Pages de com : « Les citoyens se désintéressent-ils de la politique ? » par Rémi Lefebvre
Pour une fois, nous nous intéressons à une publication purement numérique, parce que les essais ne sont pas que des volumes, mais peuvent également être des fils de pensée tissés sur la toile. C'est le cas de ces « Paroles d'expert » mises en ligne par vie-publique.fr. Récemment, nous y avons trouvé cette contribution à la réflexion sur le désintérêt apparent des citoyens envers la politique, écrite par Rémi Lefebvre, universitaire lillois… comme un jalon avant notre édition 2024 du Forum Cap'Com à Lille !
La thématique est importante et nous avons régulièrement entendu des experts à ce sujet. On se remémorera l'intervention de Pierre Rosanvallon lors du Forum à Reims, éclairant un nouveau rapport au politique, moins en phase avec les rendez-vous électoraux, mais plus ancré dans la proximité et les corps intermédiaires. On se souvient, plus récemment, de la conférence plénière d'ouverture de Loïc Blondiaux sur le même sujet, qui nous parlait de cette aspiration pour une démocratie du « faire », c’est-à-dire une volonté de contribuer véritablement. Il avait à cette occasion invité les communicants publics à respecter quatre consignes pour répondre à l'impératif participatif. C'est donc avec intérêt que nous avons découvert cette publication du 12 mars dernier. L'auteur y livre une réflexion actuelle dans un texte court mais dense qui mérite très largement d'être cité ici. Le format proposé comme le choix éditorial de vie-publique.fr sont également à mettre en avant. Les « Paroles d'expert » sont souvent pertinentes pour les communicants publics, comme pour une autre, sortie presque en même temps, due au géographe et politiste Max Rousseau, « Déclin urbain : pour des politiques publiques sur mesure ».
Une analyse des mouvements de fond et du déclin de notre modèle
Rémi Lefebvre revient donc sur les constats, l'impopularité du personnel politique, la défiance mais aussi l'apathie, la fatigue, l'éloignement. Il en offre une relecture qui n'est pas univoque, il rappelle l'approche plus intermittente des citoyens à la vie démocratique, il rappelle les analyses qui ont été faites après les mouvements sociaux récents, il parle de ce « sentiment de compétence » qui est aujourd'hui au cœur des débats. L'auteur livre une analyse qui n'est pas aveugle des mouvements de fond et du déclin de notre modèle. Il compile des études récentes pour montrer la baisse de l'intérêt déclaré pour la politique, qui passe de plus de 58 % en 2012 à moins de 41 % en 2022.
Derrière la défiance citoyenne, une aspiration à une autre manière de faire de la politique
Mais il construit deux autres chapitres pour décrypter les raisons de la montée de la défiance citoyenne et pour essayer de déceler une aspiration à une autre manière de faire de la politique. Ce qui n'est pas très éloigné de ce que nous ont dit les universitaires précédemment cités. Rémi Lefebvre y apporte une touche pratique, lorsqu'il évoque positivement les dispositifs accompagnés par la communication publique : « L'offre de démocratie participative progresse mais surtout au niveau local. Fin 2019, on recensait 200 budgets participatifs, c'est 400 aujourd'hui. Les conventions citoyennes ou conférences de citoyens se sont développées, offrant la possibilité à des citoyens tirés au sort de se former et de s'exprimer sur des sujets complexes (réchauffement climatique, fin de vie…). » Il nous déconcerte également en approchant de sa conclusion en notant que « c'est en France que se trouve la part la plus élevée d'enquêtes favorables à ce que l'armée dirige le pays (23 %, contre 14 % en Allemagne) ». C'est une alerte : pour lui, le désintérêt pour la politique est en partie en balance avec le souhait d'avoir un pouvoir plus autoritaire.
Les citoyens se désintéressent-ils de la politique ?
Rémi Lefebvre
vie-publique.fr
Rubrique « Parole d'expert »
12 mars 2024
18 000 caractères
