Faut-il créer sa chaîne vidéo et l’utiliser comme média ?
Ainsi formulée, la question posée à l’un des huit groupes de parole de la « digitale thérapie », proposé au dernier Forum Cap'Com le 6 décembre 2018, peut appeler une réponse sèche. Mais le groupe en a tiré un fil qui déroule divers aspects de la stratégie de production vidéo dans le secteur public. Pierre Bergmiller, responsable de la communication numérique de l'Eurométropole de Strasbourg, qui a animé les échanges, nous rapporte l'essentiel de cette réflexion commune.
La question des chaînes vidéo
Il semble aujourd’hui illusoire de vouloir créer une chaîne vidéo en espérant obtenir une audience significative. Si certains Youtubers peuvent s’enorgueillir de compter des milliers d’abonnés et des millions de vues, c’est bien plus difficile pour des collectivités. Celles-ci utilisent essentiellement trois services - Youtube, Dailymotion et plus rarement Viméo- pour héberger leurs vidéos qu’elles peuvent ensuite « embarquer » sur leurs sites web.
Youtube est aujourd’hui utilisé comme un moteur de recherche par de nombreux jeunes et moins jeunes. Pour espérer figurer dans les premiers résultats de recherche et de suggestions, il faut affronter la concurrence de millions de tutoriels, clips, web séries, billets d’humour, d’humeur et autres productions des Youtubers chevronnés qui se sont affranchis de nos codes de communication souvent convenus voire compassés…
On peut constater que généralement le nombre de vues vidéo sur les chaînes des collectivités a baissé significativement dès qu’il a été possible de les intégrer en mode natif dans Facebook voici quelques années. Mais il y a aucune étude précise à ce jour sur ce point.
En nette perte de vitesse par rapport à sa principale concurrente, Dailymotion offre peu ou prou les mêmes fonctionnalités que Youtube mais peut présenter l’avantage d’être une société française pour certaines collectivités et organismes publics. En face, Youtube est plus familier du grand public au niveau mondial et offre un plus grand rayonnement pour certaines vidéos.
Les deux services présentent l’inconvénient d’insérer des publicités parfois malencontreuses. Ainsi, à Strasbourg, nous avons relevé il y a quelques années une association étrange entre la présentation de la politique environnementale avec un désherbant controversé mondialement connu. Par le passé, Dailymotion proposait une formule payante qui permettait de s’affranchir des publicités mais cette option n’est plus disponible. Nous avons encore pu souscrire à ce service à Strasbourg et une autre collectivité de l’atelier a pu faire de même. (Si vous vous reconnaissez, merci de vous signaler…)
Viméo est un outil davantage utilisé par les professionnels de la vidéo et de la création. Moins connu du grand public et peu intéressant en matière de référencement, il offre cependant des possibilités techniques et des fonctionnalités plus poussées avec un compte payant. Nous conseillons donc d’étudier de près les options offertes en matière d’hébergement de vidéo par ce service.
En clair, il semble intéressant de développer une chaîne vidéo lorsqu’il est possible de fixer une ligne éditoriale claire et d’y publier régulièrement des vidéos comme le propose le Centre des Monuments Nationaux. Les collectivités aux compétences plus variées voire hétérogènes et dont la qualité de production serait inconstante auront plus de difficultés à afficher une ligne éditoriale lisible.
Construire son dispositif de production
La production de vidéos s’est largement démocratisée depuis quelques années. Une collectivité ou un acteur public peut se servir d'une large palette de moyens : Smartphone, GoPro, appareil photo permettant de filmer, caméras vidéo professionnelles.
Nous avons pu nous accorder sur un investissement standard qui, pour environ 1000 euros, serait constitué :
- d’un smartphone de bonne qualité
- d’un ou plusieurs micros - considérant qu’il convient de porter une attention particulière à ce sujet souvent négligé !
- d’accessoires tels qu’une perche ou un stabilisateur
- de batteries de secours - les lives étant particulièrement consommateurs d’énergie
Dans certaines situations un smartphone standard - voire personnel - dans les mains d’un agent initié avec les bases permet de tourner des images - dévoilement d’un monument, livraison d’un équipement, départ d’une course… - qui montées simplement bout à bout peuvent déjà offrir un impact intéressant sur les réseaux sociaux.
Une analyse des vidéos accessibles actuellement sur internet et les réseaux sociaux permet d’identifier différents types de formats tant dans la durée, leur mode de traitement ou l’apparence.
Abordons également la question des moyens humains. Il s’agit de mobiliser intelligemment les velléités des uns et des autres en matière de production vidéo (community managers, chargé.e.s de communication, journalistes, photographes…) pour optimiser les ressources disponibles au bénéfice d’une production équilibrée et utile aux stratégies de communication.
Mais il est bien sûr recommandé pour des productions plus ambitieuses de faire appel à des professionnels dans le cadre de marchés publics.
Établir un cadre éditorial cohérent et opérationnel
Au préalable, il convient comme toujours de bien définir ses stratégies de communication en cernant les éléments fondamentaux comme les objectifs, les cibles, les messages, les contextes. Pour ensuite retenir les formats à utiliser en tenant compte des moyens de production.
Ceci permet de standardiser a minima sa production sur différents points comme par exemple :
- la signature graphique et sonore
- les différentes durées standard en fonction des objectifs
- les niveaux d’exigence en termes de qualité : éclairage, son, définition…
- les types de traitement possibles en fonction des objectifs et moyens de production : teasers, clips, reportages, lives, animations, gifs animés, cinémagraphes…
- les types de formats : carré, horizontal, vertical…
- les approches éditoriales possibles
Dans chaque collectivité ou organisme public, il est recommandé de prendre le temps de définir ainsi son cadre de production avant de s’équiper et de former ses collaborateurs.
Intégrer dès le départ la stratégie de diffusion
Même si cette question a été abordée en fin d’atelier, elle nécessite d’être considérée en amont de chaque production vidéo. En premier lieu, il est conseillé de soigner la description des vidéos sur les plateformes où elles sont hébergées afin de soigner leur référencement.
Nous avons convenu qu’il ne suffit pas de publier les vidéos sur les différents réseaux sociaux à disposition sans réflexion préalable. Déjà, chaque choix de publication a des implications en termes de formats voire d’approche éditoriale et peut impliquer des coûts (internes ou externes) pour la déclinaison.
Afin d’assurer une diffusion la plus pertinente possible, il est recommandé de porter un effort particulier pour identifier les relais de diffusion potentiels : élus, partenaires, bloggeurs, influenceurs, journalistes, communauté d’intérêt, groupements professionnels, collègues…
Pour les mobiliser deux moyens ont été évoqués. D’abord, ne pas hésiter à solliciter par mail (ou tout autre type de messagerie directe) les personnes susceptibles de partager notre produit vidéo et de l’intégrer sur leur site web ou leurs médias sociaux.
On doit également identifier des pages Facebook, comptes Twitter ou Instagram à notifier dans nos publications pour encourager les partages. De même, choisir judicieusement en amont les bons « hashtags » susceptibles d’enclencher la viralité. Cela fonctionnera d’autant mieux avec des hashtags déjà bien installés dans le paysage. S’ils sont bien validés en amont – et non pas à la dernière minute au moment où la vidéo est déjà publiée – les mots-clés peuvent également être intégrés dans les autres supports de communication comme les affichettes, les communiqués de presse ou des badges par exemple.
C’est donc ainsi qu’à partir de la question « Faut-il créer sa chaîne vidéo » nous avons décliné un large panel des aspects de la production à prendre en compte pour définir sa stratégie et son cadre de production. Gageons que ce temps d’échange en appellera d’autres dans vos organisations.