Quelle communication pour les stratégies macro-régionale européenne ?
L’action européenne est-elle soluble dans les territoires ? À l’occasion du séminaire de Dubrovnik en 2023, Cap’Com, le réseau français de la communication publique territoriale, s’est intéressé au cas d’Eusalp, une de ces stratégies macro-régionales et a interrogé » des acteurs locaux et a interrogé le dircom de Grenoble-Alpes-Métropole, une des villes du périmètre. Le résultat est en demi-teinte.
L’espace alpin est composé de territoires dont les tendances démographiques, sociales et économiques ne sont pas toujours communes et qui présentent une diversité culturelle et linguistique dans une grande variété de systèmes de gouvernance et de traditions. Cependant, l'espace alpin présente également de nombreuses caractéristiques communes. C’est un espace de vie et de travail pour une population de plus de 80 millions d'habitants, mais aussi des paysages, une richesse de biodiversité et un patrimoine culturel
Les trois priorités d’Eusalp
Pour atteindre les objectifs généraux de la stratégie, trois objectifs thématiques interdépendants ont été identifiés :
- un accès équitable aux possibilités d'emploi, en s'appuyant sur la forte compétitivité de la région ;
- une desserte par un réseau de transport interne et externe durable ;
- un cadre environnemental plus inclusif et des solutions énergétiques renouvelables et fiables pour l'avenir.
Le territoire alpin est un territoire unique, qui dispose d'un important potentiel de renouvellement, mais qui est confronté à des défis importants, tels que :
- la mondialisation économique qui oblige le territoire à se réinventer pour être compétitif et innovant, en développant avant tout son secteur des technologies de l'information et de la connaissance ;
- les tendances démographiques, caractérisées notamment par les effets combinés du vieillissement et des nouveaux schémas migratoires ;
- le changement climatique et ses effets prévisibles sur l'environnement, la biodiversité et les conditions de vie des habitants ;
- le défi énergétique au niveau européen et mondial, qui consiste à gérer et à satisfaire la demande d'énergie d'une manière durable, sûre et rentable ;
- et la position géographique spécifique en Europe, en tant que région de transit mais aussi en tant qu'espace doté de caractéristiques géographiques et naturelles uniques.
La stratégie macro-régionale alpine offre la possibilité d'améliorer la coopération transfrontalière dans les États alpins, ainsi que d'identifier des objectifs communs et de les mettre en œuvre plus efficacement par le biais d'une collaboration transnationale. Cette stratégie s'appuie sur une longue tradition de coopération dans les Alpes, dont la "Résolution politique en vue d'une stratégie de l'Union européenne pour la région alpine" de Grenoble du 18 octobre 2013 : c’est pourquoi nous avons choisi de nous tourner vers cette ville pour faire une évaluation de la communication d’Euaslap cette année, juste avant le prochain scrutin européen.
La Commission a préparé une communication et un plan d'action sur la stratégie de l'UE pour la région alpine (EUSALP), qui a été adoptée par le collège de la Commission le 28 juillet 2015 (le 27 novembre 2015, la stratégie a été approuvée par le Conseil de l'Union européenne 9 et le 28 juin 2016 par le Conseil de l’UE).
Quels objectifs ?
L'objectif général de la stratégie Eusalp est de promouvoir la prospérité économique et sociale durable de la région alpine par la croissance et la création d'emplois, en améliorant son attractivité, sa compétitivité et sa connectivité, tout en préservant l'environnement et en garantissant des écosystèmes sains et équilibrés. Elle vise également à apporter une réponse coordonnée à des questions qu'il est préférable de traiter ensemble plutôt que séparément. L’Europe cherche clairement, avec ce niveau intermédiaire d’action macro-régional, à pousser les participants à surmonter les obstacles qui les empêchent de réfléchir de manière plus stratégique et imaginative aux opportunités qui s'offrent à eux, à dépasser les vieux clivages et a à agir avec un nouveau sentiment d’appartenance, une vision commune. En conséquence, cette action donne un nouvel élan à la coopération et à l'investissement au profit de tous les acteurs concernés : États, régions, société civile, parties prenantes et, surtout, citoyens européens. Elle cherchera à compléter les structures de coopération existantes plutôt qu'à les dupliquer.
Eusalp vu depuis Grenoble
Huit ans plus tard et après la mise en œuvre de nombreuses actions, avec des temps forts, des conférences et des études, il était intéressant de revenir à Grenoble pour mesurer l’impact de cette stratégie à l’échelle d’un territoire et de la communication locale. Et notre homologue, Emmanuel Chion, dircom de Grenoble-Alpes-Métropole et membre du Comité de pilotage de Cap’Com, interrogé sur ces sujets nous a parlé du point de vue de la communication du territoire et de sa collectivité ; un regard opérationnel.
Point commun : Quelle est votre vision de cette stratégie européenne macro-régionale ?
Emmanuel Chion : Nous sommes heureux d’avoir lancé le mouvement en 2013. Aujourd’hui, nous suivons cela de plus loin, sachant que les problématiques urbaines restent marginales à l’échelle de cette conférence.
Point commun : Comment s’est-elle traduite dans les faits sur votre territoire ?
Emmanuel Chion : Nous avons participé à la présidence française de l’Eusalp en 2021, en y intégrant nos propres sujets, et en particulier le lien entre villes, vallées et montagnes, ceci notamment avec un fort soutien de l’État en période post-covid.
Point commun : Quelle communication avec-vous fait à ce sujet ? Ou relayé ?
Emmanuel Chion : Ces sujets étant in fine peu opérationnels et lointains du point de vue des habitants - qui restent nos premières cibles du point de vue institutionnel – notre enjeu s’est essentiellement concentré sur nos partenaires impliqués, et notamment à faire dialoguer les acteurs locaux qu’ils soient universitaires ou associatifs.
Point commun : Comment les habitants de Grenoble Alpes-Métropole peuvent percevoir cette stratégie Euslalp ?
Emmanuel Chion : Très sincèrement et très concrètement, ils ne la perçoivent pas, faute de manifestation concrète de ces sujets. Par ailleurs – et c’est ce que me disent nos services – la réalité des Alpes françaises est assez significativement différente de la réalité des Alpes Italiennes par exemple.
Point commun : Comment améliorer cette perception ?
Emmanuel Chion : Il est sans doute important que cela se manifeste via une incarnation politique plus nette et une mobilisation régionale plus forte. Sans cela, il parait difficile de porter ces sujets, alors que la réalité du quotidien nous impose de traiter des solutions que nos collectivités doivent apporter aux problématiques très concrètes renvoyant à la qualité de vies de nos habitants sur nos territoires, à commencer par le logement et la mobilité. Le tout dans un contexte de changement climatique nécessitant de proposer des réformes importantes, en protégeant les plus fragiles. On voit bien que les réalités des uns et des autres sont alors parfois complexes à enchevêtrer.
Photo bandeau : ©Grenoble-Alpes-Métropole
Retour sur Eusalp en séminaire
Ce sujet a fait l’objet d’une intervention de Cap’Com lors du séminaire du Club de Venise (regroupant les communicants des gouvernements européens, dont Cap’Com est membre associé) qui avait pour thème l’élargissement de l’Union européenne et les stratégies macro-régionales de l’UE (à Dubrovnik – Croatie – 28 et 29 septembre 2023). Lors de ces deux journées d’échange, les objectifs communs des quatre stratégies macro-régionales ont été analysés. Sur la base des déclarations de Catane et de Grenoble, une approche intégrative a été présentée et des pistes pour améliorer l'efficacité des communications institutionnelles ont été proposées