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J’ai fait la connaissance de Monica

Publié le : 19 septembre 2024 à 07:07
Dernière mise à jour : 19 septembre 2024 à 14:30
Par Mary Mackay

Monica, ce n’est pas ma nouvelle meilleure amie. Loin de là ! Monica, c’est une intelligence artificielle générative qui analyse les comptes sociaux des internautes (textes, images, interactions…) pour produire des textes pour le moins acerbes, sous couvert d’humour.

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Par Mary Mackay,
chargée de communication de Pays de Montbéliard Agglomération, membre du Comité de pilotage de Cap'Com.

Le ton est donné dès la page d’accueil (1) : « Maître du Roast – Le générateur ultime de roasts AI pour Instagram, TikTok, Facebook, Twitter, Threads et LinkedIn. Prêt pour un examen numérique de votre ego ? Maître du Roast transforme vos posts ennuyeux en or comique. Préparez-vous à des brûlures AI si féroces que vous rirez malgré le roast à votre encontre. »

Pour ceux qui l’ignoreraient, to roast peut se traduire par « chambrer, vanner quelqu’un ». Après, tout est une question de mesure : entre la taquinerie bienveillante et le tacle franchement blessant, il y a tout un champ des possibles, que l’humour peut révéler, pour le meilleur comme pour le pire.

J’ai découvert Monica sur les réseaux et, évidemment, je n’ai pas résisté à l’envie de savoir ce que l’IA allait dire de mon compte LinkedIn, non par masochisme mais par curiosité, histoire de vérifier si elle connaît un peu son sujet :

Alors là comment dire… j’ai franchement été déçue. D’abord, ce texte n’est même pas méchant, même pas drôle, même pas piquant. Et en plus les phrases sont mal construites. Nul. Me voilà rassurée, les maîtres de l’humour (les vrais humoristes en chair et en os) ont encore de belles années devant eux. Sauf que c’était sans compter sur la suite…

Sympa n’est-ce pas ? Le site propose ensuite : une analyse de ta personnalité, ton animal totem, une forme d’horoscope, ta devise de vie… Allez, une petite pour la route : « Tes innombrables heures à créer des plans complexes pour "l'attractivité du territoire" sont comme une douce symphonie que toi seule sembles comprendre. » Je n’en dis pas plus, vous irez voir par vous-même les profils qui vous intéressent.

Alors je l’avoue, j’ai souri à la lecture de certains propos. Parce que je suis plutôt bon public et que j’ai de l’autodérision. Peut-être aussi parce que j’ai moi-même un humour parfois un peu piquant. Tout de même, ça me pose question. Il y a deux ans et demi, trois ans, nous découvrions les possibilités qu’allait nous offrir l’intelligence artificielle. On était – et on est toujours – partagés entre le désir et la crainte. Désir de voir tout ce qu’elle allait pouvoir nous apporter et crainte de voir tout ce qu’elle allait peut-être nous prendre. D’ailleurs, les limites ne semblent pas encore atteintes. Aujourd’hui, l’IA investit cette forme d’humour « caustique ». Mais pour quoi faire ?

Alors qu’on a tous déjà fait les frais de la bêtise humaine, nous devrions, maintenant, composer avec la bêtise artificielle ? Alors qu’on lutte, à titre personnel et dans l’exercice de nos missions professionnelles, contre les formes de harcèlement (qu’il soit cyber, scolaire, moral…), aujourd’hui, nous devrions faire avec des technologies capables de nous décocher des scuds gratos, comme ça, juste pour le plaisir ? Il ne faut pas se leurrer, Monica s’appuie sur les discriminations les plus courantes de la société, elle en reproduit les schémas biaisés et les stéréotypes. Et son utilisation risque de conduire à une forme de violence, qui, comme tout ce qui se passe sur le net, sera bien difficile à juguler.


(1) Du côté des origines du site, France Info indique que c’est un peu flou. Entre un registre des entreprises basé à Singapour et un nom de domaine sur l'île de Man (archipel dans la mer d’Irlande), les serveurs seraient quant à eux hébergés aux États-Unis.

Photo de Possessed Photography sur Unsplash.