Un follower peut-il être bloqué sur le réseau social d’une institution publique ?
La cour administrative d'appel de Paris vient de préciser les rares possibilités pour une collectivité publique de limiter l’accès à ses réseaux sociaux.
Il peut arriver que les commentaires acerbes d’un follower sur le réseau social de votre collectivité vous conduisent à souhaiter qu’il n’y ait plus accès. Mais une telle exclusion prive-t-elle illégalement une personne de son droit d’accéder à l’information ? Conduit-elle à enfreindre son droit d’expression, son droit d’interpeller l’administration ?
La cour administrative d'appel de Paris vient de préciser cette question de droit. Sa décision du 27 mars dernier condamnant l’Office français de l’immigration rappelle le risque qu’encourt une collectivité publique si, sur son réseau Twitter, elle bloque une personne critique. La cour confirme que tout individu doit avoir accès aux informations que la collectivité diffuse via son réseau et qu’il doit avoir le droit de s’exprimer sur ce réseau.
Le droit implique la liberté d’accéder au réseau sociaux et de s’y exprimer
Au regard de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la cour énonce qu’« en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, le droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer ».
Une collectivité, agissant dans le cadre de sa mission de service public, peut décider, sans y être tenue, de participer au débat public dans les conditions résultant du fonctionnement d’un réseau social. Elle y publie alors des informations mais aussi elle réagit aux commentaires des autres utilisateurs. En conséquence, elle ne peut, sans méconnaître la liberté d’expression et d’accès à l’information et le principe d’égalité devant le service public, interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser.
« Éviter que Twitter soit un lieu de débat est un non-sens absolu, et bloquer ne sert à rien », reconnaît Benjamin Teitgen, dircom du département de l’Ille-et-Vilaine et membre du Comité de pilotage de Cap’Com. « Mais la situation est différente sur Facebook car le titulaire de la page est considéré comme éditeur. » Il appartient donc à l’éditeur de modérer sa page au regard du droit en vigueur. Mais supprimer un commentaire ou limiter l’accès, précise la cour d’appel de Paris, n’est envisageable que « par l’adoption de mesures nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui, en ce compris la protection des agents publics contre les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages ».