La communication publique survivra-t-elle aux algorithmes ?
Vous pensez être libre de consulter ce que vous souhaitez sur le web et les réseaux sociaux ? Erreur ! Vous pensez toucher facilement et naturellement vos administrés ? Erreur !
Par Marc Cervennansky
Plus de 130 milliards de milliards de page web sont répertoriées dans le monde. Mais 95 % de l’audience se concentre sur 0,05 % des contenus disponibles en ligne. Savez-vous que la première page de Google génère 90 % des clics vers les sites les mieux référencés ? Nous sommes face à un paradoxe : il existe une surabondance d’informations mais nous consultons tous les mêmes sites, les mêmes plateformes, les mêmes contenus.
Pourquoi ? Grâce ou à cause des algorithmes. Car trop de choix tue le choix. Nous ne pouvons pas tout voir, tout consulter. La durée de vie des informations est de plus en plus courte, sa visibilité incertaine. Donc, les algorithmes font le tri de ce qui s’affiche dans les résultats de votre recherche Google, votre fil d’actualité Facebook, les suggestions d’écoute musicale sur Spotify ou Deezer, ce que vous allez regarder sur Netflix, les produits qui vous sont recommandés sur Amazon…
Croire que nos informations diffusées sur le web ou les réseaux sociaux sont naturellement visibles des usagers est donc une utopie. Aujourd’hui, vos amis, des annonceurs privés, des organes de presse, les youtubeurs… ont autant sinon plus de pouvoir d'attraction que les nouvelles que vous publiez au nom de votre institution. Et cela ne risque pas de s’arranger sur Facebook avec les changements annoncés dans son algorithme.
« Il n’a jamais été si facile de produire… mais si difficile d’être lu, vu, entendu », déclarait Marie Rumignani lors de son intervention au forum Cap'Com du Havre sur le sujet des algorithmes. Quelle place reste t-il pour la communication publique en ligne, face à une concurrence acharnée, pour capter un minimum d’attention et d’engagement des usagers ?
Sur Facebook, les principaux médias ont conclu un accord avec le diable en produisant des contenus spécifiques dédiés au réseau, les rendant de plus en plus dépendants de l’entreprise américaine. D’autres essaient de garantir leur visibilité à grands renforts de publications sponsorisées.
Pour une collectivité publique, est-ce une stratégie viable et réaliste ? Annoncer à son élu que désormais il est nécessaire de payer pour être vu sur les réseaux sociaux a peu de chances de l’enchanter. Et si Facebook devient un simple support publicitaire, quid de sa raison d'être initiale, avant tout un réseau social communautaire, fait pour échanger, interagir et non pas consommer des publications sponsorisées ?
Face au GAFA (Google Amazon Facebook Apple), sachons raison garder et ne soyons pas trop prisonniers de leur modèle économique. Face aux aléas et au diktat des algorithmes, capitalisons sur la complémentarité et la diversité de nos supports de communication, numériques ou pas. Jouons la proximité, l’écoute et la qualité du service rendu.
Lors de la conférence de clôture du forum Cap Com Laurence Devillers nous avertit à juste titre : L’intelligence artificielle utilise de plus en plus l’illusion de l’empathie pour les êtres humains/consommateurs, flirtant avec la manipulation affective. Sachez-le : un robot ou un algorithme ne comprend rien à ce qu’il dit. Alors s’il vous déclare qu’il vous aime, ne le croyez pas !