Événements climatiques : quand tout lâche, comment maintenir le lien ?
C’est une préoccupation nouvelle pour les communicants : la com en situation d’effondrement, à cause de l’eau, du gel ou du vent par exemple. Nos témoins ont connu les trois en même temps. Outre-Atlantique, deux chargées de com de l’agglomération de Montréal reviennent sur un épisode météo exceptionnel et la façon dont elles ont fait face. Un témoignage qui résonne avec celui de Sterenn Grall-Lavenir, dircom et marketing territorial de Brest ville et métropole, touchées de plein fouet par la tempête Ciaran.
Cette entrevue avec Geneviève Fournier, chargée du service des loisirs, culture, vie communautaire et communication du village de Senneville, et Kimberly Ouellette, chargée de communication et marketing de la ville Sainte-Anne-de-Bellevue, a eu lieu à Saint-Hyacinthe lors du colloque 2023 de l’Association des communicateurs municipaux du Québec.
Point commun : Quelles sont les situations de com exceptionnelles liées aux événements climatiques ou météo que vous connaissez habituellement ici en Amérique du Nord ?
Geneviève Fournier : On a des chaleurs ou des froids extrêmes mais aussi des questions sanitaires liées à l’eau ou simplement à la disponibilité des ressources en eau notamment en période de sécheresse (par exemple, interdiction d’arroser les pelouses). On agit globalement de la même façon sur ces sujets. Il faut peut-être ajouter des situations telles que les crues printanières, les tempêtes exceptionnelles, le verglas, les tempêtes de neige, et n’oublions pas les pandémies !
Quoi qu’il arrive, nous avons un plan d’intervention dédié que l’on appelle Plan général ; il peut s’appliquer sur plusieurs missions. Nous, notre mission, c’est la communication. Mais il peut y avoir d’autres types de missions concernées, comme celle de la gestion des sinistrés ou celle de la sécurité publique. Nous avons une charte qui définit les missions. Ce sont des communications organisées selon un niveau d’activation. Pour autant il subsiste des disparités selon les gouvernances.
Kimberly Ouellette : Oui, chez nous ce sont des mises à jour quotidiennes. En période d’événement météorologique, nous communiquons habituellement en numérique avec un système de notification push que l’on active seulement en cas d’urgence. Cela dit, en mesure d’urgence complémentaire, on a aussi recours au papier imprimé. Surtout en direction des citoyens directement impactés, dans la zone rouge. On leur apporte ces supports de communication en main propre.
En ce qui concerne spécifiquement les inondations, à cause des espaces commerciaux de notre secteur, nous avons deux niveaux de déploiement. Cela concerne de multiples facteurs, y compris des sujets qui ne viennent pas à l’esprit immédiatement, comme les conséquences sur le réseau d’eau potable. Ces problématiques ont un impact direct pour les personnes car une contamination, ou une eau qui n’est plus potable, cela va toucher tout un secteur. L’eau y est coupée, et il est nécessaire de donner l’information en accompagnement pour des questions sanitaires autant que citoyennes.
Point commun : Comment vous êtes-vous organisées pour faire face à ces situations ?
Kimberly Ouellette : La meilleure chose que l’on fait, pour faire face aux extrêmes, c’est d’outiller les citoyens et de les éduquer par rapport à ce qui va venir, pour être prêts. Il faut anticiper le problème, c’est une règle de base.
Même lorsque la crise a un caractère global, national, les citoyens se tournent vers nous, vers la municipalité.
Geneviève Fournier : Ensuite nous avons vite noté que les citoyens, même lorsque la crise a un caractère global, national, se tournent vers nous, vers la municipalité. Auparavant, passé un certain cap, j’envoyais les habitants vers le site web du gouvernement. Mais ils n’y vont pas naturellement, alors on accueille leur connexion et leurs requêtes, et on les redirige.
Point commun : Il arrive que, dans la crise, il y ait une autre crise, comme lorsque, récemment, lors d’une pluie verglaçante, vos réseaux ont été mis hors d’usage. Comment réagissez-vous alors ?
Geneviève Fournier : Ce qui s’est passé, c’est que le wifi et la téléphonie ont lâché en même temps ! Plus rien ne fonctionnait. Au-delà des dégâts classiques, comme les chutes d’arbres, la glace a alourdi tous les câbles, et ils ont rompu les uns après les autres.
La prochaine fois, on va se rendre dans la rue avec un mégaphone !
Kimberly Ouellette : Nous avons alors utilisé Facebook, les réseaux sociaux étaient nos seuls moyens de communication, lorsque c’était encore possible de capter quelque chose… Mais la prochaine fois, on va se rendre dans la rue avec un mégaphone, cela nous avait manqué.
Geneviève Fournier : Notre communication d’urgence, on l’a faite en ligne, mais seulement 20 % des citoyens l’avaient lue. Cela nous fait nous interroger. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’aspect communautaire, le bouche à oreille, entre voisins.
Une personne qui a l’information peut la transmettre à celles qu’elle côtoie.
On ne peut pas le mesurer, mais il y a une réelle solidarité entre habitants ; et une personne qui a l’information peut la transmettre à celles qu’elle côtoie. À condition que notre information soit bien identifiée et fiable, sinon il peut y avoir une déformation des messages, ou la transmission d’infos non vérifiées. Pour pallier cette difficulté, et compenser le manque d’audience de nos publications sur les réseaux sociaux, nous avons fait imprimer des documents et les services les ont portés sur site, en proximité.
La municipalité a organisé des « haltes chaleur » avec point de recharge électronique.
Kimberly Ouellette : Lors de la dernière séquence de grands froids, la majorité des municipalités affectées ont organisé des « haltes chaleur » avec un point café, mais aussi un point de recharge électronique. Car, dans les cas comme ceux-ci, l’alimentation électrique est dégradée et les habitants ont besoin de pouvoir recharger leurs appareils pour utiliser les réseaux qui sont encore en fonction (ou tout juste rétablis). Ce qui leur permet d’avoir accès à nos informations, justement !
Tempête Ciaran : quels effets pour la compublique à Brest ?
À Brest, la tempête Ciaran est arrivée la nuit du 1er novembre, en période de congés pour de nombreux services. Plus de 2 000 arbres sont tombés pendant la nuit de la tempête, engendrant de gros dégâts sur la voirie, les espaces publics, les habitations (certaines écoles ont vu leurs toitures s'envoler…).
« La dynamique managériale en place dans la collectivité fondée sur la confiance permet de se mettre en “mode gestion de crise” rapidement et efficacement », explique Sterenn Grall-Lavenir, directrice de la communication et du marketing territorial de Brest ville et métropole. « L’engagement des agents est fort : alors qu’il était interdit de circuler, plusieurs agents ont bravé les éléments pour se rendre sur leur lieu de travail et attendre les consignes ! Services voirie, espaces verts…, beaucoup sont rentrés de congés et les intérims en place ont bien fonctionné. »
« Notre organisation de gestion de crise a permis de réagir vite dès le jeudi 2 novembre au matin avec la mise en place de la première cellule de crise. La direction de la com est membre de la cellule de crise et les process de com de crise en place dans la collectivité permettent une réactivité immédiate. Il s’agit avec les équipes de pilotage d’analyser les remontées du terrain, les situations d’urgence et les actions prioritaires à mener, et bien entendu de décider des informations à communiquer à la population.
Notre organisation est fondée sur une connexion étroite et permanente entre l’unité presse et la rédaction de la direction de la communication et la plateforme téléphonique grand public. Dès qu’un communiqué de presse est diffusé, il est automatiquement repris sur nos canaux digitaux : site web en actualités et réseaux sociaux. Les statistiques de fréquentation de nos outils montrent que les canaux de la collectivité sont clairement identifiés des publics.
Le public manifeste un fort soutien aux agents de terrain (commentaires laissés par les internautes). Encore une fois, en période de crise, le service public prend tout son sens et la solidarité prime. »