Pour inciter à trier, Béziers utilise son ressort privilégié : polémiquer
Trois chefs d'État autoritaires traités de déchets. Depuis le 4 janvier, les visages de Kim Jong-un, Vladimir Poutine et Ali Khamenei, accompagnés du slogan « N’oubliez pas de trier les déchets », s’affichent sur les bus de l’agglomération de Béziers. Une campagne assumée par la ville et son maire Robert Ménard, qui y voit là la solution pour faire parler… du tri.
La ville de Béziers a relayé la campagne d’affichage sur son compte Facebook, suscitant de nombreux commentaires. Les médias locaux et nationaux se sont fait l’écho dès le début de la semaine de la polémique, interrogeant l’édile qui rebondit sans vergogne sur l'actualité de ce 7 janvier en indiquant dans Midi Libre avoir créé une campagne « dans l’esprit Charlie ». Il faut « avoir la même audace [que Charlie Hebdo] et appeler un dictateur, un dictateur, un tyran, un tyran. Et ça fera parler du tri ! », complétant sur TF1 : « On attire l’attention sur les déchets, car c’est ça l’objectif premier, et puis on montre du doigt un certain nombre de gens qui se comportent de façon indigne, c’est de l’humour, j’espère que les gens le prendront au second degré. »
La compublique à nouveau dévoyée
Du décalage, une campagne qui marque, voilà bien des ressorts que nombre de communicants publics savent manier pour faire passer des messages en lien avec les compétences de leur collectivité. Mais sans favoriser une confusion malaisante ni créer de polémiques sur des sujets n'ayant rien à voir. Provoquer des chocs dans l'opinion en utilisant des thématiques malsaines est d'ailleurs une marque de fabrique commune à toute l'extrême droite française depuis les dessins du journal Je suis partout jusqu'aux mots d'esprit du défunt Jean-Marie Le Pen.
« Ceci n’est pas notre métier », avaient lancé 120 dircoms, signant un appel en 2018 suite à une campagne de Béziers. Elle mettait en scène une femme étranglée par un homme avec le slogan « L’État étrangle nos communes ». La ville a réitéré quelques mois plus tard avec à nouveau l’illustration d’une femme attachée à des rails de train accompagnée du slogan « Avec le TGV, elle aurait moins souffert ».
« Désormais la police a un nouvel ami », avec une photo d'un pistolet pour annoncer l’armement de la police municipale de la ville, « Ils arrivent » en une du journal municipal de Béziers sur un photo-montage d'un convoi de réfugiés avec la mention « Béziers, 3 865 km. Scolarité gratuite, hébergements et allocations pour tous ». Les ingrédients sont toujours les mêmes : une typo et une composition simplistes fondées sur une association « choc » voire outrancière entre un slogan (en capitale, et en gras), l’absence de logo ou autre élément d’identification de la ville, et à chaque fois le déclenchement d’une polémique qui trouve écho dans les médias, et vice versa.
Derrière cette nouvelle affiche anonyme sur un arrière de bus, quelle est la stratégie de com sur le tri, le plan média et les critères d'évaluation ? La recette de Béziers n’est donc pas nouvelle et n'a rien à voir avec une campagne professionnelle. Mais c’est bien la première fois qu’elle est utilisée pour aborder un service public sans aspect politique, a priori… avant que les communicants de M. Ménard ne réussissent à dévoyer le message...