Communiquer par la preuve : information précise, expérience vécue, parole de citoyens
Parole institutionnelle décrédibilisée, fake news et théories complotistes largement partagées, la communication publique parie sur les faits pour contrer cette défiance. Dans une démarche de transparence, il s’agit d’apporter la preuve que l’information est vraie. Trois principes sont alors adoptés : donner des informations précises et chiffrées, s’appuyer sur des expériences vécues, faire porter la parole par des citoyens. Observons cette tendance de la communication publique au travers de quatre campagnes qui font le pari de la preuve, de l’expérience vécue et de l’intelligence collective.
Une expérience sociale pour déconstruire les stéréotypes de genre
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2020, le département de l’Aude souhaite promouvoir l’égalité femmes-hommes. Fort du constat que les stéréotypes de genre ont la vie dure, le département décide de favoriser une prise de conscience sans passer par l’argumentation, le débat ou la dialectique. « L’évidence de ce qui se passe doit faire prendre conscience de ce que l’on cherche à démontrer, à savoir que le genre n’a pas d’impact sur nos choix, nos goûts, nos envies… bien que, de façon globale, nous sommes souvent persuadés du contraire », théorise le département. Pour déconstruire les stéréotypes de genre, il décide donc de mener une expérience sociale inédite qui va mettre en scène des Audois et des Audoises.
L’expérience repose sur six personnes, hommes et femmes, réparties en trois duos qui s’affrontent lors d’un jeu à mi-chemin entre le « qui est-ce ? » et « l’invité mystère ». Vingt invités se succèdent dans une salle voisine. Impossible de les voir et leur voix, déformée, est restituée à travers un haut-parleur. Chaque binôme peut poser deux questions à l’invité, à partir d’une liste prédéfinie d’une vingtaine de questions. Les binômes disposent de quelques secondes pour déterminer s’ils viennent d’échanger avec un homme ou une femme. À l’issue de cette séquence, les 20 invités mystères reviennent dans la salle. Seul le genre de deux participants a été démasqué par les trois binômes ! Il n’est pas possible de préjuger à coup sûr du genre d’une personne en fonction de ses goûts. Le film de l’expérience est alors diffusé dans le cadre d’une campagne cross canal portée fortement par les réseaux sociaux et le magazine du département.
Résultats : en se basant sur une expérience vécue, concrète, presque scientifique, le message est largement reçu. 66 881 interactions avec la publication et 300 réactions, parfois virulentes, démontrant à quel point le sujet est brûlant… « En 2021, nous prévoyons de repartir de cette expérience et de travailler avec l’ensemble des services et des partenaires notamment associatifs pour explorer la question », annonce le département.
Rendre visibles les initiatives prises par les habitants
Pour démonter qu’il est temps d’agir contre le dérèglement climatique et pour la préservation de la biodiversité, la région Bourgogne-Franche-Comté souhaitait organiser une Semaine de la transition écologique portée par les citoyens. Programmée début juillet 2020, c’est dès janvier que la région commence à recueillir, dans le cadre d’un Festival des solutions écologiques, les initiatives des habitants et de leurs associations qui agissent au quotidien, partout dans le territoire.
La covid a conduit à l’annulation de la semaine. « La frustration de cette première édition qui promettait d’être une réussite citoyenne, participative dans l’ensemble du territoire, a incité la collectivité à programmer une prochaine édition en 2021 sur ce même principe », annonce la région.
Car le recueil des initiatives et des expériences conduites par les habitants s’est avéré positif. Nombreux ont été les Bourguignons-Franc-Comtois qui ont déposé une initiative pouvant être présentée au grand public. Les projets instruits, les porteurs de projet impliqués et volontaires, le Festival s’est mué en une plateforme numérique des solutions écologiques. Une cinquantaine de portraits ont été produits par huit vidéastes/photographes régionaux, et tous les autres projets ont été présentés par les porteurs de projet sous la forme d’autoportraits présentant leur action.
La communication s’est donc déroulée en deux temps, d’abord concentrée sur le recueil des témoignages puis sur le lancement de la plateforme des solutions. Résultats : la parole des habitants qui agissent concrètement pour la planète a été entendue et les solutions qui existent au niveau local ont essaimé.
Faire vivre une expérience pour promouvoir son territoire
L’objectif était donné : renforcer l’attractivité touristique, résidentielle et économique de Caen-la-Mer. Mais la démarche reposait sur une conviction : proposer des animations ludiques et expérientielles aux jeunes ménages parisiens qui pourraient quitter l’Île-de-France pour le Grand Ouest.
Le département du Calvados et l’agglomération de Caen-la-Mer optent donc pour organiser, à Paris, deux jours d’événementiel.
- « La Pause Caen-Calvados » : espace aménagé devant le bassin Takis à La Défense, agrémenté de cabines de plage et d’une photo géante du littoral, pour offrir aux visiteurs pendant l’heure du déjeuner un lieu « à la mode de Caen et du Calvados » pour se restaurer, se détendre et découvrir les territoires, en particulier leurs opportunités professionnelles.
- « L’Afterwork » : dans le Nodd Bar (La Défense), soirée 100 % locale avec mise en avant de la scène musicale caennaise, boissons et carte-dégustation aux couleurs de Caen et du Calvados, pour susciter l’envie d’y venir construire une nouvelle vie, notamment professionnelle.
- « Un beau dimanche » : dans le Jardin d’acclimatation, animations, jeux et spectacles orientés « famille et enfants », pour des idées de week-ends, et plus si affinités.
Résultats : des milliers de participants aux divers événements, dont 11 000 entrées aux animations du Jardin d’acclimatation, qui ont vécu une expérience caennaise et qui s’en souviendront. Sans compter les retombées presse et réseaux sociaux importantes et les contacts qualifiés prometteurs.
Parler sans détour aux jeunes de leur sexualité
« Comment parler sexualité aux jeunes sans adopter un ton trop institutionnel ? » C’est au travers des Centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) que le département de Maine-et-Loire s’adresse à eux pour leur parler de prévention et d’information sur la sexualité, la contraception et les relations affectives.
« Bien qu’ils soient des lieux d’accueil gratuits, anonymes et confidentiels, trop peu de jeunes connaissent et franchissent les portes de ces CPEF », constate le département. « Et pourtant, c’est précisément chez ce public que les professionnels médicaux ou sociaux ont constaté ces dernières années une recrudescence des pratiques à risques et des infections sexuellement transmissibles, en raison notamment de l’influence de plus en plus forte et précoce du porno dans leurs représentations de la sexualité. » Pas facile pour l’institution de porter un discours de prévention pour contrer des représentations parfois biaisées que les jeunes peuvent avoir sur la sexualité.
Deux principes ont été adoptés par le département dans sa campagne lancée fin 2019 : faire parler directement les jeunes en s’appuyant sur des chiffres révélant les pratiques sexuelles.
Visant les 120 000 jeunes de 13 à 25 ans habitant le Maine-et-Loire, la campagne opte pour un format vidéo et une diffusion 100 % numérique sur les réseaux qu’ils fréquentent (Instagram, Snapchat, YouTube). La vidéo est portée par des influenceurs connus des jeunes pour parler de sexualité dont certains ont accepté à titre gracieux de partager les vidéos ou de produire une story pour inciter leurs followers à les consulter.
Résultats : les deux vidéos ont cumulé plus de 167 000 vues dont la moitié dépassent les 2 minutes, et ont permis de générer plus de 10 000 clics vers la page CPEF sur le site du département. Le sujet, pourtant difficile, a été bien perçu.