Limiter la publicité dans l’espace public, une idée qui fait son chemin
La Convention citoyenne pour le climat vient d’appeler à réguler la publicité dans l’espace public pour « mettre un frein à la surconsommation ». La limitation de l’affichage publicitaire en ville a aussi figuré dans les programmes de nombreux candidats aux municipales de cette année. La mandature qui débute va-t-elle conduire à réinventer l’affichage urbain tant sous la pression de la transition environnementale que pour renforcer la parole publique ?
Les 150 citoyens tirés au sort pour constituer la Convention citoyenne pour le climat ont remis au gouvernement ce 9 avril 50 propositions qui doivent encore être amendées et votées par l’assemblée plénière. Parmi ces propositions, la Convention propose de « limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies » qui poussent à la consommation. Pour cela, les panneaux publicitaires devraient être, dès 2023, prohibés « dans les espaces publics extérieurs », hors l’information locale ou culturelle.
Cette limitation de l’affichage publicitaire dans l’espace public figure aussi parmi les 32 mesures du Pacte pour la transition. Un Pacte pour « construire des communes plus écologiques et plus justes » rédigé par 60 organisations environnementales et signé par de nombreux candidats aux municipales de 2020. Le Pacte invite les communes à mettre en place un règlement local de publicité plus restrictif, encadrant la taille et la densité des panneaux non lumineux, non déroulants et non numériques, et à revoir les contrats de mobiliers urbains publicitaires.
Les programmes municipaux ont abordé la question de la pression publicitaire en ville
Au regard des thématiques environnementales portées lors des municipales de cette année – et du score des listes écologiques –, on est en droit de penser que la limitation de l’affichage publicitaire dans l’espace public pourrait faire quelques adeptes dans le prochain mandat.
Les associations environnementales rappellent que « chaque personne reçoit entre 400 000 et 800 000 messages publicitaires par an » et que la publicité est en France particulièrement présente dans l’espace public par voie d’affichage. « Il convient de questionner la prédominance du discours du secteur marchand sur les autres secteurs (politique, associatif, culturel, etc.). » La publicité incite à la surconsommation, précisent aussi les associations du Pacte. Les principaux annonceurs que l’on voit dans la publicité sont issus des secteurs de la grande distribution et de l'automobile, selon Kantar Media, 2019. Et seule une minorité des 3 millions d’entreprises en France est présente sur ce marché : 80 % des dépenses publicitaires sont réalisées par environ 600 entreprises.
Après Grenoble, d’autres villes réduisent les panneaux publicitaires dans l’espace public
La limitation de l’affichage publicitaire dans l’espace public est une mesure mise en œuvre depuis 2015 par la ville de Grenoble. Quelque 350 panneaux publicitaires avaient alors été supprimés. « Cette suppression des panneaux s’inscrit dans la conception de l’espace public de la municipalité, expliquait à l’époque le directeur de la communication de la ville, celle d’un espace public plus humain, mieux partagé. On ne supprime d’ailleurs pas l’affichage, on le réinvente. On supprime la pub commerciale, ce qui n’est pas, tant s’en faut, la suppression de la communication de la ville ou des associations. Au contraire. » Trois types d’affichage sont maintenus dans la ville : un panneau réservé à l’expression libre, un autre dédié aux informations de la ville ou des associations et aux campagnes d’intérêt général, le dernier étant exclusivement consacré aux informations culturelles.
Cette suppression des panneaux s’inscrit dans la conception d’un espace public plus humain, mieux partagé.
D’autres communes ont aussi suivi le mouvement, comme la ville de Pamiers, sous-préfecture de l’Ariège, qui a réduit le nombre de ses panneaux publicitaires lors de la révision en 2018 de son règlement local de publicité. Le nouveau règlement a conduit à la suppression d’une trentaine de panneaux et à l’adoption de panneaux plus petits, 8 m2 au lieu de 12 m2. L’objectif annoncé visait une meilleure visibilité de l’information événementielle et culturelle, et une limitation de l’emprise visuelle de l’affichage le long des principaux axes de traversée de la commune. La ville de Bourg-en-Bresse a adopté, en janvier 2020, un règlement local de publicité qui réduit de 30 % les surfaces publicitaires commerciales. Une décision prise en concertation avec les communes de sa périphérie en vue de « préserver une image attractive de la commune et de protéger le cadre de vie en diminuant cette pollution visuelle ». De même, en janvier 2020, près d'une centaine de panneaux publicitaires de plus de 8 m² ont aussi été démontés à Laon. Une décision qui vise à préserver le paysage urbain de cette cité médiévale de l’Aisne.
L'affichage dans l'espace public ne se réfléchit toutefois pas qu'en terme de réduction de panneaux. L'exemple de la métrople de Rennes illustre la volonté de rechercher la présence de la parole publique dans la ville en multipliant les points de contact avec le public. Ce qui peut conduire à developper des supports d'information partagés et des informations conçues avec des médias privés.
À l'heure des baisses de dotations de l'État, la plupart des villes craignent toutefois de perdre les recettes issues de la publicité : taxe locale sur la publicité extérieure et redevances des différents contrats de mobiliers urbains. Toutefois, ces ressources restent marginales dans le budget des collectivités locales. À Paris, elles ne représentent que 0,003 % du budget de la ville, à Grenoble la ville a consenti à un manque à gagner représentant moins de 0,1 % du budget de la ville.