30 ans de com publique vus par Guy Lorant
En une bonne quinzaine d’années de communication publique, Guy Lorant n’a pas posé de mouchoir sur son esprit caustique. La preuve avec ses propos sur l'évolution de la com publique recueillis à l'occasion des 30 ans du Forum.
D’abord, Guy Lorant exerça le métier de journaliste, ce qui forme une certaine manière de penser, ou, en creux, oriente, pour ne pas dire déforme, le raisonnement…. Il devint directeur de la communication à Orléans où il travailla quelques mois. Puis il revint dans sa région d’origine et de cœur, dircom à Nantes puis conseiller du président de Nantes Métropole. Egalement consultant au cabinet Ten, il intervenait régulièrement pour des structures à caractère public.
Cette interview est issue d'une série d'entretiens de communicants publics "30 ans de com publique vus par..." menés à l'occasion de la 30e édition du Forum Cap'Com par Pierre Geistel, ancien chargé de communication, et par Philippe Lancelle, directeur du tourisme de la région Bourgogne Franche-Comté, tous deux membres du comité de pilotage de Cap'Com.
La com publique a beaucoup évolué depuis 30 ans. Quels sont les changements qui ont marqué le métier depuis ces années ?
Dans les collectivités, la communication publique a évolué à l’image du politique et des technologies. Au plan national, les logiques de pouvoir ont pris le pas sur les logiques de projet, et, au plan local, la gestion et la gouvernance sur le gouvernement des hommes. De là, l’apparition d’une communication qui a de plus en plus tendance à se substituer au politique. Dans le même temps, le développement du numérique joue un rôle sans cesse plus important, conduisant les communicants qui cèdent à la séduction des outils à se cantonner davantage dans le rôle de techniciens que dans celui de stratèges.
La poursuite de la marchandisation de la société a conduit les structures de formation à adapter leurs programmes à cette évolution. Communiquer est de plus en plus synonyme de vendre. Ce qui n’empêche pas le développement de ce qu’on appelle communément la démocratie participative. Elle se propose de résoudre deux problèmes : celui du vide politique, qui conduit à privilégier la demande sur l’offre, au risque de favoriser le consumérisme politique, et celui de l’utilisation maximale des outils modernes de communication, censés créer en soi de la communication.
Si le métier a gagné en professionnalisme, entendu comme la maîtrise des outils et des techniques, il n’est pas certain que la fonction ait gagné en contenu.
Si le métier a gagné en professionnalisme, entendu comme la maîtrise des outils et des techniques, il n’est pas certain que la fonction ait gagné en contenu.
Dans les 10 prochaines années quels sont les défis auxquels la com publique risque d’être confrontée ?
Comme la majorité des pratiques sociales, la communication sera toujours le reflet de la société dans laquelle elle est produite. En ce sens, son évolution ne dépend pas que d’elle.
Les deux grands défis de la com publique : la marchandisation généralisée de la société et le rôle toujours croissant des technocrates.
Ses deux grands défis sont la marchandisation généralisée de la société, qui risque de réduire la fonction de communicant à celle de vendeur et le rôle toujours croissant des technocrates dont nombre de communicants font déjà partiellement parti.
On pourrait souhaiter que la communication publique contribue davantage à réhabiliter le politique au lieu de se substituer à lui, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
Dans l’exercice de votre métier, quel est votre meilleur souvenir ?
La conception, la réalisation et la déclinaison du concept « Nantes. L’Effet Côte Ouest », qui mettait en avant les valeurs de découverte, d’innovation et de bien-vivre. Mais surtout, le fait d’avoir réussi à concilier la fidélité à ceux qui m’ont fait travailler et le refus de toute inconditionnalité.
Et le moins bon ?
La restitution partiellement manquée d’une étude de positionnement de la ville de Nantes. J’ai eu le tort de faire confiance à des intervenants qui n’ont pas su conduire l’opération.
Si vous aviez à conseiller un étudiant qui veut se lancer dans la com publique, que lui recommanderiez-vous et pourquoi ?
De ne jamais oublier les deux sens complémentaires du verbe communiquer, à savoir : « rendre commun » et « entrer en contact avec ».
Ne jamais oublier les deux sens complémentaires du verbe communiquer : « rendre commun » et « entrer en contact avec »
Le reste relève le plus souvent de la manipulation. Et puis aussi, de ne pas confondre compromis et compromission.