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6 exemples pour consolider la presse territoriale
La presse territoriale, relais clé entre les citoyens et l’information locale, est confrontée à d’importants défis : hausse des coûts et réduction des budgets, diffusion aléatoire, prolifération des fake news et défiance envers les institutions. À travers des initiatives variées et innovantes, six communicants partagent leurs solutions pour garantir à tous l'accès à une information publique de qualité.
Article rédigé par Lisa Grante, Tony Campeotto et Aurore Frazao, en master information-communication – parcours communication et territoires – de l’université de Toulouse. Les six collectivités citées ci-dessous ont présenté leurs bonnes pratiques en matière de presse territoriale lors de la conférence hop du mercredi 11 décembre 2024 lors du Forum de Lille.
« Notre objectif est de soutenir les citoyens dans leur recherche d’informations fiables et utiles. » Yves Charmont, délégué général de Cap'Com, a donné le ton en ouverture du dernier Forum de la compublique. Dans cette quête, la presse territoriale joue un rôle essentiel.
Répondre aux grands enjeux de notre temps
Le coût du papier explose. La crise environnementale devient concrète et tangible. Les citoyens sont épuisés d’une politique qu’ils ne comprennent plus. Ce contexte était celui de la France à partir de 2018. Laurent Riera, directeur de la communication de la ville et de la métropole de Rennes, le rappelle. Puis il fixe trois objectifs : sobriété économique, vertu écologique et participation citoyenne.
Pour atteindre ces ambitions, une refonte du journal rennais a été lancée après une large étude de lectorat. La première mesure fut la fusion des deux publications distinctes, désormais réunies en un journal unique pour les habitants de Rennes et de sa périphérie : Ici Rennes et Ici Rennes Métropole. Cette approche unificatrice reflète une volonté de cohésion et d’efficacité.
Côté matériel, le choix s’est porté sur du papier journal au grammage minimal, optimisé pour ne subir aucune perte de matière, réduisant les coûts et l’impact environnemental. Ce format sobre améliore aussi la perception d’impartialité, essentielle dans un climat de défiance politique.
Enfin, le contenu de la parution lauréate du Prix de la presse et de l'information territoriales 2024 a lui aussi été repensé, pour inclure directement les citoyens. Grâce au format « carte blanche », des écoliers, des résidents d’Ehpad et des associations participent à la rédaction, redonnant ainsi la parole aux habitants et ancrant le journal dans leur quotidien. Cet effort s’inscrit dans un récit plus large visant à promouvoir un modèle de société sobre et inclusif.
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Les inscriptions au 27ᵉ Prix de la presse et de l'information territoriales sont ouvertes !
Ce prix, qui récompense les meilleurs journaux territoriaux de l'année, est ouvert à toute institution publique et toute collectivité territoriale, quelle que soit sa taille. Au-delà de la reconnaissance de la qualité du travail des professionnels de la compublique et territoriale, le Prix de la #pressterr est un observatoire des tendances du secteur. Déposez votre dossier de candidature avant le 14 mars 2025.
Par et pour les citoyens
Intégrer les habitants à la rédaction, c’est aussi le pari fait par la ville de Guyancourt. Pour « fabriquer » leur journal municipal, Anne-Caroline Poincaré (alors directrice de la communication de la ville) nous explique : « Nous avons sorti la rédaction en chef des bureaux. »
Certaines éditions ont ainsi été en partie conçues par des partenaires locaux. Des élèves de CM2 ont produit un numéro consacré au sport, tandis que des lycéens ont exploré le thème de l’orientation post-bac. Les collégiens, de leur côté, ont abordé la question du harcèlement scolaire, à l'instar de l’Institut médico-éducatif guyancourtois, qui a proposé un dossier photo illustrant la perception de la ville par des personnes en situation de handicap.
Cette démarche collaborative ne se limite pas à enrichir le contenu du journal. Elle crée également une nouvelle forme de confiance et de proximité entre le lectorat et l’équipe rédactionnelle, rendant le journal plus représentatif des préoccupations et des regards des habitants.
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La pédagogie au cœur de la presse territoriale
Dans un monde de plus en plus complexe, expliquer devient une nécessité. Et ça, la ville de Guyancourt l'a bien compris. Outre les éditos coécrits par les citoyens, le journal municipal propose une multitude d’articles conçus pour éclairer les habitants. La rédaction y décrypte des sujets variés et propose des dossiers pratiques sur les fake news et les moyens de s’en prémunir.
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L'information territoriale jugée fiable et efficace par les Français
Une majorité de Français a le sentiment de recevoir de la part des communicants publics locaux une « bonne information », une information qui permet un meilleur usage des services publics locaux, qui renforce les liens entre les habitants, qui aide à comprendre les décisions politiques locales. En 2024, 76 % des Français estiment que l’information de leur collectivité est fiable (Baromètre 2024 Epiceum & Harris Interactive de la communication locale). Et le magazine territorial reste le support qui informe le mieux et le plus largement. Cette première place ne se dément pas d’année en année. Le magazine est particulièrement efficace sur les plus de 50 ans, soit en moyenne 40 % des Français.
De l'autre côté de l'Atlantique, la pédagogie est au cœur des priorités de la collectivité du Centre littoral de Guyane. Dans ce territoire où 40 % de la population a moins de 25 ans, la jeunesse est une cible prioritaire. Maud Prigent, responsable de publication, explique que « l’objectif est d’informer les jeunes à travers un magazine qui leur ressemble ».
Le résultat ? Chwity, un magazine jeunesse qui s’adresse aux enfants de 9 à 12 ans et reprend les codes des publications jeunesse tout en mettant en avant une mascotte locale emblématique : la loutre géante d’Amazonie. Ce support ludique et visuel aborde des sujets aussi essentiels que l’environnement ou la santé mentale, et se veut un outil pédagogique pour les enseignants. En classe, il devient un support interactif et adapté pour sensibiliser les jeunes lecteurs aux enjeux majeurs de leur territoire, leur permettre également de s'identifier plus facilement.
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La simplification, nouveau maître mot de la communication territoriale
Simplifier, c’est un défi souligné par chacun des professionnels présents, et particulièrement par Nadège Jeandet, de la communauté de Grand Chambéry, et Lucie Dupin, de la ville et eurométropole de Strasbourg. La démarche de simplification renforce l’efficacité des messages et améliore l’expérience des lecteurs.
Dans cette optique, la chargée de mission direction générale et communication interne nous explique comment le journal interne de Grand Chambéry a été totalement repensé pour gagner en clarté, en lisibilité et en efficacité. Cela passe par une ligne éditoriale structurée, des rubriques clairement identifiables, une mise en page dynamique et une valorisation de la vie des agents. C entre nous s’articule autour de cinq rubriques principales, qui rythment chaque édition et offrent au lecteur un repère constant d’un trimestre à l’autre. En complément, il s’intègre harmonieusement avec l’intranet de Grand Chambéry, offrant une communication aux agents plus cohérente et accessible.
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Lucie Dupin, journaliste à la ville et eurométropole de Strasbourg, à quant à elle mis en lumière cette démarche de simplification menée sur le Strasbourg magazine : clarification et thématisation des rubriques pour mieux organiser les contenus, introduction d'un agenda pratique pour les habitants, intégration des marqueurs visuels pour structurer les informations.
Un renouveau graphique
Strasbourg magazine lie la simplification éditoriale à la simplification graphique. Le choix d’un format tabloïde, combiné à une conception graphique sobre et lisible, permet d’atteindre une meilleure accessibilité et une hiérarchisation claire de l’information. Ses titres et les éléments graphiques guident la lecture, tandis que les espaces blancs assurent aération et lisibilité. La grille rigoureuse et l'utilisation du gris typographique facilitent la navigation et la hiérarchisation de l'information.
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Pour Marine Gounant, chargée de communication éditoriale à la communauté de communes du Pays Bigouden Sud, le graphisme est bien plus qu’une question d’esthétique : c’est un outil stratégique pour bâtir la confiance avec les lecteurs et leur permettre de s’approprier le journal. La collectivité a donc fait le choix d’un visuel à la fois singulier et audacieux, à l’image du territoire qu’elle représente.
Cela se traduit par des couvertures percutantes, une mise en page forte et assumée, et une incarnation directe du territoire à travers ceux qui y vivent et y travaillent. Grâce à cette approche graphique marquée, le magazine Sud Bigouden devient non seulement un outil d’information, mais aussi un miroir du territoire, capable de fédérer ses habitants autour d’une identité partagée.
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Demain, la presse territoriale continuera de compter
À travers ces six exemples inspirants mis en lumière au Forum de Lille, et ces cinq grands axes pour consolider la presse territoriale, une vérité unanime émerge : dans un contexte de crises multiples, où les défis économiques, sociaux et environnementaux se multiplient, les professionnels de la communication territoriale font preuve d’une créativité remarquable. Chacun, à sa manière, repense les formats, les contenus et les processus pour répondre aux besoins d’un lectorat en quête d’informations fiables, accessibles et engageantes.
L’avenir reste bien sûr rempli de défis, mais ces initiatives montrent que la presse territoriale a les ressources nécessaires pour les relever. Plus que jamais, elle s’impose comme un acteur clé de la démocratie locale, avec encore de belles pages à écrire.