J’écris ton nom, citoyenneté
S’il manquait un thème pour le Forum de Rennes, le second tour des élections municipales nous l’offre sur un plateau : l’abstention. Les maires semblaient échapper à ses records successifs : l’indifférence vient d’éparpiller les efforts des candidats, « façon puzzle ». Comment les communicants publics feraient-ils l’économie d’une réflexion approfondie sur ce que Jean-Luc Mélenchon a baptisé « la grève civique » ?
Par Pierre Geistel, ancien chargé de communication de la région Nord-Pas-de-Calais.
Le coronavirus et ses (premières) polémiques ont refréné les ardeurs civiques du premier tour mi-mars. Fin juin, entre fêtes déconfinées et manifs parfois violentes, l’élan citoyen a été brisé. Paroles de non-électeurs : « On a oublié » ou, pire encore, «On a autre chose à faire ». Les pêcheurs à la ligne, jusqu’alors abstentionnistes paisibles, vont-ils vraiment défier la République ?
L’abstention, menace pour la démocratie, remonte sur le ring à chaque tour de scrutin. Les politiques et les communicants l’affrontent et imaginent, à Cap’Com comme dans d’autres arènes, les moyens de raviver la flamme. Avec des chercheurs, avec des associations d’élus comme l’AMF.
Rien n’y fait ni n’enraye l’inéluctable descente aux enfers du bulletin de vote. Le diagnostic effraie. L’origine du mal est-elle seulement identifiable ? Trop de raisons « x » retardent d’hypothétiques remèdes et nul n’ose rêver d’un vaccin. Alors comment arrêter l’épidémie de suspicion civique ? Je parierais volontiers qu’il nous reviendra, chers amis communicants, d’édifier les premiers pare-feu.
À l’image de l’enjeu, la mission s’annonce immense, spatiale et même sacrificielle. J’irais bien chercher quelque médecine, à défaut de médicament, dans les lumières sorties d’autres heures sombres. Sur mon clavier d’ordinateur, et non plus « sur mes cahiers d’écolier », faut pas exagérer non plus, j’écrirai ton nom.
« Sur toutes les pages lues, sur toutes les pages blanches » de mes supports de communication, j’écrirai ton nom.
« Sur les formes scintillantes, sur les places qui débordent » grâce aux événements que nous créons, j’écrirai ton nom.
« Sur la santé revenue, sur le risque disparu », j’écrirai ton nom.
« Et par le pouvoir d’un mot, je recommence ma vie. Je suis né pour te connaître, pour te nommer : citoyenneté ! »
Et je demanderai pardon à Paul Éluard d’avoir pris la liberté d’emprunter une énième fois à son génie pour une question qui nous serre le cœur et la patrie.