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« Itinéraire d’une démarche éco-responsable », le livre blanc de la communication rochelaise
Réduire les impacts environnementaux de nos métiers dans les services com ? Oui, mais comment ? Les communicants du territoire rochelais apportent collectivement des réponses concrètes à cette question dans un livre blanc qui s’adresse à leurs collègues professionnels. Judith Provencher, directrice communication, relations publiques et événementiel de la ville de La Rochelle, nous explique comment et pourquoi ils ont mené ce projet vertueux pour l’ensemble des communicants.
Conçu avec une approche collaborative et évolutive par et pour les communicants, le livre blanc de la communication rochelaise est loin d'être un guide de plus sur un sujet où le passage à l'acte paraît fastidieux. Il propose une approche pragmatique tant pour ceux qui voudraient lancer une démarche complète et collective que pour ceux qui veulent mettre en place des actions faciles dans leur service communication, puis aller plus loin. Disponible en ligne et au format pdf, ce livre blanc, « Itinéraire d’une démarche éco-responsable », est à consulter comme un « livre de recettes », fort de ses 50 pages, où chacun est libre d’avancer à son rythme, en fonction de son contexte et des moyens à sa disposition. Il œuvre pour l’adaptation de nos métiers et de nos productions à la transition écologique en traitant aussi bien du numérique, du print, des achats et équipements responsables, que de l’événementiel, de l’audiovisuel, des réceptions et des objets promotionnels.
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Point commun : Pourquoi avoir lancé cette démarche ? Dans quel contexte avez-vous engagé ce travail ?
Judith Provencher : La démarche prend racine en 2019. Je travaille alors avec une quarantaine de personnes dans une direction regroupant une imprimerie, un service relations publiques et événementiel, et un service communication avec plein de périmètres métiers différents. L’impact de nos productions sur l'environnement est important et je m'interroge sur la manière dont on peut, à notre échelle, cheminer pour le réduire. Je fonctionne depuis longtemps avec des outils d'intelligence collective et une approche transverse et collégiale. J'organise alors des tables rondes avec mes collaborateurs au sein de ma direction et nous mettons en place une démarche en étroite collaboration avec différents partenaires tiers engagés dans la protection de l'environnement. Nous obtenons un premier label numérique responsable, et concevons une charte de la communication éco-responsable. Beaucoup de collectivités me contactent ensuite pour savoir comment je m’y suis prise pour instaurer une dynamique et quelles sont les actions simples et concrètes mises en place sur les métiers de la production pour diminuer l'empreinte sur l'environnement. C'est d'ailleurs pour ça que la charte a d'abord été créée : faciliter les échanges et surtout partager au maximum les premières actions à mettre en place. C'est lors de l'obtention du deuxième label numérique responsable à l'été 2023 que l'auditrice me dit : « On parle de votre démarche au niveau national mais qu'est-ce que vous faites au niveau local ? » Je prends alors l'engagement d'écrire une V2 de cette charte avec les partenaires du territoire qui en auront envie.
Point commun : C'est donc à ce moment-là que le groupe de communicants du territoire rochelais, qui a produit le livre blanc, voit le jour ?
Judith Provencher : Oui. À l'automne 2023, je convie les communicants du groupement La Rochelle territoire zéro carbone, mais aussi l'office de tourisme, le port, l'aquarium, à venir visiter l'imprimerie de la ville pour découvrir l'impact de l'impression sur l'environnement, les gestes simples à mettre en place et comment questionner les imprimeurs du territoire pour diminuer l'empreinte de nos documents imprimés. C'est lors de cette visite très concrète que je leur propose de s'associer pour rédiger ensemble la V2 de la charte de com éco-responsable.
On démarre en janvier 2024 avec une vingtaine de personnes de l'office de tourisme, l'université, la société Atlantec, le port, la communauté d'agglomération, la ville, mais aussi des experts thématiques et des personnes du privé, des autoentrepreneurs motivés pour écrire cette V2. Assez rapidement, on décide de s'affranchir de la V2 de la charte et d'aller vers un livre blanc pour être davantage transversal entre privé et public, mais aussi entre différentes organisations, et pour pouvoir échanger, cheminer de manière beaucoup plus libre.
On se réunit tous les mois et demi à peu près à 15-25 personnes. On commence par faire un état des lieux : on regarde qui vit quoi et comment, entre ceux qui sont seuls au sein de leur service communication, et ceux qui ont plein de ressources ; entre ceux qui sont seuls mais qui ont l'aval du pilotage et qui sont appuyés par leur hiérarchie pour pouvoir aller beaucoup plus loin, et ceux qui sont nombreux mais qui ne vont pas avoir nécessairement de soutien. Les difficultés, les freins, les besoins, les ressources sont très variés mais, en les partageant, on se rend compte qu'entre privé et public, on rencontre exactement les mêmes, et on va se mettre à rédiger notre livre blanc.
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Ce collectif s'est donc formé d'abord et avant tout par un besoin de se rassembler, de réfléchir à plusieurs, d'avoir des espaces de joie, et des moments ludiques aussi. Cette notion de légèreté nous rassemblait beaucoup, avec l'idée de cheminer différemment de ce qui se fait habituellement dans le milieu du travail.
Point commun : Le livre présente non seulement les pistes d’action mais également la démarche et les outils collectifs. Pourquoi ce choix ?
Judith Provencher : Nous avons d'abord rédigé une première ébauche du livre blanc par périmètre métier (print, numérique, événementiel, etc.) que nous avons soumis à Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l'Agence de la transition (Ademe), et à Nicolas Thibault du programme Territoire engagé transition écologique, pour avoir une prise de recul et un éclairage d'éventuels angles morts. Chacun de son côté nous dit qu'il manque à ce support la façon dont nous nous y sommes pris. De leur prisme à eux, ce qui est innovant dans cette démarche, c'est la manière de fonctionner avec des outils d'intelligence collective, de réfléchir et se mobiliser ensemble pour cheminer. Ce livre blanc, c'est donc avant tout des outils d'intelligence collective mis au service d'un rassemblement de personnes qui souhaitent diminuer l'empreinte des métiers et de la production sur l'environnement. C'est ensuite des actions triées selon deux approches :
- « Je commence » : Quelles sont les trois premières actions simples, rapides et visibles à mettre en place ?
- « J'y suis déjà » : Quelles sont les prochaines étapes pour aller plus loin ?
À la fin du livre blanc nous avons aussi rassemblé des ressources pour que chacun puisse venir piocher dans des moocs, des outils et avancer à son rythme.
Point commun : Comment les communicants du réseau peuvent-ils utiliser ce livre blanc ?
Judith Provencher : C’est justement l’une des questions posées lorsque nous l’avons présenté avec Caroline Grand, dircom de l'université de La Rochelle, au Réseau Com 17 qui rassemble des communicants de Charente-Maritime : comment s'y prendre ? Parmi toutes les actions, lesquelles mettre en place ? Mais selon dans quelle organisation vous vous trouvez, les ressources dont vous disposez, certains périmètres vont être plus simples à aborder que d'autres. Certaines actions qui nous semblent simples au niveau du collectif vont être plus complexes pour d'autres. C'est pour ça que l'ensemble des membres du collectif part du postulat que nous ne sommes pas sachants, mais apprenants. Car, quand on a l'impression d'être parvenu à un certain niveau, on se rend compte qu'il y a plein de choses qui bougent, que ce qu'on croyait performant ne l'est peut-être pas tant que ça. L'idée, c'est vraiment de se mettre en marche.
Je conseillerais donc aux communicants de s'affranchir du périmètre métier ou du périmètre public-privé et d'identifier les quelques collaborateurs ou partenaires motivés, et d'ouvrir le livre blanc et se demander « Tiens, on commence par quoi ? », et ce, à plusieurs. Car c'est à chaque fois les échanges autour de ces questions-là, le partage de ressources, des freins et des difficultés, et l'identification des besoins qui enclenchent le cercle vertueux. Gérer un problème, c'est maintenir le problème, ça, c'est le cercle vicieux. Le cercle vertueux, c'est se dire que derrière un problème, il y a un besoin. L'identifier et y répondre, c'est se mettre en marche. Et le faire à plusieurs, c'est salvateur. Retrouver aussi le sens de la communication entre nous.
Point commun : Avec ce livre blanc, vous souhaitez mobiliser d'autres professionnels de la communication autour de la nécessaire adaptation de leurs métiers face aux défis du changement climatique. Comment imaginez-vous la suite ?
Judith Provencher : Effectivement, ce livre blanc n'est qu'un début. Ça n'aurait pas de sens si on ne poursuivait pas la démarche. Son contenu est diffusé en ligne et en pdf chez l'ensemble des partenaires du collectif. On envisage aussi de le diffuser sous des modes et sur des canaux de communication variés. Peut-être avec des posts sur des quick wins, des trucs et astuces, aussi bien sur les outils d'intelligence collective que sur les actions à mettre en place.
On réfléchit aussi à comment s'associer et travailler avec les réseaux sur le territoire. Car on voit bien que diffuser le document ne suffit pas pour que les gens s’approprient l’information et passent le cap. Le relais, qui conduit au « Ah tiens ça existe », c'est déjà une première étape. La deuxième, c'est faire un état des lieux entre ce que je fais à la maison et au travail, et comment je peux m'emparer du livre blanc. Le passage de la première à cette deuxième étape nécessite une espèce d'hameçonnage, un partage en direct qui permet de faire presque du sur-mesure en fonction de la manière de fonctionner de chacun. Et ça, ça passe vraiment par l'échange et l'interaction. Les échanges de notre collectif s'ouvrent déjà largement à des partenaires du territoire, à ceux qui ont envie et qui veulent agir. Mais comme des personnes d'autres régions nous contactent pour s'associer au collectif ou à la démarche, il faut qu'on imagine dans les échanges via les réseaux pros notamment, comment créer d'autres espaces pour pouvoir partager, échanger en direct ou à distance.
Différents projets émergent aussi autour de la thématique de l'IA, des réseaux sociaux, et de la manière de les utiliser en limitant leur empreinte sur l'environnement. Nicolas Thibault nous a aussi soufflé l'idée d'organiser une journée de la com éco-responsable à La Rochelle en 2025. L'idée serait de proposer des tables rondes sur plein de sujets qui nous intéressent pour que chacun, quel que soit son niveau d'information et d'acculturation, puisse venir participer, échanger sous un mode très différent de ce qu'on peut connaître.
Point commun : Qu’avez-vous appris en menant ce travail ?
Judith Provencher : Qu'il n'y a pas de petits pas. Un proverbe chinois dit : « Que tu partes faire le tour du monde, ou que tu partes chercher de l'eau au puits, le premier pas est le plus important. » Et faire ces petits pas à plusieurs, je crois que c'est là que la force du changement réside. Souvent, on se leurre en disant qu'il faut plein d'argent, de grands mouvements et des gens très puissants pour engager la transition, mais si chacun y va de son petit pas, c'est tellement plus puissant. Quand je vois d'où je suis partie et ce qui a émergé du collectif, je suis ébahie par la capacité, par la puissance des petits pas faits à plusieurs.