Les citoyens parlent aux communicants publics : soyez clairs, simples et transparents !
60 000 contributions de la plateforme numérique du grand débat national ont porté sur l’information et la communication. Elles expriment des attentes qui légitiment d’autant la communication publique. Les citoyens souhaitent des progrès en matière de transparence et d’outils numériques notamment. Une analyse exclusive de La Vox Populi réalisée pour Cap’Com.
Par Christian de La Guéronnière, directeur de l’agence Epiceum et membre du Comité de pilotage de Cap’Com, co-fondateur de La Vox Populi et Jean Laloux, directeur associé du cabinet Inférences, co-fondateur de La Vox Populi
Fait inédit dans la Ve République, et même sans doute dans notre démocratie depuis la convocation des états généraux du 24 janvier 1789 : au premier trimestre 2019, plus de 250 000 citoyens ont participé à la plateforme numérique centrale du grand débat national, apportant plus de 7 millions de contributions aux 130 questions posées. Des centaines de milliers d’autres ont aussi déposé des doléances en mairie et participé à des réunions régionales.
Quels enseignements cet exercice de démocratie participative est-il susceptible d’apporter aux professionnels de la communication publique ? Grâce à La Vox Populi, une analyse des verbatims concernant la communication et l’information permet de s’en faire une idée.
L’analyse du grand débat réalisée par La Vox Populi
La Vox Populi est un outil de restitution et d’analyse de la parole des citoyens. Grâce à des technologies innovantes de traitement automatique de la langue et à une analyse humaine, il propose une synthèse fiable et indépendante des contributions des citoyens. Une création d’Inférences, cabinet d’études expert en analyse sémantique, concepteur de la solution d’analyse semi-automatique de grands volumes de données textuelles, et d’Epiceum, agence conseil dédiée à la communication d’intérêt général.
Pour Cap’Com, La Vox Populi a isolé les verbatims qui emploient les mots « information » ou « informer » ou « communication » ou « communiquer » dans les réponses aux questions ouvertes des quatre thèmes proposés sur la plateforme du grand débat – écologie, démocratie, fiscalité et organisation de l’État. Le corpus ainsi formé a représenté près de 60 000 prises de parole.
Des adjectifs qui sonnent comme des revendications…
La prépondérance de l’adjectif « meilleur », qui apparaît comme le plus souvent associé aux termes « communication » ou « information », suggère en creux que la communication publique actuelle est perçue comme perfectible. Mais comment ? Elle doit d’abord être « simple » et « claire » : les citoyens sont fâchés avec la complexité de l’action publique et un enjeu de la communication est de la rendre plus immédiatement « compréhensible ». Autres demandes fortes : la communication doit être « accessible » (avec un poids élevé de « numérique »), « régulière » et « transparente ». La notion de régularité est intéressante : les répondants ne veulent pas de « grand-messes » communicationnelles de circonstance, mais des échanges fréquents et au long cours avec les acteurs publics.
La transparence comme valeur morale cardinale
La recherche de mots connotant une valeur morale, comportementale ou psychologique laisse apparaître dans l’esprit des répondants au grand débat une attente d’accompagnement : mieux voir et mieux comprendre pour mieux participer et mieux décider !
Cet angle d’analyse révèle avant tout une attente écrasante de « transparence ». Cela suggère un nouveau rapport critique des citoyens à une action publique qui doit rendre des comptes sur ce qu’elle fait, ce qu’elle dépense, ce qu’elle vise, ce qu’elle obtient. La deuxième valeur mise en avant est la « pédagogie », donc un désir de compréhension et un besoin d’explication. Enfin, « confiance » constitue la troisième valeur forte associée à « information » et « communication ». Elle doit être instaurée (ou restaurée) par des moyens permettant un échange sincère avec les citoyens et les administrés.
Numérique et démocratie : l’alliance attendue !
L’analyse des moyens (canaux, supports) les plus souvent cités révèle des répondants résolument entrés dans l’âge numérique. La domination des items « Internet », « site », « réseau social », « plateforme », « en ligne » l’atteste. Les « médias » (« TV » et « télévision », « presse », « radio ») apparaissent également et on notera que la « réunion » (in real life !) reste un moyen souvent cité pour l’échange direct. Du côté des supports, les répondants parlent de « document », « rapport », « courrier », « publication », « présentation », « tableau », « compte-rendu ».
Cette domination des outils numériques est toutefois à pondérer par le fait que le profil des répondants à la plateforme centrale du grand débat n’est pas représentatif de toute la société française : la relative complexité de cette plateforme a créé un filtre d’accès et de participation. De même, La Vox Populi a montré dans une de ses « révélations » (lire ici l’article consacré à ce sujet) que les contributeurs s’étaient davantage mobilisés dans les métropoles que dans les zones périphériques et rurales. Néanmoins, la banalisation des outils numériques est une réalité : une démocratie moderne ne peut plus se priver des moyens exceptionnels que donnent ces outils pour émettre, mais aussi pour recevoir des informations.
Ce survol très rapide pourrait être approfondi par d’autres outils de La Vox Populi : clustering sémantique, analyse thématisée des attentes de contenus de communication, etc. Il montre que les contributions citoyennes apportent des éclairages utiles sur les perceptions et les attentes des publics. La richesse des réponses au grand débat forme en soi une source précieuse d’informations sur les aspirations démocratiques en 2019 : il faut espérer que les décideurs et maîtres d’ouvrage s’en approprient les contenus… au lieu de simplement commenter le contenant ! Car les citoyens ont émis une impressionnante masse d’opinions, d’appréciations et de propositions, l’ignorer serait une perte d’informations utiles – et une indifférence contraire au principe même de l’exercice de sollicitation des avis.
Une analyse menée par La Vox Populi sur la métropole de Bordeaux et la Gironde (cette analyse a été rendue possible par l’utilisation du seul filtre disponible pour traiter les données ouvertes du grand débat, à savoir le code postal) a ainsi montré la capacité de produire des interprétations territorialisées des expressions citoyennes, avec une compréhension fine de leurs attentes. D’autres territoires s’interrogent sur l’opportunité d’une telle démarche. Il s’agit pour La Vox Populi de démontrer la possibilité d’analyses quantitatives et qualitatives indépendantes et fiables, permettant d’objectiver ces contributions (mesures, indicateurs, modélisation) aussi bien que de restituer les subjectivités (opinions, valeurs, signaux faibles et forts des attentes).
Les citoyens s’expriment pour être entendus, ils ont dit leur désir que cela soit suivi d’effets et que cela devienne une pratique régulière : n’est-ce pas aux élus et aux administrations de faire désormais l’autre moitié du chemin ?
Tirer des enseignements des questions sur la communication publique posées aux Français dans le cadre du grand débat
Le grand débat avait fait le choix de poser des questions aux Français autour de quatre grandes thématiques : fiscalité et dépenses publiques, transition écologique, organisation de l’État et des services publics, démocratie et citoyenneté.
Parmi les questions posées, certaines touchent directement à notre métier. Quels outils et solutions pour mieux mobiliser l’ensemble des citoyens ? Comment inciter aux changements des comportements ? Comment répondre à la demande des citoyens de mieux connaître les dépenses publiques ? Que faire pour améliorer l’information des citoyens sur l’utilisation des impôts ? Comment renouer le lien élus-population, pour inciter à la participation aux élections, pour mieux associer les citoyens à la décision publique et les consulter sur l’utilisation de l’argent public ? Comment renforcer l’engagement citoyen et les comportements citoyens ?
Autant de sujets que l’on retrouve dans les préoccupations des communicants publics, dans les travaux du réseau Cap’Com, et qui seront l’occasion de débats lors du prochain Forum de la communication publique à Bordeaux.