À chacun sa marque sur son territoire
L’enchevêtrement de marques territoriales annonce-t-il la limite du marketing territorial ? Et si on cherchait à briser les murs du chacun pour soi avec la volonté de coordonner les identités et les démarches d’attractivité, au niveau régional au moins. Dépasser les impératifs politiques ou institutionnels, une idée qui fait son chemin et qui sous-tend les 5e Rencontres nationales du marketing territorial.
52 % des directeurs de cabinet (1) et 50 % des DGS de collectivités (2) placent le marketing territorial parmi les priorités de la communication de leur collectivité. Même les chefs d’entreprises y sont favorables et en attendent beaucoup (3). C’est dire si l’engouement actuel pour les démarches d’attractivité territoriale est vigoureux et partagé.
Voilà une dizaine d’années que les collectivités, métropoles en tête mais aussi régions et départements, mettent en place des politiques de marque. OnlyLyon a tracé la voie et de nombreuses collectivités s’y sont engouffrées. « Nous souhaitons inscrire la communication et le marketing territorial au titre des ambitions portées par les départements » rappelait dernièrement l’Association des départements de France qui a édité un guide pour promouvoir les démarches d’attractivité. Longtemps réservé aux grandes collectivités, le mouvement s’étend aux plus petites, villes et nouvelles intercommunalités.
En un an, ont été lancées ou repositionnées des marques comme Normandie, Région Sud, Provence créative, Côte d’Azur France, Alpes French South, Auvergne, Je suis la Nièvre, Je Vois la Vie en Vosges, Magnétique Bordeaux, Inspire Metz, Mosl sans limite, Toulouse a tout, Alpes is Here, Chambéry Grand Lac, Avignon Terres de création, Annecy Mountains, B’A Bassin d'Arcachon, Honfleur l’authentique, Just Dijon ...
« Les marques territoriales prolifèrent. Certaines ont du sens et un contenu clair mais d’autres sèment davantage la confusion vis-à-vis du positionnement et de l’offre du territoire auprès des populations, des touristes et des cibles potentielles », constate Wided Batat, docteure et professeure-chercheuse en marketing. « Le marketing territorial est-il sur le point de passer à l’âge mûr ou, au contraire, de donner lieu à une bulle et une véritable explosion. Chaque territoire, chaque élu semble vouloir sa marque, sans forcément trop savoir ce que cela implique en termes d’investissement financier et personnel, et sans avoir non plus réfléchi à la pertinence de sa création », s’interrogeait récemment La Gazette des communes.
Une approche globale permettrait d'articuler le foisonnement des identités
Sommes-nous arrivés à saturation ? Sur fond de difficultés économiques et d’une mobilité accrue des personnes et des entreprises, les territoires sont plus que jamais en compétition. Ils ont tous besoin d’une stratégie d’attractivité. Mais l’enchevêtrement des marques territoriales rend moins efficace les démarches d’attractivité, freine leur lisibilité et réduit la mobilisation des acteurs locaux. N’est-il pas temps d’avoir une vision globale des marques territoriales et de chercher à les articuler.
« En tant que communicant, ma curiosité est interpellée depuis quelques temps par la probable nécessité de coordonner ces marques territoriales », interpelle Julien Naillet, responsable communication de l’Afnic, « une approche globale permettrait d'articuler ce foisonnement d'identités en légitimant leurs particularités tout en s'assurant d'un socle commun issu de valeurs capitalisables telles que le savoir-faire ou encore la créativité française, qui sont mondialement reconnues ».
L’idée d’une telle coordination n’est pas nouvelle. Elle fut présentée il y a 4 ans par Ruedi Baur lors des Rencontres du marketing territorial organisées à Lyon par Cap’Com. Une proposition graphique qui s’appuyait sur les codes d’expression historiques des territoires et permettait d’imaginer une coordination visuelle. Cette préoccupation va traverser les professionnels qui se retrouveront aux 5e Rencontres nationales du marketing territorial, à Lyon, les 12 et 13 février prochains. Les démarches de marketing territorial sont de plus en plus complexes et de plus en plus courantes. Il importe d’en maîtriser la stratégie et la bonne coordination. Ces rencontres feront le focus sur les outils et méthodes pour organiser des dynamiques collectives.
5e Rencontres nationales du marketing territorial
12 et 13 février 2018 • Lyon
Chaque année, les Rencontres nationales du marketing territorial réunissent près de 200 professionnels de la communication, de la promotion des territoires et du marketing territorial. Elles permettent la mise en dialogue et le travail commun entre la fonction communication et la fonction marketing.
Bretagne, Région Sud : la coordination et le partage
Des démarches d’attractivité construites en coordination sur les territoires existent et démontrent leur efficacité. C’est bien le cas en Bretagne. La région a lancé il y a six ans sa marque. Une démarche d’attractivité, un positionnement et un logo. Mais une marque que peuvent se réapproprier les acteurs économiques et institutionnels de la région. Aujourd’hui, la marque Bretagne, c'est un réseau de plus de 700 entreprises, associations et collectivités locales bretonnes qui déclinent une marque mais aussi des valeurs communes. Par exemple la marque Tout commence en Finistère, lancée il y a 5 ans et que 38% des Bretons connaissent selon l'Ipsos, s’est appuyée sur les préconisations du code de la marque Bretagne et a construit des scénarios de présense des deux marques sur les supports de communication de ses 1200 ambassadeurs.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’est aussi lancée dans cette recherche de coordination pour gérer ses destinations. Le Schéma régional de développement touristique a identifié 3 marques puissantes : Côte d’azur, Provence et Alpes. Ces trois marques doivent assurer la promotion sur un portail commun de la deuxième région touristique française. « Cela implique la concentration de nos moyens sur les marchés à plus fort potentiel et la construction de plus-values différenciantes pour chaque marque de destination », selon le Comité régional du tourisme. La marque Côte d'Azur France a été lancée en décembre 2016, la marque Provence en avril 2017 et la marque Alpes vient de naître avec l’appui des trois départements alpins de la région. Une démarche pertinente qui sera peut-être gênée par la création en même temps de la marque Alpes is(h)ere portée par le département de l’Isère, qui se situe en Auvergne-Rhône-Alpes. Les Alpes d'ailleurs, à cheval sur deux régions et 6 départements, ne manquent par de marques territoriales, avec notamment celles de la Savoie, de Savoie Mont-Blanc, Chambéry Grand Lac, Annecy Mountains.
En Moselle, la création en janvier 2018 de la marque Mosl, initiée par le département peu après celle de Metz, a donné lieu à une heureuse concertation entre les deux démarches. Sylvie Champetier-Vitale, directrice de la communication du conseil départemental de la Moselle, le confirme : « une vraie volonté de coopérer avec les autres marques de territoire notamment avec Inspire Metz. Nous avons expérimenté en novembre dernier une campagne commune » (voir notre article).
La marque est un outil, pas une fin en soi
Ces démarches mettent en évidence l'importance de penser les codes d'expression sur une échelle globale, au-delà des enjeux politiques ou institutionnels. Elles rappellent aussi que, comme l’explique Vincent Gollain, « encore trop de territoires débutent leurs démarches de marketing territorial en voulant créer au plus vite et à tout prix une marque sensée résoudre tous leurs maux d’attractivité. La politique de marque est un outil, pas une fin en soi ». « Si l’on prend un peu de recul, toutes les marques lancées ces dernières années s’appuient désormais sur un kit de base développé en interne, souvent par le service communication, ou avec l’appui d’agences extérieures », poursuit le directeur du département Économie de IAU Île-de-France à l’attention des communicants territoriaux. « Comme le savent parfaitement les membres de Cap’Com, la partie communication est très forte et visible dans l’expression des marques territoriales. Mais les démarches qui réussissent ne s’arrêtent pas là. Elles s’appuient sur une politique de marque qui, en plus des éléments précédents assez communs à toutes les initiatives, entre dans une stratégie en profondeur et de long terme pour passer d’une approche focalisée sur l’esthétique et l’aspect le plus visible de la marque à une approche centrée sur le capital-marque du territoire ».