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Campagnes inspirantes et effet waouh, toujours la même story

Publié le : 13 juin 2024 à 07:40
Dernière mise à jour : 13 juin 2024 à 17:16
Par Bruno Lafosse

Vous l’avez sans doute remarqué : pas une semaine ne passe sans que l’on nous propose une campagne de communication qui se veut « disruptive » et « impactante » . On nous promet ainsi des contenus inspirants, capables de générer des leads qualifiés sur tous les devices et de l’engagement auprès de nos prospects, certifié par un reporting H24 avec effet waouh garanti… C’est top !

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Par Bruno Lafosse, président de l’agence Boréal Communication, rédacteur en chef de L’Inspiration politique et membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

Ce charabia auquel les termes anglo-saxons fournissent un fragile vernis d’expertise, on l’a toutes et tous entendu. Et parfois proféré. En effet, ces discours en vogue – pardon « mainstream » – issus de la novlangue des publicitaires digitaux finissent parfois par gagner les communicants publics les plus exigeants. Il faut dire qu’ils sont bien pratiques, ces mots-valises qui disent tout… et surtout rien ! D’ailleurs, l’IA nous en fournit par caisses, nourrie de nos propres travers.

C’est peut-être le moment de dire « STOP ! », et de partir à la redécouverte de notre langage.

Justement, maintenant que ChatGPT fait le job, c’est peut-être le moment de prendre une grande inspiration (je veux dire une bouffée d’air) et de dire : « STOP ! », et de partir à la redécouverte de notre langage.

Reste qu’une fois prise la bonne résolution, comment être sûr de ne pas retomber dans le panneau ? Règle numéro 1 : limiter les anglicismes et tournures anglo-saxonnes. Pour éviter de faire « die » notre cher Bernard Pivot une seconde fois, arrêtons de penser que « déceptif », c’est mieux que « décevant », que « deal », c’est tellement plus ouf que « d’accord » et que « top », c’est absolument plus subtil que : « très bien », « idéal », « parfait », « génial », « épatant ». Après tout, notre langue est au moins aussi riche que difficile, et il est dommage de la rabougrir au prétexte de s’adresser à tous nos publics.

On peut aussi faire la chasse aux adverbes et aux mélioratifs qui « subliment » jusqu’à l’excès la moindre phrase : tous ces « parfaitement incroyable » et ces « incroyablement bon ». On mettra aussi la pédale douce sur nos truismes et pléonasmes favoris, en pondérant « notre véritable joie intense à vivre de vrais moments de partage collectifs » lorsque l’on veut parler… d’une fête de quartier ! Parce qu’il est vrai qu’un faux moment de partage individuel, ça fait tache dans le décor.

Le storytelling et l’éditorialisation à outrance ont des limites.

Pendant qu’on y est, on pourrait aussi éviter de transformer en expérience la moindre péripétie vécue. On m’a demandé récemment comment s’était passée « mon expérience de livraison à domicile »… Et pourquoi pas mon expérience de montée en ascenseur ? Le storytelling et l’éditorialisation à outrance ont des limites.

Oui, je reconnais ma mauvaise foi, mais ça fait du bien aussi. Personne ne veut sortir de campagne ennuyeuse et passant à côté de sa cible (plutôt qu’inspirante et ciblée), ni un support illisible et fouillis (plutôt que lisible et clair), encore moins une campagne ringarde (moderne, c’est tellement mieux !).

Dans notre quête d’« inspiration » et d'« impact », il est crucial de se rappeler que les mots, comme les images, ont un poids et un sens.

Nos communications visent à toucher et à influencer, par l’émotion (d’abord) et, si possible, par la réflexion (ensuite). Mais dans notre quête d’« inspiration » et d'« impact », il est crucial de se rappeler que les mots, comme les images, ont un poids et un sens. En les choisissant avec soin, nous pouvons clarifier notre message et garantir qu’il atteigne celles et ceux à qui il est destiné, et marquer ainsi notre professionnalisme. Bref, il serait dommage de contribuer à produire une communication « low cost ». Pardon, au rabais, vous m’avez compris !


Illustration : Denis Pichelin.