Rennes Ville et Métropole passe de 2 magazines à 1 journal éco-conçu et moins cher
Refondre la publication de sa collectivité pour rendre plus lisibles les politiques publiques est déjà un défi en soi pour les communicants. Avec la crise du papier et du climat, le challenge se corse autant qu’il s’impose. Décryptage du changement radical et vertueux opéré par Rennes Ville et Métropole avec son nouveau journal « Ici Rennes ».
En ce début septembre les habitants de la métropole rennaise reçoivent Ici Rennes Métropole, le nouveau journal métropolitain mensuel de 32 pages. Au centre, les habitants de Rennes découvrent Ici Rennes, leur nouveau journal municipal mensuel de 16 pages.
Cette nouvelle publication 2 en 1 remplace les deux magazines bimestriels territoriaux : Les Rennais, publication municipale de 48 pages, et Rennes Métropole magazine (52 pages).
« De deux magazines distribués en alternance un mois sur deux (sans parution en juillet et août), nous sommes passés à un journal 2 en 1 distribué chaque mois », explique Pierre Mathieu de Fossey, rédacteur en chef de Rennes Ville et Métropole. « Nous avons augmenté notre surface d’information et cela nous coûte moins cher », ajoute le directeur de la communication, Laurent Riera. Retour avec eux sur cette démarche de refonte exemplaire.
Vers un nouveau contrat de lecture
Leur projet de refonte démarre après la période Covid par le souhait de se rapprocher des lecteurs et de renouveler le contrat de lecture. La rédaction réinterroge sa posture éditoriale sur la base d’une enquête de lectorat quali et quanti. En 2022 elle questionne 1 500 métropolitains pour savoir comment ils s’informent. Ils expriment des besoins axés sur les loisirs dans une optique plus magazine, et une attente forte d’information sur les politiques publiques. Des conclusions qui rejoignent celles du Baromètre de la communication locale.
« Notre responsabilité de communicants dans l’information, c’est justement de rendre lisibles et accessibles les politiques publiques », souligne Laurent Riera, le dircom. À Rennes elles sont fondées sur un nouveau modèle territorial tourné vers la résilience, la transition, la réduction de l'empreinte carbone. « Il nous fallait mettre en cohérence nos publications avec ce projet politique sobre et responsable, et nous adapter à un contexte très différent de celui d’il y a trois ans. »
La crise du papier et le réchauffement climatique en toile de fond
Assez rapidement le projet de refonte va justement se retrouver confronté à ce nouveau contexte climatique et économique inédit. « Quand les prix de l’énergie et du papier explosent, nous réalisons très rapidement que les coûts de l’impression, entre 30 % et 50 % plus importants, vont devenir insoutenables. » L’idée de mutualiser les deux magazines s’impose, appuyée sur le constat d’une perte d'identification des magazines, édités en alternance un mois sur deux.
Pour cette fusion, la consigne de Mme le maire est claire : produire ce nouveau support pour un coût égal ou inférieur à celui des deux magazines avant l’augmentation du prix du papier. L’emballement climatique de l’été 2022 ne fera que renforcer cet impératif de sobriété et de diminution des matières premières.
L’éco-conception : socle d’une démarche radicale
« Notre premier souci a été de travailler dans une démarche la plus "éco-responsable" possible », précise Pierre Mathieu de Fossey. Pour l'impression, le service communication construit donc un appel d'offres à partir des recommandations de l’Ademe :
- papier 100 % recyclé ;
- grammage de 52 g/m² pour limiter le poids et le coût du transport ;
- encre à faible empreinte ;
- impression sans séchage ;
- format qui optimise l’usage du papier.
Sur ce dernier point, la solution optimale viendra de la réponse au marché du groupe Ouest-France. Leur imprimerie propose un format qui correspond au lé de papier, donc sans massicotage, et sans gaspillage. L’offre de cet imprimeur de presse s’avère bien moins chère que celle des imprimeurs de labeur, notamment parce qu'ils n'utilisent pas du papier « couché », mais un papier journal. Son fonctionnement en continu permet aussi d’éviter de payer un calage machine.
« Pas de calage, pas de séchage, pas de massicotage… un papier fin donc un journal léger à transporter et à distribuer, toutes ces économies d’échelle nous ont permis de passer à une périodicité mensuelle, bien plus lisible pour les lecteurs », ajoute le rédac chef. « Tout en ramenant le budget de nos magazines à ce que nous dépensions avant le Covid et l'augmentation de plus de 50 % du coût d'impression liée à la hausse des prix du papier ! » Cerise sur le gâteau, un impact du transport limité par la proximité de l’imprimerie d'Ouest-France, située à 5 km de la collectivité.
D'une maquette magazine à une maquette journal
Le passage radical d’un format magazine à un format journal se répercute de fait sur la maquette. « Notre appel d’offres, remporté par l’agence Marge Design, tenait compte du papier et du type d'impression. En clair, comme on passait en mode "journal", on a cherché à faire une maquette de journal plutôt que de magazine. Notre souci : qu'elle soit à la fois incitative et économe en encre (et adaptée à des rotatives de presse). L'un des principaux changements, c'est la couverture, qui ressemble plus à celle d'un journal qu'à un magazine et surtout à un magazine de collectivité. On voulait en effet qu'il y ait plus de propositions, pour intéresser le plus de lecteurs possible. Fini donc la grande photo pleine page… »
La têtière a été conçue sur la base du nouveau logo et de la charte graphique qui l'accompagne (pour les deux collectivités), et la typo Condate, créée pour Rennes, est la principale typo utilisée pour les titres.
La marque média Ici Rennes : du numérique au print (et vice versa)
Les deux supports adoptent le nom de la plateforme média numérique de la collectivité : Ici Rennes. La ville a lancé ce dispositif éditorial dédié à l'actualité des politiques publiques en 2018, lauréat du Grand Prix Cap’Com en 2019. « La marque commence à vraiment être ancrée à Rennes, et il nous semblait cohérent de la décliner dans nos journaux institutionnels », explique le rédac chef. « Comme on compte bien développer encore le cross-média (via notamment des articles dans le journal qui renvoient à du "contenu augmenté" en ligne), c'est logique que ce support essentiel de notre écosystème d'info publique porte le même nom que son alter ego numérique. » La campagne de lancement de cette nouvelle publication joue avec cette marque simple et efficace.
Journalisme de solution et de proximité
En parallèle, l’équipe de rédaction mène un important travail éditorial pour que ce nouveau journal soit plus proche des lecteurs et se fasse l’écho, dans le récit comme dans l’outil, d'un projet politique tourné vers la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la préservation des ressources naturelles. La ligne éditoriale vise à expliquer clairement et pédagogiquement l’action municipale et métropolitaine, et à donner les clés qui permettent le débat. Pour rendre accessible cette action, elle s’appuie sur le journalisme de solution auquel la rédaction s'est formée. Elle s’attache à donner la preuve par l’exemple avec des infos concrètes sur ce qui existe sur le territoire, ancrées dans le quotidien et incarnées par les habitants eux-mêmes.
Leur participation est d’ailleurs l’un des piliers du nouveau contrat de lecture : le journal leur ouvre ses pages (à travers des cartes blanches, des débats, des invitations), et une nouvelle fonction est exercée par un membre du service communication pour instaurer et faire vivre des relations et échanges avec les habitants : médiateur de la rédaction.
Crédits photo : Christophe Le Dévéhat / Rennes Ville et Métropole.