30 ans de com publique vus par Jean-Yves Battagli
Particulièrement attaché à la fonction de directeur de la communication à l’échelle de la commune, Jean-Yves Battagli y a vécu les principaux changements de la communication locale, tant sur le plan technique que sur le plan social. En 30 ans d’un parcours marqué par 7 collectivités, l’actuel directeur de la communication de la ville de Grenoble est toujours autant passionné par l'aspect diversifié de sa fonction et par ce qu’il appelle « sa contribution au débat démocratique ».
Jean-Yves Battagli est titulaire d’une maitrise des sciences et techniques de la communication. Après plusieurs expériences dans le privé comme consultant en agences, il a assumé la fonction de directeur de la communication et de l’événementiel dans 7 collectivités territoriales différentes dont la ville de Reims et Reims Métropole, la Ville de Tourcoing et la ville de Grenoble, dont il est actuellement directeur de la communication.
Cette interview est issue d'une série d'entretiens de communicants publics "30 ans de com publique vus par..." menés à l'occasion de la 30e édition du Forum Cap'Com par Pierre Geistel, ancien chargé de communication, et par Philippe Lancelle, directeur du tourisme de la région Bourgogne Franche-Comté, tous deux membres du comité de pilotage de Cap'Com.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans la communication publique ? Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
Jean-Yves Battagli : Un intérêt fort pour le service public et une passion pour la ville. Le champ d’action y est vaste. Nous touchons avec le territoire communal à tous les aspects de la vie humaine et ce, à 360 degrés. Cette matière vivante nous amène à devoir communiquer sur des sujets multiples. Ce qui suppose d’être au cœur d’une constellation d’acteurs de toute nature. Cette richesse relationnelle devant servir à créer un sentiment de fierté, et d’attachement au territoire.
Nous donnons les clés de fonctionnement de la cité, nous expliquons les choix politiques pour que les habitants jouent leur rôle de citoyen.
Cette diversité est pour moi une des richesses de notre métier, tout comme son aspect stratégique qui me fait dire que nous contribuons au débat démocratique.
Nous donnons les clés de fonctionnement de la cité, nous expliquons les choix politiques pour que les habitants jouent leur rôle de citoyen. On éclaire, on s’adresse à l’intelligence.
C’est la grande différence avec le privé !
La communication publique a beaucoup évolué depuis 30 ans. Quels sont les principaux changements qui, pour vous, ont marqué le métier au cours de ces années ?
Il y a 30 ans, l’informatique était naissante. On maquettait le journal de la ville selon les méthodes artisanales, à la main. Sortir un journal de 24 pages prenait plus de 15 jours, le temps de l’écrire, de le mettre en pages et de l’imprimer… L’impression était d’ailleurs souvent réalisée en interne car les services communication avaient en leur sein des imprimeries intégrées, permettant d’accéder à des demandes plus politiques.
La communication publique pouvait alors s’apparenter à des manifestes politiques.
Avec les ordinateurs de bureau et la PAO, les process ont changé, faisant gagner du temps.
L’arrivée d’internet dans les années 90 a permis de révolutionner la communication au quotidien. Avec l’arrivée d’internet, la télématique s’en est allée, et les premiers sites ont fait leur apparition. Je me souviens que le premier site réalisé pour la ville des Mureaux où j’étais alors en poste remonte à l’année 2000. Certainement pas le premier, mais à l’époque ce n’était pas généralisé. On faisait figure de novateur.
Avec l’arrivée des réseaux sociaux il y a une petite dizaine d’années, c’est une véritable révolution que nous vivons en tant que communicants publics.
Aussi, ce qui a changé de manière flagrante ces dernières années, c’est l’instantanéité de l’information. Avec l’arrivée des réseaux sociaux il y a une petite dizaine d’années, c’est une véritable révolution que nous vivons en tant que communicants publics.
Nous passons actuellement dans une dimension numérique. La bascule est nette aujourd’hui et plus encore demain. Les pratiques changent. Le numérique est utilisé par tout un chacun quotidiennement et en temps réel, et ce grâce au smartphone. Ceci impose une gestion de la communication de manière réactive, et donc d’organiser les équipes et les moyens en fonction.
Dans les 10 prochaines années, quels sont pour vous les défis auxquels la communication publique risque d'être confrontée ?
Avec la communication numérique qui se généralise, la communication descendante vit ses dernières heures. De la même manière que le politique est amené à être avant tout le catalyseur, l’animateur d’un territoire, la communication publique doit de plus en plus intégrer dans sa sphère les acteurs du territoire. En conséquence, nous allons vers une communication qui sera plus participative. La nécessité de s’affranchir des frontières et de composer avec d’autres, faute de pouvoir maîtriser toutes les informations.
Dans l’exercice de vos fonctions dans le domaine de la communication publique, quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Parmi les multiples expériences qui ont jalonné mon parcours, il y a en a deux que je tiens à souligner particulièrement.
Le projet du réaménagement du centre-ville de Tourcoing d’abord. Un projet très ambitieux qui a duré 5 ans. Avec la création d’une gare routière, le déplacement du métro et du tramway, des démolitions et constructions, dont un centre commercial, des cinémas, un centre aquatique, la rénovation de tous les espaces publics… Il y avait un enjeu fort, celui, à travers ce chantier pharaonique, de redonner un nouvel élan à la ville. Un enjeu de développement et d’image que j’ai pu accompagner jusqu’à l’inauguration qui avait fait l‘objet d’un temps événementiel et de communication nationale. Ce projet fut l’occasion d’affirmer un concept : les défis Tourcoing – La ville se réinvente. Concept qui a été ensuite généralisé à tous les grands chantiers de la ville. Un fil conducteur qui s’est avéré gagnant !
La commémoration des 50 ans des Jeux Olympiques de Grenoble en 2018 ensuite. Ce temps événementiel me touche particulièrement pour plusieurs raisons : affectivement, car j’ai vécu les JO, j’étais alors un petit enfant mais qui a gardé des souvenirs forts de cette époque. De pouvoir orchestrer un tel événement du point de vue de la communication, mais aussi de la programmation a été une expérience personnelle très forte. L’ampleur du projet avec plus d’un mois d’événements, ce que l’histoire des JO véhicule dans l’imaginaire collectif, la portée nationale et internationale des événements, font que cette aventure a été singulière, avec à la clé une totale réussite en termes de fréquentation - plus de 150 000 personnes - de retombées presse, d’image…
Et le moins bon ?
Je n’ai pas vraiment de mauvais souvenir. Il peut arriver que l’on rencontre des difficultés, que l’on soit dans l’urgence, mais n’est-ce pas le lot de notre métier ? Par contre, le niveau d’investissement dans le poste, la passion que l’on peut mettre à son service et au service du territoire font que les départs, surtout quand ils sont provoqués par des changements politiques, sont souvent vécus douloureusement.
Si vous aviez à conseiller un étudiant qui veut se lancer dans la com publique, que lui recommanderiez-vous et pourquoi ?
Ne pas aborder ce métier que par l’aspect technique. Se faire une vraie culture du métier pour l’aborder avec un sens stratégique, avec des notions sociologiques et politiques. Je lui conseillerai d’anticiper les mouvements et les pratiques de la société.
Un conseil à un étudiant qui veut se lancer en com publique : anticiper les mouvements et les pratiques de la société.