Car cette 33e édition a démarré tambour battant (merci aux sonneurs de Cesson).
Vous avez réussi à faire reconnaître votre professionnalisme, c’est-à-dire une posture et un ensemble de connaissances.
Loïc Blondiaux
Le soulagement venait autant du fait d’avoir pu se réunir dans une période encore bien incertaine que de constater que le programme de ces trois jours de travail en commun répond aux attentes et nourrissaient autant. Oui, et les commentaires sur les réseaux sociaux le prouvaient à l’envi, il y avait une joie libératrice autant qu’une satisfaction de voir que le principe même de ce Forum était à la hauteur des enjeux. « Enfin, nous y sommes ! », « Encore un programme riche », « Deux jours pour faire le plein de bonnes idées », « L’échange, la créativité et l’innovation », « S’inspirer, partager », « Heureux et fier », « Tenons le cap ! » : voilà la marque d’une belle édition, dans la lignée des précédentes, retrouvant, après une année blanche, le cap. Et les mots d’un compagnon de route historique, revenu en plénière d’ouverture, Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le soulignaient : « La manière dont les communicants publics essayaient de se structurer en profession donne un modèle pour l’ingénierie de la concertation et les professionnels de la participation. Vous avez réussi à faire reconnaître votre professionnalisme, c’est-à-dire une posture et un ensemble de connaissances. »
Plonger dans la réalité avec lucidité
Mais l’heure n’était pas pour autant à la satisfaction. Le programme du Forum engageait plutôt à la réflexion exigeante et à la remise à plat, voire la remise en cause, à l’épreuve des faits, sous la lumière crue de la défiance ambiante. Et pour se plonger dans la réalité, rien de mieux qu’un retour au terrain. Ce qui a d’ailleurs été souligné dans un atelier sur l’écriture par Alain Doudiès, membre du Comité de pilotage de Cap’Com : « Pour enrichir son texte et le rendre vivant, il faut se rendre sur place, rencontrer, voir, écouter, prendre la mesure et sentir. » C’était d’ailleurs historique, jamais un Forum n’avait regroupé autant de participants à autant de visites : 500 sur 10 destinations à Rennes, en Ille-et-Vilaine et plus loin encore en Bretagne. Une immersion – il faut le dire car la météo a permis à toutes et à tous de se mouiller – dans des territoires dont les pratiques sont exemplaires, on le savait depuis longtemps. Mais il aura fallu attendre quelques années pour que le centre de congrès, un couvent en centre-ville magnifiquement rénové et révélant trois niveaux creusés sous le cloître, puisse offrir l’écrin que cette édition en terre bretonne méritait. Espace des territoires animé et chaleureux, foyer grouillant de vie communicante, grandes salles d’ateliers et de conférences : la géométrie du Forum retrouvait ici les proportions harmonieuses qu’on lui a connues les meilleures années. La preuve en images.
Bousculés, épuisés mais déterminés et créatifs
C’est le mercredi matin que la plénière, où se retrouvaient 800 participants, redonnait la feuille de route de la communication publique en cette fin d’année. En préalable, le délégué général rappela les efforts que les professionnels de la communication publique ont produits ces deux dernières années pour maintenir et dynamiser le lien, tout en veillant à l’inclusion et en jouant un rôle de modération.
Puis il fut question de l’état d’esprit de ces communicantes et communicants, quelquefois bousculés, surmenés, lassés, inquiets, mais également combatifs, inventifs, motivés et déterminés, comme le montrait l’étude Cap’Com/Occurrence réalisée pour l’occasion et présentée par Bernard Deljarrie, président du conseil coopératif de Cap’Com. Une profession confiante dans le rôle croissant qu’aura la communication publique, qui cherche a être efficace pour redonner du pouvoir d’agir aux citoyens et pour affronter une crise civique, démocratique autant que sanitaire et climatique.
Les mots – on peut même dire les maux – de Loïc Blondiaux allaient illustrer cette crise. Même s’il souhaitait s’appuyer autant « sur le pessimisme de la raison que sur l’optimisme de la volonté », il a, d’un trait vif, sûr et sans détour, décrit plusieurs pathologies qui affectent notre système démocratique. Interpellant les participants à la plénière d’ouverture, il a aussi ouvert des voies, donné des repères, montré un horizon, parce « qu’il y a une disponibilité pour la politique (notamment chez les jeunes), une envie de “démocratie du faire”, de contribuer véritablement, par l’action. Il y a aussi un retour de l’imagination et de l’expérimentation démocratique et même une sophistication des outils. Tout est là. Et il faudrait s’en servir ». Parmi ses conseils, beaucoup ont retenu son injonction à travailler en termes de projet et non d’outils, ainsi que la façon dont il a insisté sur le rôle de modérateur des communicants, déjà évoqué.
De nouvelles connexions au gré des courants
C’est donc bien plusieurs rôles que les communicants post-covid devront endosser, après une période qui a vu leur métier se transformer profondément et qui leur a donné une nouvelle légitimité. Les conférences et ateliers qui se sont alors enchaînés ont permis de décliner tout l’éventail de ces compétences et ont été suivis avec assiduité par un public très souvent nombreux : marchés publics, identité visuelle, attractivité, réseaux sociaux, com interne, écriture, étude…
Le programme était également riche de ses formats, et notamment les nouveaux rendez-vous, comme les quatre conférences hop qui permettaient de présenter un panorama de six expériences dans plusieurs thématiques et qui ont régulièrement fait salle comble (300 participants chaque fois). À l’autre extrémité de l’éventail des propositions, les « conseils à la coque » offraient à tout un chacun de parler en tête à tête avec une personne spécialisée (droit, réseau, formation) pendant quatre minutes. Une occasion pour plusieurs communicants d'entrer dans la coopérative du réseau. Le Forum, c’est un peu un marathon, mais un marathon avec des pauses de plus d’une demi-heure où le réseau se reforme et établit ses connexions au gré des marées et des courants. On y parle de com, mais aussi du repas végétarien du jeudi midi. Car la transition, ce n’est pas qu’un objet à communiquer, c’est aussi une réalité pour les événements durables, celui-ci compris !
Un rapprochement vécu si fort qu’il en gommerait l’isolement masqué des sourires invisibles.
Respect des gestes barrières, distanciation physique (et non sociale !) étaient de la partie ; sans doute pas pour toujours. Mais ce Forum a apporté la preuve qu’il y avait une voie pour vivre ce rendez-vous en suivant ces règles sanitaires, jusqu’à la halle Martenot qui ouvrait ses portes mercredi soir, au son mêlant tradition et modernité de Sérot-Janvier et la Groove Cie, pour accueillir des participants à une soirée Cap’Com pas très dense (on garde ses distances), mais un petit peu danse (bretonne) quand même !
C’est l’image que l’on pourrait garder de cette 33e édition : celle d’une nouvelle proximité, une proximité solidaire, forte, rassérénante, dans un mode sans contact. Un rapprochement vécu si fort qu’il en gommerait l’isolement masqué des sourires invisibles. Car les échanges furent riches, les yeux prenant le relais. Comme ceux, pétillants, des lauréats du Grand Prix.
Éviter la dislocation démocratique
La présidente du grand jury l’a d’ailleurs dit en ouverture de la plénière du jeudi après-midi, déclinant les fondements de la confiance : « Vous pouviez avoir confiance dans ce qu’on allait vous proposer dans ce Forum, dans l’avenir de votre profession, ou avoir besoin de réassurer cette confiance. » Avant de considérer cette question de la façon la plus large : « Si la confiance se brise, on peut aller vers la dislocation démocratique. À l’issue de cette remise du Grand Prix, vous aurez l’absolue conviction que votre rôle dans la société est déterminant. » Ce qu’elle motive de la façon suivante : « Depuis le début de la pandémie, la communication publique et territoriale a pleinement joué son rôle. On a pu observer son agilité, sa réactivité. Le déploiement de toutes ces ressources, au jour le jour, a largement contribué à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et les collectivités territoriales. En découvrant les dossiers présentés au grand jury, j’ai pu constater que tout votre écosystème informationnel était vraiment très vivant, en évolution constante, et il invite à être très créatif dans les pratiques informationnelles. La communication publique n’est ni figée ni enfermée. Pour vous, cela doit être extrêmement stimulant. »
Cette édition rennaise du Forum tout entière le confirmait. Mais la présidente a terminé son propos en parlant particulièrement de la jeunesse, laissant poindre la tonalité de son palmarès et notamment son Grand Prix : « Quand on parle de confiance, il est essentiel d’évoquer nos jeunes concitoyens, parce que ce lien se tisse dès le plus jeune âge. La socialisation des jeunes passe aussi par la manière de communiquer avec eux. » Et ce n’est pas le visage radieux – sur la scène du Grand Prix Cap'Com – de la jeune Amel, actrice et partie prenante avec ses camarades du conseil municipal des jeunes de Bourgoin-Jallieu, qui l’infirmera.
Tout, dans cette candidature, lauréate du Grand Prix 2021, convergeait vers les objectifs révélés lors des interventions de cette 33e édition du Forum : une confiance trempée dans une collaboration citoyenne (transversale, transparente, en proximité, inclusive) et mise en cohérence par des équipes, une collectivité, accompagnée en stratégie comme en production par une fonction communication reconnue et active. Et le résultat est fort comme une bourrasque sur les remparts de Saint-Malo en temps de grande marée : ça requinque (comme on dit en occitan, autre lauréat !).
De quoi regonfler les voiles et le moral des troupes, pour tracer d'un seul bord jusqu’au prochain rendez-vous, à Strasbourg, les 15, 16 et 17 novembre 2022.
Crédit photos : Julien Mignot / Cap'Com