« Non aux stéréotypes de quartier » : voir et parler autrement des banlieues
Handicapés par les clichés, les quartiers prioritaires de la politique de la ville souffrent autant dans leur réalité sociale et économique que du fait du regard – ou même de l’absence de regard – dont ils sont victimes. Face à la « maltraitance médiatique » de certains territoires, l’Association des maires ville & banlieue de France a rouvert le débat et proposé des solutions lors de la journée-débat « Un nouveau regard pour nos quartiers », à laquelle a participé Cap’Com le 22 mars à Évreux.
Cela fait quelque temps que des villes reviennent à l’assaut pour plaider une cause qui perdure – appel de Grigny (150 maires signataires le 16 octobre 2017), travaux de préparation du plan Borloo (remis le 26 avril 2018)… – et qu’encore une fois les espoirs sont déçus.
En une journée, le 22 mars à Évreux, et trois tables rondes traitant successivement de la représentation des banlieues, de la responsabilité des médias et de la manière de se réapproprier leur image, les participants ont pu réexprimer toute la complexité et toute l’injustice de la problématique de ces villes, de ces quartiers. Face au public et dans la salle, les expressions, souvent passionnées, toujours enracinées dans des réalités vécues, faisaient état d’une même amertume. Des élus, mais également des spécialistes des médias, des journalistes, des communicants (dont Cap’Com) et des responsables associatifs ont fait le constat d’un échec prolongé, d’une exclusion, qui plonge ses racines dans la partition sociale du territoire. Discours maintes fois entendus. Déjà portés par des maires Courage comme Claude Dilain, de Clichy-sous-Bois. Déjà accompagnés de projets, de plans, de dispositifs… aussi vite oubliés que les traces des dernières émeutes.
Pourquoi cette diabolisation ?
Car l’image, et le traitement médiatique, des banlieues est un fardeau si lourd à porter que toutes les initiatives, que toutes les approches rationnelles et même que tous les chiffres sont balayés d’un revers de manchette à la voiture brûlée. Amer constat, partagé tout au long de cette journée et étayé par les témoignages sur le tort causé aux citoyens des quartiers, à cause de leur adresse postale, aux élus de ces villes, qui ne sont pas entendus, aux acteurs économiques, aux bailleurs sociaux ou aux territoires mêmes. Leurs stigmates sont la trace d’une relégation entretenue.
Changer de regard
Les scènes de violence urbaine en centre-ville que les médias nous offrent aujourd’hui bousculent cet ordre et réinterrogent le rôle expiatoire des enflammements banlieusards. Et si le reste du territoire s’était trompé ? Et si les banlieues n’étaient que le laboratoire de la France de demain ? Et si ces villes avaient de grandes vertus ? Celles de servir de tremplin, de laboratoire citoyen, d’incubateur, d’espace de germination culturelle, économique et sociale ? Bref, non pas une marge, un vidoir, une zone… mais la bouillonnante manifestation de la vitalité de notre société. C’est sur cette approche inversée que se construisent de nombreuses initiatives, de la part de journalistes, de spécialistes des médias, qui veulent que ces territoires se réapproprient leur image.
En écoutant Ariane Chemin du Monde, ou Erwan Ruty du MédiaLab 93, chacun pouvait toucher du doigt un quotidien ordinaire, loin des clichés, qui prend sous leur plume les reflets bigarrés d’un potager à idées. Des expériences et des rencontres que beaucoup d’élus présents – dont Hélène Geoffroy, Catherine Arenou ou Marc Villemot (respectivement maires de Vaulx-en-Velin, Chanteloup-les-Vignes, et La Seyne-sur-Mer et président de Ville & Banlieue) – ont pu attester en disant leur fierté.
Priorité au direct, vu des quartiers…
En conclusion de cette journée, après avoir fait le constat de l’impuissance collective et des alertes inaudibles, Ville & Banlieue, représentée par son président, officialisait, avec Maxime Daridan de BFM TV, la création de l’association Vu des quartiers. En mettant en place un annuaire de référents et d’experts ayant une bonne connaissance des quartiers sensibles, ils lancent une dynamique visant à permettre un commentaire éclairé de l’actualité des quartiers, loin des clichés.
Ce premier pas a pour objectif, s’il est suffisamment puissant, de permettre de sortir de la spirale de « mauvais traitements » qui biaise tous les rapports avec ces territoires, de reconstruire le dialogue avec les médias, de lutter en commun contre les infox et de favoriser une parole authentique venant des banlieues.
Cap’Com : un nouveau rendez-vous avec les banlieues ?
Le réseau Cap’Com inclut depuis toujours de nombreux communicants concernés par les questions des quartiers et de la politique de la ville. Et l’intervention lors de cette journée Ville & Banlieue d’Évreux s’inscrit dans un partenariat de longue haleine, en apportant un éclairage propre à nos métiers. En l’occurrence, Cap’Com a présenté des initiatives de territoires pour que les citoyens se réapproprient leur image (« Plus belle la Grapp' » – campagne nominée au Grand Prix Cap'Com 2018 – ou « La Grande Plaine » – présentée aux Rencontres nationales du marketing territorial d’Annecy en 2019). Mais il n’est pas faux de dire que notre réseau revient sur le sujet de façon plus prononcée. Le choix d’une élue, maire en banlieue parisienne et vice-présidente de Ville & Banlieue, très présente dans les médias, Catherine Arenou, comme présidente du 21e prix de la Presse territoriale est signifiant. Autre indicateur : le prochain « Voyage d’étude à… » trouvera vraisemblablement sa destination en banlieue en octobre 2019 !