Élections législatives anticipées : quelles conséquences pour les communicants dans les prochaines semaines ?
L’annonce ce dimanche 9 juin de la dissolution de l'Assemblée nationale et de l’organisation de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet a fait basculer du jour au lendemain la compublique en période électorale. Quelles conséquences a l'organisation de ces scrutins sur la pratique des communicants des collectivités au cours des quatre prochaines semaines ? Faut-il opérer des changements dans les actions de communication de sa collectivité ? Quels points de vigilance les communicants doivent-ils avoir en tête jusqu'à la fin des élections ?
Gérer la surcharge événementielle
En cette période préestivale, traditionnellement occupée par une vie locale intense, et dans certains territoires par le passage de la flamme olympique, « l'organisation de deux scrutins législatifs va nécessairement faire bouger le planning de communication », nous alerte Rolande Placidi, avocate au barreau de Strasbourg, intervenante pour Cap'Com en droit électoral et droit de la communication.
D’abord parce que le programme des dimanches 30 juin et 7 juillet changent : les événements prévus ces jours-là dans des équipements publics où se tiennent les scrutins vont devoir être annulés ou déplacés. Certains agents initialement chargés de les organiser vont sans doute être appelés en renfort pour installer et tenir les bureaux de vote. Il va falloir communiquer sur ces changements dans la vie locale préestivale en externe, comme en interne.
Ensuite, parce qu’il faut communiquer pour organiser les deux scrutins : en interne pour mobiliser les agents, en externe pour trouver les assesseurs.
Enfin parce qu’il faut informer les électeurs et encourager le devoir citoyen :
- inciter à vérifier son inscription ;
- mais expliquer que les citoyens non inscrits ne peuvent pas le faire pour ce scrutin anticipé qui, selon le décret, « aura lieu à partir des listes électorales telles qu'arrêtées à la date du décret du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale » ;
- informer massivement sur la manière de faire une procuration en cette période de départs en vacances ;
- et, plus que jamais, encourager les citoyens à aller voter.
Veiller à la communication en cette période électorale
Depuis la parution le 10 juin 2024 du décret portant convocation des électeurs pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale, les dispositions classiques de la communication préélectorale s'appliquent, rappelle Rolande Placidi, « à compter du jour de la dissolution ; on ne revient pas sur les six mois précédents », précise-t-elle.
En période de communication préélectorale, la communication publique doit veiller à ne pas contribuer à la promotion d’un candidat. Au risque notamment que celui-ci voie réintégrer dans ses comptes de campagne les actions de communication qu’aurait développées à son profit l’organisme public. Ce qui peut rapidement amener à dépasser le plafond des dépenses, fixé (hors campagne officielle) à 38 000 euros, majoré de 15 centimes d’euro par habitant de la circonscription. En cas de dépassement du plafond des dépenses électorales, ou en cas de volonté de fraude ou d’un manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales, l’article L.118-3 du Code électoral prévoit que le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat.
Les collectivités territoriales n’ont pas l’obligation de cesser leurs actions de communication pendant la campagne, rappelait l'Association des maires de France lors des derniers scrutins législatifs, mais celle-ci ne doit être en aucun cas « constitutive d’une propagande électorale directe ou indirecte en faveur d’un candidat ». Un discours ou l'édito d'un élu doit être « neutre et informatif, portant sur des thèmes d’intérêt général » et « sans référence à l’élection à venir. Un événement ne doit pas avoir lieu spécialement à l’approche des élections mais doit être organisé conformément à une périodicité habituelle et dans des conditions identiques à une manifestation équivalente ». Les sites internet des collectivités locales doivent rester neutres, et ne doivent donc en aucun cas faire la promotion d’un candidat. Il est notamment interdit de faire figurer sur le site institutionnel d’une commune, par exemple, le lien vers le site internet d’un candidat. Attention aussi aux réseaux sociaux, une erreur peut intervenir facilement et entraîner des dommages importants. Au communicant public de veiller.
Les dates à retenir :
- Lundi 10 juin 2024 :
- Début de la période pendant laquelle les recettes et les dépenses en vue de l'élection sont comptabilisées au compte de campagne.
- Début de la période d'interdiction de campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion des collectivités, et d'interdiction d'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuel.
- Du mercredi 12 juin 2024 au dimanche 16 juin 2024 (à 18 heures) : période de dépôt des candidatures pour le premier tour.
- Du lundi 17 juin 2024 à zéro heure au vendredi 28 juin 2024 à minuit : campagne électorale officielle pour le premier tour.
- Du lundi 1er juillet 2024 au mardi 2 juillet 2024 (18 heures) : période de dépôt des candidatures pour le second tour.
- Du lundi 1er juillet 2024 à zéro heure au vendredi 5 juillet 2024 à minuit : campagne électorale officielle pour le second tour.
Remettre en question les actions de com au cas par cas
Ces règles sont connues des communicants publics ayant déjà exercé en période d'élections, mais ils doivent aujourd'hui les appliquer dans l'urgence.
Pour Rolande Placidi, il va falloir « réexaminer les actions de com prévues dans les quatre prochaines semaines au cas par cas » et se poser plusieurs questions.
- Est-ce qu’on m’aurait demandé de faire cette communication hors période préélectorale ? Si oui, l’aurais-je faite de la même façon ?
- À quelle date l’action est-elle prévue ? « Les samedis qui précèdent le 1er et le 2d tour, mieux vaut éviter des actions qui pourraient être de nature à altérer le scrutin, notamment si l’écart de voix entre les candidats est faible. »
- Quels liens mon institution entretient-elle avec les candidats ? Il faudra ainsi veiller à ne pas promouvoir l’action d’élus-candidats.
- Quel est le contenu de la communication ? « Il ne doit pas mettre un candidat en valeur. Si c’est le cas il faut revoir par exemple le contenu d’un discours qui porterait sur un bilan ou la valorisation d’un candidat ou d’un député présent à un événement. »
- La communication numérique prévue distingue-t-elle bien la com institutionnelle de la com électorale ? « Attention à ce qui est mis en ligne sur le site internet de la collectivité, et au discours sur les réseaux sociaux notamment les samedis et dimanches de scrutin. » Rolande Placidi incite les communicants à veiller à ce que les élus utilisent leurs réseaux privés ou créent des réseaux spécifiques pour faire campagne et qu’ils respectent l’interdiction , à partir de la veille du scrutin à zéro heure, de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale.
Ultime point d'attention de l'avocate : « Le jour des scrutins, ne diffusez pas de sondages ou de résultats partiels avant la clôture sur les supports de la collectivité. »
Retrouvez tous les articles sur les consignes qui s’imposent aux communicants publics dans le kit de la communication en période électorale.
Restez zen
Ce scrutin historique et inédit fait peser une tension politique forte dans les gouvernances des collectivités territoriales. Les communicants vont devoir plus que jamais renforcer leur rôle de conseiller auprès des élus mais aussi des agents pour soutenir la neutralité de la parole institutionnelle.
Pour rester zen, les communicants pourront s’appuyer sur notre infographie « 8 postures du communicant public en période électorale ».