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L’enjeu fondamental de la compublique est de repenser la relation avec le citoyen

Publié le : 18 novembre 2017 à 19:15
Dernière mise à jour : 17 décembre 2020 à 10:01

Le numérique transforme la relation aux citoyens. Cela oblige les communicants publics à réinventer tout à la fois les missions, les fonctions, les métiers, les organisations et leur place dans l’institution. Xavier Crouan, dircom de Nantes, nous révèle comment cela a conduit à redéfinir la stratégie de communication de la ville et de la métropole.

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  • Xavier Crouan, DGA, directeur de l'information et de la relation au citoyen de la ville de Nantes et de Nantes Métropole

Interview donnée à la newsletter Culture RP à l’occasion des 9e Rencontres nationales de la communication numérique, organisées par Cap’Com le 29 septembre dernier.

  • Vous êtes arrivé à la direction communication de la ville et métropole de Nantes en 2016 et avez créé la direction à l’information et à la relation du citoyen. Pourquoi ce passage et que signifie-t-il ?

En arrivant à Nantes en septembre 2016, j’ai proposé à Johanna Rolland, maire présidente de Nantes métropole, de transformer la direction de la communication en une « Direction à l’information et à la relation avec le citoyen ». L’enjeu n’est évidemment pas dans la dimension sémantique mais dans le fait de réinventer toute à la fois les missions, les fonctions, les métiers, les organisations et notre place dans l’organisation de l’institution car les changements de société sont si importants qu’il est nécessaire de repenser notre mode communicationnel.

  • Quels sont ces changements et en quoi ont ils, selon vous, impacté le rapport des citoyens aux institutions et à la chose publique ?

Le numérique a bouleversé et continue de bouleverser l’ensemble de notre société. Bernard Stiegler compare les conséquences de cette révolution numérique avec celles issues de l’invention de l’imprimerie qui a permis la démultiplication d’un savoir unique, celui des clercs, et l’émergence de nombreux autres savoirs contribuant fortement à l’apparition d’une nouvelle société.

Les conséquences civilisationnelles de cette révolution provoquée par l’imprimerie se sont étalées sur plusieurs siècles. La révolution numérique s’est, elle, produite en l’espace d’une vingtaine d’années. L’accélération du temps et la rapidité de la transformation de la société issue de cette révolution numérique n’ont jamais été aussi importantes dans l’histoire des civilisations.

Comment alors ne pas s’interroger sur la transformation radicale du lien qui unit les habitants, les citoyens, les usagers d’un service public avec les institutions publiques et leurs représentants, les élus ? D’autant que le citoyen va beaucoup plus loin et plus vite dans ses usages numériques et ses constructions relationnelles que nos institutions et leurs représentants.

J’en veux pour preuve le sondage réalisé auprès des français les 25-26 aout 2015 par OpinionWay pour 20 minutes qui décrit une nouvelle citoyenneté, une nouvelle relation démocratique : 74 % des Français déclare que les idées doivent venir des citoyens pour aider les élus à agir et décider alors qu’ils ne sont que 24 % à préférer le modèle traditionnel pour lequel les idées doivent venir des élus dont le rôle est d'avoir une vision et de convaincre les citoyens. Un désir qui traverse toutes les couches de la société quels que soient les critères socio-démographiques considérés.

A l’aune de l’ensemble des résultats de ce sondage conclut Luc Balleroy, directeur général d’OpinionWay, « il semble donc bien qu’une nouvelle forme de citoyenneté soit en marche avec une attente forte des Français vis-à-vis de l’ensemble des acteurs institutionnels et notamment ceux ayant en charge la vie publique. Il s’agit là d’un enjeu majeur à relever pour faire diminuer un niveau de défiance devenu délétère et destructeur du vivre ensemble. »

  • En quoi le numérique vous semble-t-il permettre de pallier cette crise de confiance et de favoriser un nouveau débat citoyen ?

Cette société structurée autour de l’individu n’a jamais connu autant de grandes rencontres collectives destinées à vivre des émotions partagées. Tandis que les réseaux sociaux fédèrent ces individualités pour relier et constituer le « nous ». Ces paradoxes structurent la société. C’est le temps des tribus, des rassemblements en fonction des centres d’intérêt, des cercles familiaux ou d’amis. Parallèlement, on voit émerger les contestations spontanées et indépendantes des corps constitués sous la forme d’un véritable bestiaire : les moutons, les pigeons, les dodos, etc. Les réseaux sociaux accélèrent la mise en partage et cette désintermédiation, cette « ubérisation ».

Nous sommes dans une société beaucoup plus horizontale, moins organisée en silo ou en verticalité. L’initiative de la transformation de la société ne vient donc plus d’un système descendant, mais s’organise sur les territoires grâce à des individus qui redéfinissent par eux-mêmes et pour eux-mêmes le bien commun et une nouvelle forme de citoyenneté. Le vivre-ensemble n’est plus défini par une vision politique qui s’impose à tous. La société civile cherche à influencer de plus en plus le politique à travers les pétitions en ligne et à se réinventer par elle-même à travers ces « nuits debout ». La ville de Paris l’a bien compris en inventant « la nuit des débats ».

  • Cela impose de redéfinir le rôle de l’institution et du pouvoir politique comme co-constructeurs et accompagnateurs de ces nouvelles organisations. Existe-t-il des exemples concrets dans le domaine des collectivités territoriales ?

On voit déjà de grandes transformations, comme le budget participatif de la ville de Paris ou à Rennes ou encore ces Grands débats s’organiser à Nantes ou ces lieux publics à réinventer à Nantes . On ne pouvait imaginer il y a cinq ans que le pouvoir “régalien” des élus, celui de décider du budget ou de l’investissement, allait être confié aux habitants pour décider des projets initiés et portés par ces derniers puis mis en œuvre par la collectivité.

Par ailleurs, cette participation citoyenne si difficile à mettre en œuvre pour des débats publics sur des sujets réglementaires, trouve à travers ces nouvelles modalités participatives une mobilisation plus importante du fait de la temporalité immédiate de l’action et de la dimension très concrète de sa participation. C’est le temps de l’immédiateté, du réel, du concret. Comment puis-je changer ma vie dès aujourd’hui ?

  • En quoi les changements que vous décrivez vont-ils impacter le métier de communicant numérique ?

Le rôle de l’institution est aujourd’hui d’organiser cette participation pour faire émerger cette intelligence collective ainsi que des décisions rapides et tangibles. Et dès aujourd’hui cette société a compris l’importance d’être « cum », d’être avec. Le numérique nourrit et accélère cette tendance fulgurante. L’enjeu est désormais la co-construction avec d’autres individus et leurs idées, lesquelles vont pouvoir s’agréger afin de construire un projet plus large, plus enrichi. Cette société du “co” est désormais omniprésente, et constitue les bases mêmes de cette nouvelle organisation. On est ainsi passé de la loi du père à celle des pairs.

En fait, on voit bien l’ensemble d’un nouveau système émergé, que les sociologues ont décrit il y a déjà quelques années. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des signaux faibles. Il s’agit d’un changement de société, d’un changement de civilisation qui redéfinit le bien commun, la manière de l’imaginer et de l’élaborer, ainsi que l’ensemble des relations entre les citoyens, les habitants d’un territoire, les usagers d’un service public et les institutions publiques et politiques.

Ce sont les raisons pour lesquelles les communicants et acteurs publics doivent s’interroger sur la nature même de la communication publique.

  • Dès lors, quels sont selon vous les enjeux de la communication publique de demain ?

L’enjeu fondamental de la communication publique de demain, en fait dès aujourd’hui, est par conséquent de tirer les conclusions de ces évolutions et de repenser cette porte d’entrée de la relation avec le citoyen, l’usager, l’habitant, de la parole citoyenne, de la participation citoyenne à l’élaboration du projet collectif, du projet de l’institution ; l’enjeu est d’intégrer le citoyen, l’usager dans un dialogue permanent avec l’institution pour peser sur les visions et plans d’action.

Pour y parvenir, les directions de la communication publique doivent devenir, de par leurs expertises dans la relation avec les usagers et les citoyens, une direction métier et non une direction support ou fonctionnel avec aussi pour mission d’accompagner l’institution vers ce nouveau monde pour expliquer les mutations en cours et donner du sens.

Aussi, est-il temps de revenir au fondement de la communication, c’est-à-dire la mise en relation. Il est devenu urgent de laisser de côté la « com » avec ses dimensions négatives que les médias véhiculent à longueur de journée et de saisir l’opportunité de refonder la relations aux citoyens, de renommer et de remanier nos directions afin d’embrasser ces nouvelles compétences liées à l’interaction avec les citoyens. Il est temps de tirer conclusions de cette nouvelle société transformée par le numérique et de répondre à ces nouvelles aspirations.

Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai renommé la direction de la communication en une direction à l’information et à la relation au citoyen.

Et derrière ces termes, c’est une vision stratégique de mise en œuvre pour réinventer l’ensemble de la stratégie et des moyens au regard de cette nouvelle promesse.

  • Comment cela se traduit-il à Nantes ? Quels sont les différents chantiers et projets portés par la direction à l’information et à la relation au citoyen ?

C’est ainsi que le nouveau contrat de lecture du magazine municipal « Nantes passion » est devenu : poursuivons la conversation. Cette nouvelle formule intègre la participation citoyenne dans sa rédaction même puisque l’habitant peut apporter sa contribution à la rédaction sous différentes formes ou suggestions.

De même la refonte des sites internet fait l’objet d’un dialogue citoyen assez élaboré pour définir collectivement ce que doit être le service numérique aux habitants d’ici 4-5 ans. Cette vision prospective de la relation numérique a fait l’objet d’ateliers réunissant des habitats volontaires, des start-up nantaises ainsi que des innovateurs internes. Ces différents points de vue se sont ensuite confrontés pour définir une vision commune auquel les élus vont devoir répondre officiellement. L’ensemble de la démarche est transparente et partagée ouvertement via un blog https://reinventons.nantesetmetropole.fr/

L’ensemble de la stratégie doit être revue pour construire cette relation, cette conversation. Cela passe par des refontes mais aussi par des changements de logiciels y compris des agences qui nous accompagnent afin de porter non plus l’accent sur la direction artistique mais sur la mise en expérience des habitants, sur la conversation et l’interaction que l’institution construit avec et pour les habitants. Il s’agit de créer des mises en expérience pour faire des habitants des ambassadeurs. Ce sont des nouvelles compétences internes et externes dont nous avons besoin et ce sont des nouvelles méthodes et outils à déployer. L’organisation directe et indirecte doit ainsi évoluer rapidement pour épouser les nouvelles pratiques et nouveaux usages et répondre rapidement et avec agilité aux nouveaux enjeux politiques.

06 et 07 juin 2018

Séminaire d'étude sur la concertation et la participation citoyenne

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