Pages de com : « Penser l’incommunication » par Dominique Wolton
Il nous avait annoncé la sortie de cet ouvrage et s’était largement appuyé sur lui pour préparer son intervention au dernier Forum Cap’Com à Toulouse. Autant dire que le concept d’incommunication est déjà connu. C’est la suite et la fin d’une série de trois ouvrages qui convergent dans cette perspective, cela résume également une vision, la sienne, qu’il partage et que beaucoup ont commencé à utiliser.
Sous les projecteurs de cette plénière d’ouverture, ému, recevant bien plus que des applaudissements, le chercheur du CNRS, infatigable décrypteur de nos métiers, venait de livrer sa vision, affûtée. Avec déjà 30 ouvrages à son actif sur ces sujets, il a réduit cette fois-ci l’éventail de son travail pour n’en retenir que l’essentiel. Après Informer n’est pas communiquer en 2021 et Communiquer c’est négocier en 2022, voici ce mois-ci Penser l’incommunication. Les trois s’enchaînent. Et ce qui est dit dans l’un sert de base pour le suivant. Dominique Wolton nous parle encore, mais plume à la main. C’est fluide. Et c’est sincère. Il ne s’embarrasse pas de détails futiles ou de références techniques ou d’actualité. Il va à l’essentiel et déroule un discours. Il y dit quelquefois qu’il n’appartient pas à la majorité quant à son analyse, mais il prend soin de convaincre car, avec son expérience, son flair, sa rigueur et sa lucidité, il la suppose valide. Et il a vraisemblablement raison. Sûrement, même. Pour résumer : à la fin, c’est humain. Commençons par la conclusion de la page 129 : « Lutter contre le mythe de l’Homme augmenté et affronter prudemment la négociation du rapport à l’autre. » Tout est là. Méthodiquement, en égrenant les constats, les priorités, les ruptures, il fait une démonstration tout à fait accessible pour nous tous, communicants de service public, artisans du dialogue en proximité.
Après une ouverture qui présente l’ensemble des mouvements qui seront développés, il pose son regard, implacable, en observateur critique de la com. On comprend vite que son livre sonne la fin de l’innocence : internet, « c’est pratique, mais cela ne change pas la vie » ; il faut comprendre « ne change pas la nature humaine ». L'auteur nous interpelle aussi sur les défis qui sont devant nous. Par exemple ceux liés à l'Europe, chère à son cœur, qui devient là un des chantiers fondamentaux sous-valorisés : « Accroître la confiance des Européens entre eux. Cesser les discours d’autoflagellation et valoriser enfin ce qui a été fait en si peu de temps » (page 129).
Il argumente, il se confronte aux idées reçues. Chapitre après chapitre, il développe, reprenant régulièrement certains motifs, autour du lien entre machine et Homme, autour de la négociation, etc. En fait ce livre est construit comme une symphonie. Son ouverture, les mouvements, les motifs qui reviennent et même le final. On connaissait Dominique Wolton dramaturge, le voici compositeur. Penser l’incommunication sera donc d’office un classique !
Penser l'incommunication
Collection Documents
Le bord de l'eau Éditions
19 janvier 2024
140 pages