Le journal interne résiste au numérique
Loin d’être dépassé, le journal reste l’outil phare de la communication interne des collectivités territoriales. Une enquête Cap’Com révèle l’importance de ces publications qui vivent en bonne intelligence avec les intranets. Alors que les bouleversements institutionnels déconcertent souvent les agents, les DG des collectivités mesurent l’efficacité de l’outil dont les élus se désintéressent pourtant. Premiers regards sur cette enquête qui sera présentée et analysée lors des 9e Rencontres de la communication interne, les 9 et 10 mars prochain.
Plus de 80 % des collectivités de plus de 350 agents – qui représentent 60 % des agents de la fonction publique territoriale – disposent d’un journal interne. C’est dire qu’à l’ère du numérique et des restrictions budgétaires, le journal interne reste essentiel. Et n’allons pas croire que l’outil est statique, gardant la forme du bon vieux bulletin d’information des agents tel qu’il pouvait exister il y a encore une dizaine d’année. Les journaux internes des collectivités publiques n’ont aujourd’hui presque plus rien à envier à leurs publications externes. Chaque année, le jury du Prix de la presse territoriale, dont une catégorie est dédiée à la presse interne, mesure en effet l’amélioration constante de ces publications.
Premier élément de preuve apporté par l’enquête « La presse interne des collectivités publiques »*, réalisée en février dernier par Cap’Com avec l’expertise de Didier Rigaud, maître de conférence de l’Université Bordeaux Montaigne, et le partenariat de la MNT : la très grande majorité des journaux internes a connu une refonte éditoriale et graphique lors des cinq derniers années et près de 40 % ont réalisé une refonte importante durant les deux dernières années, soit en 2014, année des élections municipales et en 2015 année des élections départementales et régionales. Observons que ces refontes, si elles confortent les publications, semblent toutefois conduire à une évolution dans leur périodicité. Au regard de l’étude similaire conduite en 2003, « il y a eu un transfert de périodicité de mensuelle à trimestrielle », explique Didier Rigaud. Plusieurs hypothèses pour l’expliquer. Les contraintes budgétaires imposées aux collectivités territoriales ont pu avoir comme conséquence de réduire la périodicité. Mais c’est plus certainement le développement des outils digitaux, notamment des intranets, qui a conduit à revoir le rythme de l’information.
"La très grande majorité des journaux internes a connu une refonte éditoriale et graphique lors des cinq derniers années"
Didier Rigaud, maître de conférence de l’Université Bordeaux Montaigne
Si la périodicité se réduit, la pagination reste constante et relativement importante. Certes il y a, selon les collectivités, une très grande diversité du nombre de pages de leur publication, du simple recto-verso au bulletin mensuel de 40 pages. Mais rien ne permet de constater que cette pagination se réduit au fil des années. Pour 70 % des répondants, la pagination est restée stable ces deux dernières années et pour 12 %, elle a même augmenté.
La mise en place des intranets au sein des collectivités publiques, phénomène récent que l’on mesure depuis 2003, semble se faire en bonne intelligence avec les publications internes. En effet, la majorité des collectivités interrogées disposent à la fois d’un intranet et d’un journal interne. Une complémentarité qui s’est construite peu à peu mais dont l’articulation semble encore assez hésitante. La communication interne n’apparaît pas encore dans une démarche transmedia. Pour preuve, la déclinaison numérique du journal interne reste très traditionnelle. Les trois quarts se contentent de mettre le journal en PDF dans l’intranet.
De plus en plus, la réalisation du journal interne incombe à des communicants. Qu’ils soient au sein d’une direction de la communication en charge de l’interne comme de l’externe, ou qu’il s’agisse d’un service communication interne spécifique rattaché à la direction ou à la DRH, c’est bien des « pros de la com » qui ont la charge du journal interne, dans plus de 90 % des cas, confirme l’enquête. Mais n’allons pas croire que cela donne les pleins pouvoirs aux communicants. Si les élus portent un regard constant sur les publications externes, c’est le DG qui veille au journal interne. Là aussi, l’enquête apporte des éléments concrets. Qui valide la BAT de la publication interne ? Dans une collectivité sur trois, c’est le seul DG qui donne son imprimatur. Dans les autres, la prise de décision est plus partagée, voire complexe avec un circuit de validation qui peut concerner plus de trois personnes, DG, DRH, élus.
Mais comment ne pas remarquer la faible présence des élus et de leur cabinet. Ils semblent en effet assez peu impliqués dans la publication interne, à la fois en dehors du circuit de validation, mais aussi souvent absents des comités de rédaction lorsqu’ils existent. Même la tribune régulière que peut représenter l’édito n’est utilisée par les élus que dans environ 15 % des publications. La parole publique des élus est manifestement peu portée par la presse interne. « Les agents ont souvent le sentiment de devoir trouver en eux-mêmes et pour eux-mêmes le sens de leur mission et de leur motivation. Ils accomplissent leur mission en construisant son sens en parallèle du discours de l’institution locale », constatait une étude de l’Observatoire social territorial de la MNT. Une raison qui devrait inviter les élus à ne pas négliger les prises de parole auprès de leurs agents. Un questionnement qui fera l’objet d’une réflexion et d’un débat entre les 150 communicants publics qui se retrouveront les 9 et 10 mars prochain lors des 9e Rencontres nationales de la communication interne publique.
Article paru dans la newsletter Cap'Com n°416 du 4 mars 2016