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Dompter le prompt

Publié le : 31 octobre 2024 à 07:31
Dernière mise à jour : 31 octobre 2024 à 14:30
Par Anne Revol

L’arrivée massive des outils de l’intelligence artificielle introduit une nouvelle compétence dans l’arsenal du communicant : savoir prompter ou l'art de formuler des instructions pour l’IA. Comment fonctionne le promptage, quels sont les ingrédients d’un prompt réussi ? Comment optimiser ses requêtes ? Quels points de vigilance garder en tête ? Aux dernières Rencontres de la communication numérique, les professionnels ont posé les bases du prompt pour tirer le meilleur parti de l’IA.

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Aux Rencontres nationales de la communication numérique du secteur public les 10 et 11 octobre derniers, les communicants ont affiné leur usage de l'intelligence artificielle. Une conférence a été animée par Philippe Couve, fondateur de Samsa, avec Marc Cervennansky, responsable du centre web et réseaux sociaux de Bordeaux Métropole, et Inès Slama, cofondatrice de Leksi, suivi d'un atelier mené par Martin Pavanello, cofondateur et CEO de Mister IA. Des interventions qui ont posé avec pragmatisme et recul des repères pour tirer le meilleur parti des outils d'IA : comprendre comment fonctionne l'IA, comment structurer ses requêtes, et garder un regard critique sur l'outil et ses résultats. Des conditions nécessaires pour arriver à dompter le prompt.

Comprendre le fonctionnement du prompt

Le prompt, c’est l’instruction ou la question initiale que vous soumettez à un outil d’IA générative pour obtenir un résultat. Le modèle de langage de l’outil, comme GPT ou DALL-E 3, entraîné sur de grandes bases de données, analyse le contenu de votre prompt pour en comprendre le sens et génère la réponse la plus pertinente au vu des données à sa disposition en se fondant sur la probabilité. L’IA peut ajuster ses réponses selon les indications de l'utilisateur, ce qui lui permet de s'adapter et d'améliorer la pertinence des réponses.

« Pour la première fois, l’outil digital s’adapte à notre langage et non l’inverse », souligne Martin Pavanello. Pas besoin de savoir coder. Vous pouvez dialoguer avec l’IA comme vous le feriez avec un être humain. Les civilités et autres formules de politesse en moins car, quand vous vous adressez à ChatGPT, il faut viser l’efficacité et la précision.

Les 6 ingrédients du promptage

« Il faut être réaliste », prévient Inès Slama. « Il n’y a rien de magique dans l’IA. Si vous souhaitez de la qualité à la sortie, il faut en mettre à l’entrée. » « Si la réponse générée est mauvaise, c’est que le prompt est mauvais », confirme Martin Pavanello.
Pour lui, l’analogie avec la recette de cuisine est toute trouvée : des instructions claires, c’est l’assurance d’un plat réussi. Point de recette toute faite, de formule miracle, car pour un même prompt, vous n’obtiendrez jamais la même réponse. Mais en promptage comme en cuisine, certains ingrédients, à ajouter étape après étape, sont fondamentaux pour réussir votre prompt.

  1. Demander de réaliser une tâche ou une action : quelle réponse souhaitez-vous obtenir ? Quel est l’objectif ?
  2. Fournir un contexte : qui est impliqué et pourquoi ?
  3. Donner des exemples : quelles sources d’information ou exemples le modèle doit-il utiliser ?
  4. Assigner un rôle à l’IA : elle doit répondre en tant que...
  5. Demander un format de sortie : post LinkedIn, liste à puces, mail, article, etc.
  6. Spécifier le ton avec lequel le modèle de langage doit vous répondre.

Tester et recommencer

« L’IA est plus efficace sur une succession de requêtes que sur une requête complète », précise Inès Slama. À vous de tester et d'adapter vos prompts en fonction des résultats générés par l’IA, et de l'IA elle-même. « D’un outil de génération d’images à l’autre, par exemple, la précision et la personnalisation varient et la qualité d’image à la sortie aussi », précise Martin Pavanello, ce qui nécessite de créer un prompt différent pour chaque outil. Au fur et à mesure de vos tests, vos attentes vis-à-vis des réponses de l’IA évolueront. « Vous prompterez demain différemment d’aujourd’hui. »

Demander à l’IA de créer la requête : le promptage inversé

Si l’IA est capable de formuler les réponses, elle peut également générer les questions. L'outil peut rédiger le prompt générique qui a servi à créer un format, un support ou une image dont vous aimeriez vous inspirer pour concevoir un contenu sur vos sujets avec vos propres données : une newsletter, un post LinkedIn, un mail... C’est le principe du reverse prompt. Un moyen facile et rapide de tirer parti de sa veille ou de reprendre le canevas d’une de vos réalisations, avec toutefois la limite de l’originalité.

Prendre en compte les biais algorithmiques

Les résultats fournis par un modèle de langage héritent des biais et des valeurs culturelles des données sur lesquelles il est entraîné. Les contenus générés peuvent parfois être en décalage avec le contexte d’utilisation et favoriser la propagation des clichés liés au genre, ou à l’origine. Un fonctionnement à prendre en compte lors de la rédaction d’un prompt. Préciser « un homme ou une femme » plutôt que « une personne » pour produire une image incarnant une profession traditionnellement très genrée, par exemple. « Les biais sont très masculins et américains car l’IA a été créée par des hommes blancs aux États-Unis », rappellent les intervenants. Parfois ces biais sont dus à la conception même du modèle de langage. Certaines IA d’optimisation ont tendance à lisser et éclaircir un peu trop les visages sur les photos ou les accents régionaux sur les fichiers audio. Un fonctionnement peu adapté à la conception de campagnes locales authentiques.

« GPT, prenez-le pour un stagiaire : vérifiez ! »

La persistance des biais algorithmiques des outils d'IA pousse d'autant plus à ne pas se contenter des réponses générées. « GPT, prenez-le pour un stagiaire : vérifiez ! », confirme Martin Pavanello. « Un texte bien écrit avec de l’IA, ça ne se voit pas. » Mais attention aux tics de langage de GPT, qui trahissent immédiatement son usage dans un texte. Certains mots comme « crucial » ou « important » sont souvent répétés dans les réponses générées. Autre signe caractéristique : les majuscules à chaque mot dans les titres.

Optimiser son promptage

Affiner les sources de données avec les RAG

Pour obtenir des réponses plus précises, vous pouvez créer votre propre corpus de documents ou de données et l’indiquer comme source d’information au modèle de langage. C’est de la génération augmentée de récupération ou RAG (Retrieval-Augmented Generation). La base de données des décisions publiques de Delibia en est un exemple dans le secteur public.

Optimiser et personnaliser ses requêtes avec les bibliothèques de prompts et les modèles de prompts personnalisés

Internet regorge de bibliothèques de prompts directement utilisables pour un large éventail de tâches. Pour Martin Pavanello, c’est une dépense inutile. Il vaut mieux constituer sa propre banque de prompts et la partager. « À Bordeaux Métropole, nous avons commencé à bâtir une bibliothèque de prompts », confirme Marc Cervennansky, responsable du centre web et réseaux sociaux.

Autre possibilité : créer des custom GPT, des versions personnalisées de ChatGPT, adaptées à un besoin spécifique, comme la rédaction de posts LinkedIn, ou le brief sur un projet.

De savoir écrire à savoir prompter, un déplacement de compétences pour le communicant ?

Laisser l’IA rédiger à notre place signifie-t-il que les compétences du communicant sont moins mises en œuvre ? Pour Martin Pavanello, il y a un déplacement des compétences de bien écrire à bien prompter, et donc à prendre le recul pour formuler la requête. « Nous allons passer dans un monde où les gens intelligents ne seront plus ceux qui ont toutes les réponses, mais ceux qui posent les bonnes questions. »

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