Bien utiliser la musique dans sa communication
Avec l’augmentation et la diversification des besoins en contenus audiovisuels, trouver de bonnes musiques en respectant ses contraintes de planning et de budget peut sembler compliqué. Quelles sont les obligations légales et les différentes solutions disponibles pour utiliser paisiblement des musiques dans des contenus audiovisuels ? Comment s’inscrire dans le respect du droit d’auteur et choisir la bonne illustration musicale pour ses messages ?
Article rédigé à partir du travail de Joffrey Gamito, étudiant en master communication des organisations à l’université de Bordeaux-Montaigne.
Lors d'un atelier du dernier Forum de la communication publique à Strasbourg, Caroline Grand, directrice de la communication de La Rochelle Université, et Luc Roger et Hubert Kerjean, respectivement directeur commercial et responsable de la communication institutionnelle d’Universal Production Music France, ont sensibilisé les communicants sur la bonne utilisation de la musique dans les campagnes de leur collectivité.
Utiliser de la musique sur un contenu, c’est aussi un sujet légal
Aujourd’hui nombreux sont les agents qui se « débrouillent » sur internet pour l'illustration (ou synchronisation) musicale de leurs contenus audiovisuels, souvent par méconnaissance du cadre légal qui entoure la création musicale. À commencer par la différence entre le droit d'auteur et le copyright.
Le droit d'auteur, qui prévaut dans le modèle français et européen, protège la personne. L’adoption par la France de la directive européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins est venue renforcer cette protection dans le marché unique numérique. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), qui assure la collecte, notamment auprès des diffuseurs numériques, et la redistribution de la rémunération de l’exploitation des œuvres musicales, participe au respect du droit d’auteur.
Le droit d'auteur se distingue du copyright (droit de copie) anglo-saxon qui protège l’œuvre et son exploitation économique et non l'auteur. Sur les grandes plateformes internationales, ce modèle favorise notamment la pratique du « buyout », un système d’acquisition forfaitaire des droits dans les contrats d’auteur, contre laquelle les Anglo-Saxons eux-mêmes luttent.
La musique « libre de droits », ça n’existe pas
Dans la législation française, l’appellation « libre de droits » n’existe pas. Cette expression trompeuse fait référence à une libération des droits patrimoniaux (droits d'exploiter une œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire) qui intervient :
- quand l'œuvre est tombée dans le domaine public et peut être librement et gratuitement utilisée pour un usage commercial ;
- quand l’auteur choisit d'exploiter lui-même sa création sans passer par une société de gestion des droits d'auteur comme la Sacem. Il autorise son utilisation et en fixe les modalités, soit dans le cadre d’une licence gratuite Creative Commons, soit dans le cadre d'une licence payante.
Qu'elle fasse partie du domaine public ou privé, une musique, même libellée « libre de droits », est toujours soumise à la seconde composante du droit d'auteur : le droit moral attaché à la personne, qui est inaliénable et imprescriptible.
De manière générale, l’utilisateur d’une œuvre doit toujours se demander quelles sont les conditions de son utilisation et veiller à ce que le nom de l'auteur soit mentionné et à ce que son œuvre soit respectée.
« Privilégier le droit d’auteur vs le copyright, c’est aussi un sujet d’éthique et de créativité », soulignent les intervenants de l'atelier. Dans leur utilisation de musique, les collectivités territoriales doivent adopter la bonne attitude pour ne pas prendre de risques juridiques avec les ayants droit et favoriser la redirection de l’argent public vers les répertoires qui respectent le droit d’auteur. Cela vaut pour les collectivités territoriales tout autant que pour les agences de communication ou les prestataires qui produisent des films pour ces organismes.
Avant d'utiliser une musique en illustration (ou synchronisation) de ses contenus, il faut donc s'assurer de disposer des droits pour chacune de ses composantes :
- l'œuvre créée par des auteurs et compositeurs, gérée par un éditeur, et couverte par les droits éditoriaux ;
- et le phonogramme ou enregistrement sonore de cette œuvre (appelé aussi master), réalisé par un producteur, et protégé par les droits phonographiques ou droits master.
La collectivité devra donc demander l’autorisation et conclure un contrat à la fois avec le propriétaire de l’œuvre musicale et avec celui de l’enregistrement sonore.
Trois types de musique en fonction des besoins
Pour respecter ces obligations légales et trouver la musique adaptée aux contraintes artistiques, temporelles et budgétaires de son projet, le communicant peut recourir à différentes solutions qui s’inscrivent dans un cadre légal maîtrisé.
La création originale : créée sur mesure en fonction des attentes et de la mise en avant de l’image pour un projet particulier, comme le clip de la campagne Metz c’est mieux, la Moselle c’est mieux, ce mode de création permet une utilisation libre. La gestion des droits éditoriaux et des droits master s’effectue au moment de la création de l’œuvre et de son enregistrement.
La musique dite de commerce : déjà préexistante, elle est destinée en premier lieu au public et non à une utilisation dans des campagnes de communication. Son mode de fonctionnement veut que ce soit une musique que l’on puisse utiliser en toute liberté mais avec un coût conséquent et la nécessité d’identifier les propriétaires de l’œuvre et du master, et de négocier les droits avec eux pour la synchronisation. À défaut, ils pourraient vous obliger à supprimer votre contenu, comme l'a expérimenté il y a quelques années la petite commune de Gorron.
La musique des librairies musicales. Ces plateformes permettent d’avoir accès à une diversité d’œuvres préexistantes destinées à illustrer l’image et classées par thématiques. Les démarches pour pouvoir les utiliser sont simplifiées par la gestion unique des droits éditoriaux et master dans le cadre de licence. Une solution largement utilisée par les collectivités territoriales qui peuvent s'appuyer sur l’expertise d’un professionnel pour choisir la musique la mieux adaptée.
Une bonne illustration musicale au service du message
Car la musique est cruciale pour accompagner et soutenir le message, rappelle Caroline Grand. « En fonction des stratégies adoptées par les services de communication, elle nous permet de donner un impact à notre message. » L’illustration musicale doit servir un message et non pas prendre le dessus. Elle soutient le propos et donne le ton. Choisie en fonction du style recherché, elle doit s’accorder parfaitement à l’exigence artistique du producteur audiovisuel. Pour cela, le communicant peut identifier des termes en fonction de ses besoins et les utiliser dans sa recherche de musique. Il devra également veiller à s’adapter au canal de diffusion et au public cible : liberté artistique totale sur internet, choix en fonction du réseau sur les médias sociaux, format court pour les reels et stories, version instrumentale (appelée underscores & beds) pour illustrer les podcasts...
À l’inverse, une musique inadaptée peut entraîner une mauvaise diffusion ou une incompréhension de la campagne, soulignent les intervenants qui pointent quelques mauvaises pratiques :
- utiliser une chanson sous une interview ;
- utiliser une musique qui prend le dessus sur la narration (on retient la musique, pas le message) ;
- passer à côté du message avec une mauvaise musique (la musique contredit le message) ;
- toujours utiliser la même musique (le citoyen entend toujours la même chose) ;
- ne pas respecter les points de montage du film ;
- oublier de faire le bon mix (la musique sert le film et non l’inverse).
Des erreurs à éviter pour une synchronisation sans fausses notes.