Ils disent stop aux appels d’offres de communication non indemnisés
« Les communicants publics doivent faire preuve d’éthique et de responsabilité en cessant de nous demander de travailler gratuitement lors des appels d’offres. » Un appel lancé par 30 organisations professionnelles des métiers des arts, du design, de la communication et de l'événementiel.
Dans le cadre d’un appel d’offres de communication, doit-on indemniser les prestataires non retenus qui fournissent un travail conséquent ? Voilà bien une question qui est comme un marronnier dans la presse, elle revient régulièrement à l’ordre du jour depuis de nombreuses années.
Déjà en 2009, lors d’un colloque organisé par Cap’Com sur « Les marchés publics : restaurer la confiance et la performance », l’indemnisation des prestations fournies dans le cadre d’un appel d’offres est souhaitée. Dans le Guide des marchés publics de communication, édité par Cap’Com en 2014, il est aussi rappelé que « ce travail intellectuel appelle a minima une indemnisation ».
Tout travail mérite rémunération
Depuis ce temps, le Code de la commande publique a évolué mais les pratiques sont restées bien souvent les mêmes, dénoncent les 30 organisations professionnelles dans la tribune/pétition, lancée ce 1er mai, contre les appels d’offres publics non indemnisés.
« Dans 80 % des appels d’offres, il est demandé de remettre des maquettes, esquisses, pistes créatives, notes descriptives, plans d’actions, etc. et ce sans prévoir aucune prime ou indemnité au titre du travail demandé. Pourtant, tout travail mérite rémunération. »
Le Code précise aujourd’hui que tout investissement significatif doit déclencher une indemnisation. Mais, constatent les professionnels, « la quasi-totalité des commanditaires publics profite de cette imprécision des termes pour s’épargner de rémunérer le travail demandé, prétextant qu’une esquisse, une maquette, une note descriptive ou un plan d’actions n’est pas un travail “significatif” ».
Dès lors, une première solution serait que le Code des marchés publics définisse mieux la notion d’investissement significatif. Pour cela, il est possible de s’inspirer de la jurisprudence récemment édictée (TA Versailles, 15 juillet 2019, n° 1707597) : « Lorsque ces demandes impliquent aux entreprises candidates de fournir des prestations de conception adaptées au seul appel d'offres, alors elles donnent lieu au versement d'une prime. »
Mais fortes d’un passif de tant d’années, les organisations professionnelles en appellent aux communicants publics. Sans attendre une modification de la loi, il faut changer rapidement les habitudes prises. « Nous n’avons ni le temps ni l’argent pour engager des recours systématiques afin de défendre nos droits ; nos métiers sont composés à 80 % de TPE. »
Négocier des règles immédiatement applicables
Les règles d'application devraient faire l’objet d'une négociation avec les organisations professionnelles des secteurs concernés, est-il proposé. Les pouvoirs publics pourraient ensuite diffuser ces recommandations en direction de tous les organismes d'État et des collectivités territoriales. Un cadre ainsi négocié qui pourrait faire aboutir certaines réflexions menées par le réseau Cap’Com des communicants publics.
Pourquoi, par exemple, ne pas préconiser des modalités de calcul d’un forfait à prévoir systématiquement dans l’appel d’offres et adaptées au type de rendu demandé. Une indemnisation qui prendrait en compte le coût direct, frais de matériel, de création et de présentation, et indirect, le temps passé par les équipes.
Pourquoi ne pas privilégier les appels d’offres en deux temps : une présélection engageant moins d’investissement et une seconde phase, plus créative et indemnisée.
Faire progresser l’efficacité de la commande publique
Au-delà de la simple question de la rémunération du travail des prestataires non retenus, il y a d’autres dysfonctionnements qui nuisent à la confiance, base de toute démarche d’achat public, et qui coûtent cher aux prestataires et aux acheteurs publics. Retenons quatre points importants sur lesquels les communicants peuvent intervenir sans délai.
- Des cahiers des charges parfois imprécis.
C’est le parcours du combattant pour comprendre les critères. Il manque souvent des « données publiques » qui aideraient le répondant, comme le budget annuel de communication. En revanche les données techniques sont parfois extrêmement précises alors même qu’il est difficile de comprendre ce qui est demandé. « L’expression du projet de communication est rarement la partie la plus claire du document », constatent les prestataires. - Des consultations ne sont pas toujours suivies d’effets.
Il y a parfois une certaine légèreté de l’acheteur public qui lance un marché public sans s’être posé toutes les questions sur sa faisabilité. Le projet de communication est-il bien validé, le budget est-il bien prévu, est-il bien évalué ? Il y a un grand gâchis à ne pas pouvoir aller au bout d’un marché. - Des travaux de création et d’exécution graphique ou des notes d’orientation demandés dans des proportions exagérées.
Même si une indemnisation est prévue, il n’est pas souhaitable, par exemple, de demander dans un appel d’offres de réaliser un journal de la première à la dernière page. Ou encore de demander, au stade de l’appel d’offres, de proposer une stratégie de communication avant même d’avoir rencontré les acteurs locaux. - Des décisions prises sur le mode « j’aime/j’aime pas ».
Même si des critères peuvent être établis de manière totalement précise et transparente, la décision se prend parfois rapidement parce qu’un élu a dit « C’est ça que je veux » en réagissant à la création. Les autres critères plus stratégiques ou liés aux compétences du prestataire sont alors secondaires, au grand désespoir des communicants.
Pour des raisons autant éthiques qu’économiques, les communicants publics et leurs prestataires ont donc tout à gagner d’une procédure plus respectueuse du travail de chacun. Faire progresser l’efficacité de la commande publique est aujourd’hui une exigence.