30 ans de com publique vus par André Hartereau
Attiré par l’animation et le développement local, André Hartereau s’est rapidement orienté vers la communication publique avec une volonté chevillée au corps : utiliser les atouts de la communication pour réussir le développement local. Pendant plus de 30 ans, ce breton a navigué entre la communication, le développement, la politique et la formation, avec la conviction que les élus, les agents et les usagers sont embarqués sur un même navire et que la démocratie participative était la seule manière de les faire avancer vers un destin commun. Il partage avec nous son expérience et ses réflexions sur l'évolution passée et à venir de la com publique à l'occasion des 30 ans du Forum Cap'Com.
Âgé aujourd’hui de 65 ans, André Hartereau a été élu maire de la commune d’Hennebont dans le Morbihan (16 000 habitants) et vice-président de Lorient agglomération en 2014. Il a d’abord suivi une formation en sciences sociales (animation et développement des territoires) et a occupé ses premiers postes dans l’animation et le développement local au Département de Charente-Maritime, puis à la Ville d’Hennebont. Il a alors rejoint la ville de Lorient au poste de directeur de la communication pendant 4 ans.
Directeur d’un réseau câblé de télévision pendant 3 ans, il suit ensuite Jean-Yves Le Drian devenu secrétaire d'État à la mer et occupe le poste de chargé de mission communication au sein de son cabinet. Il entre ensuite au CNFPT où pendant 10 ans, il coordonne le domaine de la communication publique sur le plan national. Il a contribué à structurer les actions de formation des agents territoriaux. On lui doit les premières approches conceptuelles de la communication publique territoriale et leur traduction en référentiel d'activités et de compétences. Il retrouve ensuite sa Bretagne à Lanester où il devient directeur de cabinet du maire et met en place une démarche participative. Consultant et formateur, André Hartereau a aussi écrit plusieurs ouvrages professionnels, notamment deux « dossiers d’expert » pour la Lettre du cadre territorial sur la démocratie participative.
Cette interview est issue d'une série d'entretiens de communicants publics "30 ans de com publique vus par..." menés à l'occasion de la 30e édition du Forum Cap'Com par Pierre Geistel, ancien chargé de communication, et par Philippe Lancelle, directeur du tourisme de la région Bourgogne Franche-Comté, tous deux membres du comité de pilotage de Cap'Com.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans la communication publique ? Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
C’est plutôt l’aspect sociologique et la problématique du développement des territoires qui m’ont attiré. Mais en 1981, après l’élection de François Mitterrand, on parlait d’information locale, de presse locale, de magazines municipaux… On voyait bien qu’il manquait des supports. Il y avait une grande coupure entre la presse locale, avec ses scoops et une presse municipale qui était une « brosse à reluire ».
Il fallait sortir de cette relation duelle usagers/élus pour rentrer dans un champ qui restait à construire.
Il y avait confusion entre information locale et communication publique, entre communication publique et communication électorale. J’ai glissé du développement à la communication locale en prenant le poste de directeur de la communication de la Ville de Lorient, avec 3 ou 4 personnes. La première idée qui m’est venue a été de travailler l’information en s’appuyant sur 3 pieds, de manière triangulaire : les usagers, les élus et les agents des services. Il fallait sortir de cette relation duelle usagers/élus pour rentrer dans un champ qui restait à construire.
La communication publique a beaucoup évolué depuis 30 ans. Quels sont les principaux changements qui, pour vous, ont marqué le métier au cours de ces années ?
On a beaucoup progressé sur le renforcement du cadre juridique de la communication publique. Si celui-ci est respecté, il offre désormais un très bon support et permet d’ancrer les actions de communication dans un cadre légal sécurisé. J’évoquerai d’abord la Loi Sapin en 1993, qui a apporté de la transparence. La création de la CNIL et de la CADA, les Lois du 15 janvier 1990, Voynet en 1999 et Vaillant en 2002 ont aussi été décisives sur ce point et pour la prise en compte des habitants. Sans oublier tous les encadrements sur la préparation budgétaire des collectivités, les marchés publics… La deuxième évolution est bien évidemment celle des nouvelles technologies et d’internet.
Dans les 10 prochaines années, quels sont pour vous les défis auxquels la communication publique risque d'être confrontée ?
Le principal enjeu est pour moi celui de la démocratie. Les réseaux sociaux, internet, tous ces moyens de communication qui se développent sont finalement étanches.
La communication s’est libérée, mais elle n’est plus maîtrisée.
On n’est plus dans la transparence, mais dans la déviance, voire même dans la désinformation. La communication s’est libérée, mais elle n’est plus maîtrisée. Auparavant, on masquait certes un certain nombre de réalités, mais aujourd’hui, avec la multiplication des canaux, les sources ne sont plus fiables. Le risque est aussi de laisser de plus en plus de place aux populismes. Et à côté de cela, il se passe aussi des choses formidables en matière de solidarité sur les réseaux sociaux et le web en général. L’enjeu, c’est de trouver les points d’appui auxquels se référer, de pouvoir identifier sur un territoire des médias crédibles. Il faut aussi éduquer les citoyens à ces nouveaux médias, leur apprendre à prendre de la distance vis-à-vis des informations diffusées.
Dans l’exercice de vos fonctions dans le domaine de la communication publique, quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Sans doute d’avoir participé à la création et à l’organisation des grandes courses transatlantiques à la voile lorsque j’étais à Lorient. C’était entre 1986 et 1990, les grands événements fleurissaient dans les territoires et nous avons organisé la course Lorient/Les Bermudes et la course de l’Europe à la voile. J’étais coordinateur de la communication avec une équipe et de nombreux partenaires. L’événementiel permet de fédérer les différents acteurs d’un territoire et cette sensation de faire « ensemble » ouvre une réelle dynamique, donne un avenir, permet d’aller vers le large. On rencontre des difficultés, mais on est quand même capable de réussir. Et c’est très grisant.
Et le moins bon ?
Certainement dans le domaine de la communication interne, où je n’ai pas réussi à faire travailler suffisamment ensemble la direction des ressources humaines et la direction de la communication.
On n’associe pas encore assez les agents de la collectivité à la décision publique
Lorsque j’étais au CNFPT, on s’est appuyé sur les réseaux professionnels, on a mis en place des journées professionnelles de la communication interne, mais cela reste compliqué. On n’associe pas encore assez les agents de la collectivité à la décision publique. C’est sans doute une difficulté générale peut-être liée aux élus, aux DRH, ou aux syndicats… Pour moi, il n’y a pas de différence entre communication externe et communication interne. En s’adressant à ses agents, le maire d’une commune s’adresse à un habitant sur trois. Il n’y a donc pas de raison de séparer les choses. Il me paraît important que les agents évoluent en même temps que les projets et il faut mener une communication en même temps entre les élus, les habitants et les agents des services.
Si vous aviez à conseiller un étudiant qui veut se lancer dans la com publique, que lui recommanderiez-vous et pourquoi ?
Je lui conseillerais de s’engager personnellement dans l’action sociale, la vie publique, dès aujourd’hui ! Dans une association, un centre de loisirs, un club sportif… Il faut être ancré dans le réel, avoir une vie sociale, se mettre au service des autres. Il faut aimer les gens et le montrer, poser des actes, montrer son intérêt pour autrui. Cela prime sur la technique.