Droit de vacance
Pas de « devoirs de vacances », mais, dans le temps libre, la capacité à faire le vide et à en tirer parti.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste.
Pendant vos congés, SMS d’un membre de votre service, collègue ou subordonné : « Les plaquettes sur la rentrée scolaire sont livrées. C’est énorme ! On ne peut pas les laisser dans le couloir. Où les met-on ? » L’autonomie et l’esprit d’initiative de cet équipier sont insuffisants, ou bien l’organisation des remplacements est défaillante. Ou les deux ! Appel du dircab pendant vos vacances : « Le maire veut s’exprimer de manière forte sur les incidents de l’autre jour au stade. Il veut en parler avec toi. » La demande à la dircom est justifiée. D’ailleurs, la gravité de cette affaire aurait dû la conduire à prendre les devants. Sauf si, en randonnée au fin fond de la Papouasie, elle ne savait rien de ce problème.
Le pépiement des oiseaux plutôt que les tweets
Ainsi, en raison des caractéristiques de notre métier – réactivité à l’actualité, proximité avec les élus, responsabilités en cas d’urgence –, le départ en congé ne constitue pas toujours une coupure complète. Mais il ne faut pas que ceux qui sont à leur poste tirent trop sur la ficelle, aux dépens de ceux qui ont pris le large, y compris à leur retour. C’est bien la clarté sur le « qui fait quoi », pendant les congés… et donc hors congés, la précision des délégations attribuées et un autre ingrédient, immatériel, la confiance, qui font la différence.
Mais les congés s’imposent. Pas seulement par respect des droits des agents en collectivité et des salariés en agence. Inutile d’en rajouter en se victimisant ou, au contraire, en paradant sur sa capacité de travail : la charge, physique et mentale, est souvent lourde. Il n’est pas rare que les 35 heures soient dépassées, les délais tendus, les sources de stress pesantes. Donc il est impératif de faire le vide, de se mettre « en vacance ». Ni expert, ni margoulin du « bien-être », j’indique seulement qu’il est bon de se poser la question de la déconnexion, partielle ou totale, vis-à-vis des réseaux et du détachement, sélectif ou complet, à l’égard des médias. Une bonne petite diète régénératrice… Le pépiement des oiseaux plutôt que les tweets. Mais c’est probablement beaucoup demander à certains. À chacune et chacun de voir ce qui est nécessaire pour le service… et ce qui lui est possible.
Des occasions estivales de ne pas être en hibernation
Donc profitons du temps libéré pour en faire un vrai temps libre. D’accord, plannings, plans de communication et prévisionnels, réunions, réunions et réunions sont loin. Mais bien des occasions estivales de ne pas être en hibernation se présentent. Par exemple en prenant la température de la société, sans, pour autant, faire de la sociologie de bistrot. Comment les gens vivent-ils ? De quoi parlent-ils ? Un mouvement spontané et détendu d’observation vous donnera quelques perceptions que vous n’aurez jamais dans votre bureau. Bien sûr, impossible de ne pas regarder, en tant que professionnel, la communication touristique de votre lieu de villégiature. Ou d’examiner quelque peu l’organisation d’un événement auquel vous participez en anonyme, et en simple participant, position délectable.
« Enfin le temps de lire ! », vous dites-vous peut-être. En attendant le polar bien troussé dans lequel le dircom assassine l’élue déléguée aux sports à cause d’une affiche qui a fait polémique, je vous renvoie aux découvertes proposées dans la rubrique « Pages de com » de Point commun. Pour ma part je vous indique trois essais stimulants, chacun à sa manière. Face à la « fatigue informationnelle », Anne-Sophie Novel a concocté un guide, au sens fort du mot, issu de son enquête Les médias, le monde et nous (Actes Sud) et conçu pour aider le lecteur à retrouver le chemin des médias : Mieux s’informer. Je passe à l’acte (Actes Sud). L’économiste Julia Cagé, avec l’appui de l’avocat Benoît Huet, a publié en 2021 un livre de pleine actualité, au moment où le transfert de Geoffroy Lejeune de Valeurs actuelles au JDD mobilise la rédaction et inquiète une grande partie de l’opinion. Le titre affirme un principe, L’information est un bien public. Le sous-titre résume la voie à emprunter, « Refonder la propriété des médias » (Le Seuil). Pour sa part, Salomé Saqué, avec Sois jeune et tais-toi, apporte sa « Réponse à ceux qui critiquent la jeunesse » (Payot). À la question souvent traitée au sein de Cap’Com (comment parler aux jeunes ?), elle apporte la clarification engendrée par une centaine d’entretiens et un abondant appareil d’études et de recherches. Du vivant et du solide, pour démolir les attaques répétées à chaque génération : les jeunes sont mous, individualistes, se prennent la tête pour rien. La mise à jour des ressorts de l’engagement des jeunes est particulièrement tonifiante.
Bel et bon été ! Fructueux congés !