Tu veux ma photo ?
Alors que le selfie fait désormais partie de nos gestes quotidiens, à tel point que nos galeries offrent des vignettes comiquement similaires (angle plongeant – têtes en gros plan – morceau de bras inclus), et que nos réseaux sociaux débordent de photos, la prise de portraits dans le cadre professionnel se heurte encore à de la méfiance, voire du refus.
Par Pauline Moussalli, responsable de la communication interne de la ville de Mulhouse et de Mulhouse Alsace Agglomération.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de l’usine à gaz des autorisations de droit à l’image. Imaginons que les fiches d’autorisation sont prêtes (et validées par le gentil collègue RGPD), qu’on pense à les utiliser (LOL), qu’elles sont bien classées et les photos indexées… tout serait parfait, non ?
Eh bien, pas tout le temps. Parce que les agent·es ne veulent pas toujours la signer, cette autorisation. Et c’est là que le bât blesse, car convaincre quelqu’un que sa tenue est parfaite, sa coiffure impeccable et contrer les « je ne suis pas photogénique », c’est toucher à l’intime. À la perception de son corps, à son image, son estime de soi. L’humour et la bienveillance peuvent fonctionner pour mettre à l’aise, surtout si c’est en petit comité. Pour des photos de groupe, c’est facile d’en coincer un·e au dernier rang. Lors d’un reportage, c’est aussi possible d’en mettre un·e de trois quarts, ou de mentionner en légende les « absent·es sur la photo ».
Trombinoscope à trous
Dans certains cas, ça se corse. Je veux parler de la hantise du trombinoscope à trous, avec ces cases grisées remplaçant les têtes manquantes comme autant d’affronts à sa mise en page. De même pour l’annuaire sur intranet ou les avatars Outlook. Or dans ce cas, il ne s’agit plus de journalisme d’entreprise. Il est question d’outils professionnels, la photo n’est plus utilisée comme illustration mais comme identification. Cela ne viendrait à l’idée de personne de refuser à son employeur de mettre une photo d’identité sur un badge de sécurité : c’est presque pareil, la convivialité en plus, et pourtant !
Cette reconnaissance de l’autre est d’autant plus importante depuis que le présentiel est masqué ; pour autant, différents profils de réfractaires subsistent toujours.
- L’agent secret : pour vivre heureux, il vit caché. Il ne manquerait plus qu’on le reconnaisse à la cantine pour lui parler boulot ! Fait comme pour les cookies : il refuse tout.
- L’agent créatif : d’accord pour s’identifier, mais avec la photo de son chat ou de son dessin animé préféré, pour révéler sa vraie personnalité. Passe son tour au trombinoscope si le photographe n’a pas mis de filtre.
- L’agent cache-cache : comme les enfants, il croit qu’en cachant son visage de ses mains, en regardant par terre ou en faisant dépasser ses pieds du rideau, il se rendra invisible. Sauf que non, et ça fait des photos ratées.
- L’agent star : exige un droit de regard pour valider ou non le cliché, un traitement Photoshop et un double de la photo pour son usage personnel. Très dur à gérer.
Alors, quelles solutions pour combler ces néants photographiques ?
D’abord, l’exemplarité : du top management et du service com en priorité. Ça dédramatise tout de suite, et permet aux autres de sauter le pas sans se sentir seul ! Ensuite, dès que l’occasion de rassembler du monde se présente, le studio photo : le professionnalisme d’un photographe est toujours plus rassurant que le smartphone d’une chargée de com. Et enfin, l’obligation. Certaines collectivités ont astucieusement officialisé le tirage de portrait pour tous les nouveaux arrivés (pratique, ils n’osent pas encore refuser). Pour les autres, si quelqu’un a trouvé la méthode miracle, n’hésitez pas à la partager !